Quand tu passes une grande partie de la journée à attendre à l'urgence avec ton bébé qui tousse ses organes internes (j'exagère à peine), tu essaies de te réconforter en te disant qu'au moins, ça te laisse du temps pour réfléchir aux dossiers qui dorment sur ton bureau en attendant ton retour au travail. La réalité, c'est que du temps, tu n'en as pas vraiment, même si tu es théoriquement dans une salle d'attente, à attendre que le haut-parleur crache le nom de ta progéniture. Parce qu'attendre avec un bébé, c'est tout sauf une période de détente à méditer sur ton siège en regardant des vieilles revues à moitié déchirées.
Faut d'abord attendre le triage. Tu déshabilles bébé qui reste sagement sur tes cuisses parce que la vue de tous ces visages inconnus le gêne (parce qu'évidemment, la salle est pleine à craquer malgré l'heure matinale). Tu l'empêches de mettre ses doigts dans les yeux du bébé assis sur son papa, à ta gauche. Tu mets ta main devant sa bouche alors qu'il tousse si creux que le monsieur à ta droite change de siège. L'infirmière te fait signe. Panoplie de tests tous plus agréables les uns que les autres (pression, pesée, température rectale, échantillons de mucus), auxquels on ajoute une période supplémentaire de nudité de bébé. Tu habilles bébé, le déshabille à nouveau parce que la nervosité et le manque de sommeil des derniers jours te rendant lunatique, tu as oublié de mettre une couche au fruit de tes entrailles. L'infirmière te fait signe de te diriger vers le bureau d'inscription en te lançant un «Faut compter plusieurs heures d'attente». Yeah, t'as quasiment le goût de faire une danse de la joie, mais bébé s'en charge lui-même (parce que, malgré les microbes, progéniture chérie respire la joie de vivre).
Les heures suivantes se ressemblent toutes, comme une longue suite de déjà-vu:
Course dans la salle d'attente, chute au sol, pleurs, gorgée d'eau, poire nasale, courte interaction avec les autres bébés présents, toux, exploration de chaque poignée de porte, coup d'oeil dans la poubelle, trente secondes de jeu avec la fermeture éclair du sac à couche, bisou à la peluche, dégustation de trois raisins secs, déchirage d'une revue;
Course dans la salle d'attente, chute au sol, pleurs, gorgée d'eau, poire nasale, courte interaction avec les autres bébés présents, toux, exploration de chaque poignée de porte, coup d'oeil dans la poubelle, trente secondes de jeu avec la fermeture éclair du sac à couche, bisou à la peluche, dégustation de trois raisins secs, déchirage d'une revue;
Course qui se termine avec accrochage d'un autre bébé qui faisait aussi la course, double pleurs, toux, vomissement des six raisins secs et des deux gorgées d'eau, peluche dans la poubelle, étalage du contenu du sac à couches, dégustation d'une revue, pleurs...
Grésillement dans le haut-parleur. Tu entends (enfin) le nom de bébé qui est maintenant affalé de tout son long dans tes bras que tu chargent un peu plus avec le sac à couches et les manteaux. Tu te diriges vers la salle d'examen 3, c'est ce que la voix du haut-parleur a dit. Et tu attends encore. En prenant soin que bébé ne touche pas à l'ordinateur, ni aux instruments stériles, ni à l'interrupteur de la lumière. Entre le médecin, jeune, séduisant. Miam, que tu te dis. T'as bien fait de prendre le temps de t'habiller et de mettre du mascara avant de partir de la maison. Burp. Ça, c'est le bruit qui accompagne le lait qui, précédemment, se trouvait dans l'estomac de bébé et qui, maintenant, colore ton beau chandail. Sourire compatissant du beau médecin.
Console-toi: ton bébé n'est pas atteint d'une maladie mortelle et tout sera rentré dans l'ordre d'ici cinq à dix jours. En espérant que tu conserves ta santé mentale d'ici là.