Magazine Journal intime

Soeur Colette et soeur Claire.

Publié le 05 février 2011 par Douce58

      La sœur tourière du monastère Sainte-Claire se nommait sœur Colette. C’était une toute petite personne aux pommettes rondes, aux yeux vifs, toujours souriante et pleine d’entrain. Elle était chargée de faire les commissions pour la communauté religieuse. Dans cette mission, elle était souvent assistée d’une autre sœur converse, fort gaie elle aussi, dont nous avons oublié le nom. Je voyais souvent les deux religieuses dans le magasin de mes parents. Elles achetaient de la charcuterie, bien sûr, mais s’attardaient un peu aussi pour plaisanter gentiment et échanger quelques menues nouvelles avec mon père. Ma mère connaissait les sœurs depuis le temps de l’épicerie de ses parents, dont elles étaient les clientes distinguées. Sœur Colette était déjà là, mais celle qui l’accompagnait alors s’appelait sœur Claire. Mon grand-père Joseph adorait les taquiner.
(à sœur Colette, j’ai déjà dit qu’elle était très petite...) :
 C’est vous, ma sœur, qui sonnez la cloche à Sainte-Claire ?

(acquiescement réservé de sœur Colette : elle le fait parfois àson tour...)

Eh bien, attention à ne pas vous envoler au bout de la corde ! 



(rire amusé de la religieuse).
      Sœur Colette et sœur Claire étaient choyées par mes grands-parents. Ils les invitaient toujours à boire une tasse de café accompagnée de biscuits fins. Elles prenaient d’ailleurs un plaisir visible à cette collation. Mon grand-père revenait à la charge :
-  Mes sœurs, savez-vous que vous commettez là le péché de gourmandise ? 

(les sœurs, effrayées):

-  Oh ! Ne dites pas cela, Monsieur Coupet, ne dites pas cela... 








      Les saintes femmes repartaient de l’épicerie avec leurs sacs bien garnis, car outre les provisions qu’elles avaient achetées, elles rapportaient en prime pour la communauté et pour elles-mêmes force cadeaux et douceurs.
      On ne sut jamais pour quel motif sœur Claire s’évada du couvent. Elle profita d’une brèche ouverte dans le mur par la grande inondation de 1940 pour plonger dans le siècle. Enfin, c’est beaucoup dire...  En fait, elle se fit engager comme gouvernante dans une bonne maison de Laroque- des-Albères. Elle reparut un jour dans le magasin de mes parents, qui ne la reconnurent pas tout de suite à cause des années qui s’étaient écoulées depuis son évasion et de ses vêtements civils. Comme elle exécutait des petits travaux d’aiguille et de tricot, ma mère lui commanda pour moi, qui n’étais encore qu’un enfançon, contre rétribution, une paire de petites chaussettes de laine. Par la suite, l’ex-sœur Claire confectionna d’autres pièces d’habillement pour Monique et pour moi.
      Elle demanda à être enterrée dans ses habits de religieuse.

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