Magazine Journal intime

Le Père Coreau, Mademoiselle Mimi.

Publié le 05 février 2011 par Douce58

       La salle de réunions, qui faisait office de salle de spectacles et de jeux d’intérieur (on y disputait aussi des parties de tennis de table), devait être en fin d’après midi soigneusement rangée et balayée. On pouvait donc faire partie, par roulement, de l’escouade "de service".   L’abbé Coreau nous représentait que cette petite corvée était un acte de solidarité, de dévouement, bref, de charité. Au début réticents, nous finissions par accepter de bon cœur de ranger les chaises et les bancs et de manier le balai. L’abbé aimait à répéter que les petites choses préparaient aux grandes et que les plus humbles tâches qu’on accomplissait avec amour avaient valeur universelle. Cette éthique chrétienne et humaniste se retrouvait dans l’exigence de loyauté et d’honnêteté, qui devait présider à tous nos jeux. L’abbé disait aussi que c’était sur le terrain de jeux qu’on apprenait à devenir un homme.  
      Cher Père Coreau ! Un long corps maigre dans une soutane noire, des godillots à semelles cloutées aux pieds. Une tête anguleuse aux joues creusées par la frugalité et la discipline. Des yeux noirs pleins de bonté, capables de briller d’une ferveur mystique. Une grande fourche de veines se gonflait sur son front, de la lisière de ses cheveux raides et noirs à la racine de son nez, quand il s’animait d’un sourire prodigieusement chaleureux et empathique.      Dans notre église paroissiale Saint-Christophe, il était le célébrant de la messe dominicale la plus matinale, celle de sept heures. C’est à cette messe que devaient assister les scouts, du temps de mon père et de mes oncles. C’est lors de cette messe que je reçus de sa main ma première communion, à laquelle il m’avait préparé. Je m’étais présenté à jeûn, comme il était de règle à l’époque, et avais été pris d’un début d’évanouissement, à la grande frayeur de ma mère, qui se tenait dans l’église à côté de moi.      Comme je l’ai dit plus haut, l’après- midi au patronage s’achevait après un nouveau passage à la chapelle pour les prières, souvent chantées, du soir.      Le dimanche, le père Coreau nous commentait l’Évangile, en vérifiant par des questions si nous avions bien retenu et compris la lecture qui en avait été faite par lui-même ou par un autre prêtre, si nous avions assisté à un office plus tardif, à la messe du matin. Cette messe, il ne fallait pas la manquer, sous peine de commettre un péché mortel...  
C’est de l’abbé Coreau que je reçus l’essentiel de mon instruction religieuse. Cependant, pour la préparation à la communion solennelle (qu’on appelle aujourd’hui profession de foi) et à la confirmation, ses catéchumènes étaient confiés par périodes au bon curé Cinca de la paroisse Saint-Christophe et à son vicaire, l’abbé Ribera, un redoutable jésuite, qui giflait sec ceux qui bavardaient ou qui n’écoutaient pas... 
      J’allais donc au catéchisme une fois par semaine chez le père Coreau.  Il était secondé dans la catéchèse par sa sœur, Mademoiselle Mimi, qui était restée célibataire et partageait, dans un modeste logement, son existence austère.  Le père nous réunissait dans la salle de bibliothèque, à l’étage du Foyer, de l’autre côté de la rue Ampère.  Avec Mademoiselle Mimi, nous apprenions des prières et la correcte exécution du signe de croix dans un local du rez-de-chaussée du presbytère, dont les fenêtres donnaient sur une cour et sur un jardinet.  C’est dans ce local qu’avait lieu la veillée de Noël, au cours de laquelle nos catéchistes nous servaient du chocolat chaud dans un bol apporté de la maison.

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