François.

        J’étais donc en classe de quatrième, en cette année 1956, quand survint un événement majeur. Je ne parle pas du terrible hiver, qui gela tous les arbres fruitiers et accrocha des festons de glace à toutes les fontaines et à toutes les tuyauteries éclatées. Je ne parle pas de la magnifique victoire, aux Jeux Olympiques de Melbourne, d’Alain Mimoun sur la mythique distance du marathon. Ni des débuts fracassants d’un jeune rocker américain du nom d’Elvis Presley. Je parle de la naissance, le 26 décembre, de mon frère François.En bébé moderne, il vint au monde à la maternité de la clinique Saint-Christophe, alors que Monique et moi étions nés au 121 de l’avenue Joffre, où notre mère était assistée de sa cousine Louisette, infirmière et sage-femme.  Encore un beau cadeau de Noël, mais sans mystère cette fois, ma mère m’ayant souvent rappelé, dans le temps où elle l’attendait, désignant son gros ventre en riant, qu’il fallait faire attention à mon petit frère...    L’échographie n’existant pas à cette époque, elle avait dû puiser dans certains signes ou dans son intuition la certitude qu’elle portait un garçon.
       François fut un poupon blond aux yeux tendres et bleus, que j’appelais affectueusement le « kick ». Notre différence d’âge considérable fit que je ne partageai pas ses jeux d’enfant. Nous nous rattrapâmes plus tard, à l’âge adulte, dans des sorties en campagne et des parties de pêche mémorables.  François vécut au Moyen Vernet jusqu’à l’âge de seize ans.  Ensuite il vint habiter avec mes parents dans un village de la Salanque, où son goût pour la nature trouva à s’exercer. Car le Moyen Vernet ne lui offrait plus, comme à moi, la possibilité de jouer dans les jardins et les champs qui s’étaient, entretemps, fortement amenuisés.