Stéphane Nolhart a fondé son premier journal au collège, à douze ans.
La suite fut un conflit entre le besoin irrésistible d’écrire et des concours de circonstances qui l'ont porté vers la presse. Il écrit des nouvelles, des textes de chansons, des contes pour enfants. Puis, à l’aube de ses quarante ans, il a su qu’il était temps d’écrire son premier roman intitulé « les ailes de Giacomo » publié chez Pietra Liuzzo.
Retrouvez le aussi sur son blog: là.
-Comment vous êtes-vous mis à l'écriture ? Qu’est-ce qui vous a poussé à coucher des histoires sur le papier ? Le vécu, l’imaginaire ?
Au départ, je crois que l’environnement familial a été important. Enfant, j’ai toujours été entouré de livres car mes parents lisaient beaucoup, et il y avait une grande bibliothèque où Tintin côtoyait Balzac, Frédérique Dard était collé à Erasme, Sagan draguait Rabelais, et le père Hugo échangeait avec Boris Vian à sa gauche et Céline à sa droite. Ils étaient de tous les parfums, de toutes les couleurs et je pouvais piocher sur les étagères pour trouver un rêve de tour du monde en 80 jours, ou m’endormir avec Anne Franck, ou Kipling et Baguera. Puis, le véritable déclic, ce fut au collège. Les deux tiers des cours avaient de quoi faire déprimer l’employé des pompes funèbres le plus optimiste, je m’y ennuyais ferme et en toute modestie, je crois que, parmi tous les élèves, j’étais à mettre tout en haut de la liste des fumistes. Pendant les cours, j’écrivais de petites chroniques, d’une ou deux pages, sur les profs pour faire rire mes camarades à la sortie. Parmi le tiers des cours restant, ceux où rayonnait l’envie d’apprendre, un prof de français - brillant esprit, premier de son agrégation de lettres, spécialiste de Nietzsche en France, amoureux de la pensée et des mots - m’a donné des cours particuliers, fait bosser, et m’a fait lire, encore… L’Iliade, L’Odyssée, Salammbô.
Il m’a parlé de Proust, expliqué la Bovary, le Cid, et pas mal d’autres.
Mes notes étaient… médiocres, enfin je veux dire, à deux trois points près, juste au dessus de zéro. Econome de mes efforts, je crois n’avoir jamais dépassé le 5/20 durant ces trois années ; mais à la rentrée suivante, au lycée, en seconde, je suis passé du statut de cancre à celui de meilleur élève en français, à ma grande stupéfaction. Ma première dissertation de l’année a même été lue devant la classe, en guise d’exemple, avec une note de 19/20. J’en hirsute encore, toujours, tellement la surprise et la fierté furent grande. J’ai compris ce jour là, que ce type m’avait rendu service. A la sortie des ailes de Giacomo, j’ai repris contact avec lui, 25 ans plus tard, pour le remercier, et nous entretenons depuis des rapports épistolaires par mail; toutefois, malgré la promesse de lui faire parvenir mon roman, je n’ai toujours pas osé lui envoyer, la peur du zéro, peut-être.
-Avant d’être publié, diriez-vous que vous avez vécu un réel parcours du combattant ?
Autour de moi, tout le monde s’accordait à dire qu’il était quasi impossible de faire éditer un premier roman – à compte d’éditeur - et on aurait pu faire le tour de mes connaissances, il y en a bien peu qui aurait parié un euro symbolique sur la possibilité que mon manuscrit voit le jour en librairie et moi-même, il m’arrivait les soirs de déprime de partager cette opinion largement répandue.
Je n’ai envoyé qu’une dizaine de copies des ailes de Giacomo, à 6 mammouths de l’édition - vous savez, ceux qui renvoient les enveloppes sans les avoir décachetées, mais qui trouvent que vous avez du talent – et puis à quatre éditeurs indépendants, (on appelle indépendants les 90% d’éditeurs qui se battent sur 15 % du marché avec des moyens modestes, contre les 10 % qui occupent 85 % des rayonnages), vous comprendrez pourquoi j’ai hirsuté lorsque les éditions Pietra Liuzzo ont été les premiers à me répondre favorablement - alors que je ne leur avais fait parvenir qu’un manuscrit inachevé.
J’ai eu, par la suite, trois autres propositions mais aucune ne m’apportait la garantie d’un véritable dynamisme autour de mon roman et puis, je suis fidèle par nature, et il n’était pas question pour moi de ne pas travailler avec ceux qui m’avaient fait confiance dès le départ. Je n’ai pas donc pas eu le sentiment, que pour être publié, il fallait avoir le coté obscure de la force avec soi, où coucher…sur le paillasson de l’éditeur, mais simplement, beaucoup, beaucoup travailler.
