Les "Cerfs" et "l'Equipe".

      Ayant appris à corriger une fâcheuse tendance à la dissipation et à l’indiscipline, je fus nommé par l’abbé Coreau sous-chef de l’équipe des Cerfs. Fier de cette distinction, je m’acquittai consciencieusement de ma nouvelle mission, tenant un carnet de bord, dans lequel je consignais nos noms, attributions et activités, ainsi que les dates de nos conseils.       C’est à ce moment-là que je me mis à organiser parallèlement la petite bande de mon quartier, qui devint « l’Equipe ». Quatre ans plus tard, « l’Equipe » devenait à son tour la patrouille libre de l’Épervier, parrainée par la IVe Troupe des Scouts de France de Perpignan.
      Entretemps, je me consacrais à mes "Cerfs" du patronage et, durant une année environ, je secondai de mon mieux mon chef d’équipe, qui s’appelait Salmon. Dany Perramond resta l’ami de ce Salmon à l’âge adulte, alors que je l’avais perdu de vue.  En fait, à partir de mes treize ans, je m’éloignai progressivement du patronage de l’abbé Coreau. J’aspirais à plus d’autonomie et désirais me consacrer entièrement à l’équipe que j’avais fondée personnellement. Nos jeux de rôles enfantins évoluèrent vers des activités plus sérieuses. Nous apprîmes les techniques de construction de huttes et de tipis plus grands et plus solides. Nous fabriquâmes des « armes » plus perfectionnées : propulseurs de javelines, flèches et bâtons durcis au feu, passerelles et ponts de singe... 
      Nous dûmes ces progrès techniques en grande partie à un garçon du quartier, qui s’appelait Frau.  Il était très ingénieux et habile de ses mains.  C’était un être secret et silencieux, qui gardait ses distances avec l’Equipe, mais savait la rejoindre à son gré, à son heure, surgissant comme une ombre au bord du ruisseau ou se signalant dans la fourche d’un arbre par un petit air de pipeau.      Nous organisions aussi des « fêtes », qui se déroulaient soit dans les huttes, soit dans le vaste grenier du mas Boneta, qui avait été abandonné. Toujours avec l’argent de la vente des vieux journaux et des bouteilles, nous achetions des biscuits et du vin blanc, qui nous faisait tourner la tête. Imprudences et tâtonnements sur le chemin de l’adolescence…