-Quelle est votre méthode de travail ? Vous préparez un plan, des fiches avec les personnages, savez-vous toujours où vous allez ? Le temps que vous consacrez à écrire ?
«On peut écrire une nouvelle avec une bouteille de Whisky à la main, mais pour un roman, c’est autre chose !» disait Scott Fitzgerald. Etant d’une nature fêtarde et excessive, j’essaye en période d’écriture de m’imposer une vie plutôt ascétique qui ne peut, de toute façon, pas me faire de mal. Je me lève et je te bouscule, tu ne te réveilles pas… il est 5h, Paris s’éveille ! Et moi aussi.
Jamais plus tard en période d’écriture, c'est-à-dire 95 % de mon temps aujourd’hui (pourvu que ça dure).
J’écris jusqu’à midi pour Nolhart, et le reste de la journée pour les autres, et puis, je lis beaucoup, non simplement parce que j’aime ça, mais parce que c’est rigoureusement indispensable. J’ai des tas de fiches, de carnets, de notes et un plan détaillé, page par page, un véritable plan de chemin de fer, scotché au mur sous les yeux pour ne pas me perdre ; mais son respect devient assez laborieux lorsque les personnages se mettent à vivre de façon autonome. Ils ne veulent pas forcement venir là où je veux et, mystère de l’écriture, ils trouvent leur place quand même, presque malgré moi. Je me sens un peu comme un créateur de dessins animés qui voit ses héros se mettre en scène seuls dès qu’ils ont le vécu des premières pages. Flaubert pratiquait, parait-il, la technique du gueuloir. Il s’enfermait dans une pièce et gueulait ses textes pour trouver la bonne mélodie. Je suis un peu comme ça, le talent en moins. Un texte est une musique, un opéra de mots, dont le style, la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire sont les notes et les partitions. Je les lis à haute voix jusqu’à ce que ça chante à mes oreilles.
Sans éditeur nous ne sommes pas grand-chose, alors, je n’oublie jamais ce que m’a dit un jour Mr Laffont : «Le métier d’éditeur, c’est de faire des chiffres avec des lettres», et pour ça, le lecteur doit avoir envie de se blottir dans le creux de mon épaule, et comme en amour, il doit s’y sentir bien, ne pas avoir envie de me quitter. Une page ratée, négligée, et c’est le risque de voir l’amour de ma vie partir vers d’autres lectures avant que le mot fin n’apparaisse !
Et puis, comme en toutes choses, maîtriser la technique, c’est maîtriser l’art. Alors, je passe beaucoup de temps à lire les auteurs classiques les plus ardus, pour essayer d’apprendre à livrer mes idées d’une façon précise. Bon sang, si un jour j’arrivais à exprimer précisément sur le papier les histoires telles que je les ais dans la tête, quel beau roman j’écrirai !
-Comment vos proches vivent le fait d’avoir un auteur comme parent, ami ?
C’est compliqué, pour qui n’écrit pas, de comprendre qu’on fait un job où l’on peut passer 3h le nez à la fenêtre, et dire « je travaille ! », c’est difficile à accepter de manière factuelle. La création n’est pas, malheureusement, un bouton on-off. Je crois que ce n’est pas simple, non plus, d’admettre qu’il faut me voir plonger dans des profondeurs abyssale de concentration pour écrire, à des niveaux où plus rien, ni personnes d’autres que les protagonistes issus de mon imagination n’existent.
Mais, à coté de ça, je crois qu’ils sont assez fiers, puisqu’ils le disent et qu’ils me poussent à continuer, dans les jours sombres où les neurones ne se connectent pas assez bien pour pondre le paragraphe suivant, dans ces moments, affres de la création, où je me regarde en ne voyant que le dernier des derniers, un usurpateur qui plus est prétentieux. Je profite d’ailleurs de ces lignes pour leur exprimer toute ma gratitude à mes proches.
Ma famille, je ne sais pas. Elle ne m’a jamais exprimé quoi que ce soit sur ce sujet, j’ignore même s’ils ont lu Les ailes de Giacomo. Mais, je sais, quand même, qu’elle l’a acheté, sans que ce soit une priorité, ça relativise. Des son point de vu, écrivain, ce n’est pas un métier pour moi et je sais qu’elle ne pense pas une seconde que je suis légitime en tant qu’auteur.
-Lorsque vous écrivez, faites-vous relire à des proches au fur et à mesure? Est-ce que leurs réactions, réflexions peuvent vous amener à modifier le cours de votre développement?
Je fais TOUT relire par un petit comité composé de 6 personnes de typologies différentes.
1/ Toutes les avancées sont suivies par un lecteur, puits d’érudition, dont l’opinion à chaud m’est nécessaire. C’est aussi une aide précieuse dans mes recherches, pour les références culturelles et littéraires qu’il m’apporte.
2/ Moins systématiquement, mon avancé est suivi par :
Un lecteur passionné et érudit dévorant plusieurs livres par semaine, toujours prêt à dégoupiller sa carte FNAC au rayon librairie.
Un lecteur qui lit peu dont l’opinion est fraîche, spontanée.
Un lecteur étranger, passionné par les belles lettres.
Mon fils qui aime ou pas, simplement.
3/ Une fois achevé,
Un lecteur dont la littérature est le métier, c’est l’œil terrible du maître sur l’élève.
Et bien sur, mon éditrice, dont j’aime avoir l’opinion, évidement. J’écoute leur avis, les critiques, je leur demande surtout de guetter les incohérences, et en fonction de la récurrence du propos, du bien-fondé des arguments, je modifie… ou pas. Mais le dernier mot appartient à mon éditeur dont c’est le métier, qui met l’argent pour que mon livre vive. Et, si le bouquin ne marchait pas, juste parce que je n’ai pas écouté toutes ces critiques, juste pour une question d’orgueil mal placé ? Ca ficherait un coup à mon orgueil, justement - et ce n’est jamais très agréable.
-Croyez-vous un jour pouvoir vivre de vos écrits ?
Oui.
-Que pensez-vous de la publication en ligne ?
Je n’aime pas l’idée qu’un livre ne soit que des pixels sur un écran à imprimer n’importe comment. La littérature demande par essence du temps, à écrire, à lire, et éventuellement doit faire réfléchir et/ou émouvoir. Tout ceci ne peut que se faire posément, et les nouvelles technologies, dont nous ne sommes plus seulement adeptes, mais esclaves, empêchent toutes formes de recul, c’est une course à la consommation où on doit lire le dernier machin sorti, peu importe que ce soit bien, ou pas. La littérature mérite autre chose que la publication d’un livre en ligne, parce que c’est prendre le risque de voir la soie de la haute couture être mélangée aux mouchoirs jetables et qu’il ne reste, par étouffement, loi du nombre oblige, que des bio écrites en langage sms. Je ne prétends rien me concernant, mais la publication papier, avec un contrat d’édition à compte d’éditeur, doit être et rester le gage pour le lecteur d’un minimum de qualité, de travail, de talent ; et si je ne devais plus être édité, ce sera simplement par manque de travail, ou de talent, ou les deux, mais le lecteur sera respecté. Toutefois, je comprends que financièrement la publication en ligne est bien moins risquée que l’édition papier, et je comprends les intérêts en jeu, particulièrement pour les éditeurs indépendants, mais, à terme, j’ai peur que ce soit la mort du métier d’éditeur, ce qui participera un peu plus à l’appauvrissement intellectuel que l’on observe. Les prochaines générations d’écrivains écriront en langage sms, et en chinois pour être accessible au plus grand nombre, au plus grand porte-monnaie.
-Que pensez-vous des séances de dédicaces ?
Ecrire est un exercice solitaire, un art où nous n’avons pas souvent l’occasion d’avoir en vrai, devant nous, les lecteurs; contrairement à un comédien, un musicien, ou un peintre lors d’un vernissage.
Ce sont de beaux moments. Ces séances sont faites de sourires et d’agréables échanges, et puis, avoir la chance d’en faire est, en soi, un privilège. J’ai une anecdote amusante sur le sujet. Alors que je sortais d’une dédicace au Cultura de Pontoise, n’étant pas véhiculé, j’attendais le train, encore l’esprit à ces échanges avec les lecteurs. Un couple de jeune passe à ma hauteur, la jeune fille, se retourne, me dévisage et me dit : «bah, oh, m’ssieur, keske vou fete là, oh l’autre, tou à leure y signai des orthographes et mantenant y prend le train ???».
A mon stade, petit écrivain inconnu, une séance de dédicaces est une leçon d’humilité au cas où…
-Quels sont les auteurs que vous admirez ? Votre livre de chevet ?
Je crois que j’admire tous les auteurs, par principe.
C’est difficile d’établir un classement, ils sont bien trop nombreux, comment faire? Si on parle de livre de chevet, Les lettres à Lucilius de Sénèque ne me quittent pas ; et à la recherche… de Proust, les correspondances de Flaubert, Gatsby le magnifique en édition original de 1935, sont en permanence sur mon bureau, dominant les autres. Sinon, Gaston Lagaffe, Pif le chien, et l’équipe tous les matins.
-Si vous n’aviez pas pu être édité, auriez-vous continué à écrire malgré tout ?
Je ne sais pas, c’est difficile à dire. J’ai roulé un peu ma bosse et je suis toujours revenu à une profession artistique, et puis, j’ai toujours écrit, peut importe quoi. En même temps, je n’écris pas dans un but thérapeutique, mais pour raconter des histoires, pour inventer des vies, pour être moi aussi musicien, donc pour avoir des lecteurs, je ne vais pas me raconter les histoires à moi-même, je les connais déjà. Ecrire sans publier c’est soit un manque de travail, soit un manque de talent, soit un manque de persévérance. Il faut savoir aussi se remettre en cause, je crois. Ecrire sans vouloir être édité, c’est, un peu, écrire pour la postérité, et c’est un peu prétentieux. (sourire). En revanche, je n’aurais pas publié à compte d’auteur car je crois qu’il ne faut jamais payer pour travailler, quelque soit ce travail.
-Pouvez-vous nous parler de votre dernier ouvrage ? Votre actualité ?
"Les ailes de Giacomo" est sorti en Avril.
Il vole aujourd’hui par ses propres moyens, j’ai compris qu’un livre n’appartient plus à l’auteur dès qu’il existe sous sa forme définitive, imprimé et relié. Je ne sais plus qui a dit qu’on en mettait toujours trop dans un premier roman, et avec le recul, c’est vrai, j’ai voulu tout faire dans les ailes ; je suis content du résultat, mais je me suis calmé pour le prochain. J’ai plus cherché à affirmer un style (bon ou mauvais, ce n’est pas à moi de juger) et à trouver une bonne histoire, qui me corresponde, qui soit aussi le témoignage de notre époque où, pour exister, il faut plaire aux médias ; le simple logo «Vu à la TV!» fabrique du demi dieu au goût de canada dry à tout va. Je prends le temps de savourer la fin de son écriture. Il sortira courant premier semestre 2008.
Je tiens, d’ailleurs, un journal quotidien, ou quasi, de l’écriture de ce livre sur www.nolhart.com.
-Avez-vous des retours lecteurs ?
Ma participation aux salons, et particulièrement à Draveil, m’a permis de rencontrer de nombreux lecteurs, de discuter avec eux. Et puis, ils peuvent laisser des commentaires sur mon blog, ce qui arrive de temps à autre. Je suppose que PLE a fait un gros chéque à chacun car je n’ai rien entendu de mauvais, il y a eu des critiques normales pour un premier roman, mais rien de bien méchant ou si peu que cela en est un peu louche...:)
-Qu’est-ce que cela vous a apporté de voir votre livre exister ?
Rien qui ne m’émeuve pas au plus haut point. Cela fera l’objet d’un livre, j’espère un jour; mais, avant tout, ça m’apporté de voir les yeux de mon fils briller, lui seul sait.
Le pitch du livre:
Paris aujourd’hui.
Parce que sa mère a disparu dès sa naissance, et qu’il est le fruit d’un amour négocié, le nouveau-né Léalan d’Antoni est fermement décidé à mourir, tout de suite. Mais ce serait sans compter avec l’archange Gabriel qui ne l’entend pas de cette oreille. Pour le sauver et le guider dans l’existence, il missionne le plus contesté des anges gardiens : Giacomo Casanova. Devenu adulte, Léalan décide de retrouver celle qui l’a mise au monde mais à cause du célèbre cavalier céleste, le jeune d’Antoni va croiser d’improbables destins. Ses amis de pensionnat deviendront champions de boxe pour l’un et d’échecs pour l’autre ; la femme de sa vie, chanteuse de rock alcoolique et suicidaire, va l’enfermer dans une chambre d’hôtel du Bronx pour lui faire l’amour à la façon toréador à longueur de journée en buvant des litres de cognac. Jusque là, ça irait encore, mais des terroristes islamistes de bazar vont transformer sa vie en cauchemar, sous l’œil d’un Casanova joueur et malicieux qui n’a qu’une idée sous l’auréole : faire de lui un écrivain.
Mais, où est donc sa mère ?