Magazine Journal intime

À l'ombre de la solitude

Publié le 06 mars 2011 par Patrick73
*Il n'a jamais eu peur des faux monstres, vous savez, ceux qui sont supposément sous notre lit de p'tit gars pissou!  Il avait plutôt peur du vrai monstre, celui qui dormait à tous les soirs à coté de sa mère!*Décembre 1985, deux semaines avant Noël...Jean-Paul a 12 ans. Il est 50/50, c'est-à-dire moitié Iroquois et moitié Québécois.  Il est donc Indien, mais il voudrait tellement être un cowboy.Il est assis et, en face de lui, derrière une vitre de plastique, il y a son père, son papa à lui.  Il y a des p'tits trous dans la vitre, c'est sûrement pour parler.  Son père prend le téléphone noir qui est à coté de lui et il lui fait signe de prendre le sien.Jean-Paul est de l'autre bord de la vitre et, dans le moment le plus absurde de sa vie, il prend le combiné lui aussi!  Il a l'impression d'être dans le film Alcatraz, mais ce n'est pas Clint Eastwood qui est en face de lui.  Jean-Paul est dans une prison à sécurité maximum dans le village de Sainte-Anne-des-Plaines.  Il est en plein cœur d'une 6ième année du primaire, qu'il va redoubler. Son professeur lui reproche son manque de concentration.  Son professeur avait des affinités avec Colombo!  Il est le rejeté du rejeté, la tête de turc de la tête de turc.  Parfois, la nuit, il pissait dans ses culottes.  Il pissait de peur et, depuis que son père est en prison, il ne pisse plus la nuit.À cette époque, il était un cancre de course.  Il était seul au milieu d'une cours d'école contenant 300 élèves.  Il était seul avec sa douleur.  Seul avec son mal de vivre.  Il était seul partout, tout le temps!Il prenait son p'tit bonheur et allait voir des multitudes de games de hockey dans l'aréna.  Il prenait son p'tit bonheur et allait pêcher aux abords de la rivière.  Son père était trop occupé à faire des plans de crosseurs. Son père, c'est le grand chef des crosseurs de poule morte. Trop occupé à faire danser des danseuses. Ici, on ne parle pas des danseuses des Grands Ballets Canadiens, mais plutôt de celles qui dansent comme des funambules sur des tables, pour payer leurs cours universitaires.Trop occupé à boire sa caisse de 24. Il n'est pas facile de vider sa caisse de 24 par jour.  Son père à lui, le sien, y arrivait à chaque fois!Son père, ce n’était pas le plus fort j'en conviens, mais une chose est sûre, c'était le plus saoul. Son père était même capable de faire deux lignes de coke en même temps!Son père était aussi capable de battre sa mère.  Son père avait l'habitude de dire de sa propre femme...-(Le crosseur de poule morte) Un bon steak c'est un steak battu!!!!Son père battait sa mère comme d'autres battaient des œufs.  Dans la région, son père était perçu comme un notable.  Il était très bien vu comme on dit!  Il était de tous les soupers bénéfices, un chevalier de Colomb exemplaire.  Un homme de prestige.Sous son masque de bon gars, il était un monstre.  Un monstre pour sa femme, un monstre pour son gars et un monstre pour les p’tites filles de son quartier.Un gambler, un alcoolique, un pédophile, un menteur chronique, un voleur d'enfance, un sniffeu de coke, un rat de bars topless.    Jean-Paul savait déjà, à l'âge de trois ans, qu'on ne pouvait même pas faire confiance à son propre père.  À trois ans, son père voulait trop l'aimer, et ce qui devait arriver arriva...Il avait dans la vie un grand regret, un seul vrai regret!  La réponse à la question que son père lui a posée cette journée de décembre 1985...  -(son père) Tu me pardonnes-tu?De tout son être, de tout son corps, son âme, sa bouche, sa tête, il voulait lui dire non... mais ça a été plus fort que lui et sa bouche a répondu oui.Si un génie lui donnait l'opportunité de revivre un moment, il choisirait celui-là sans hésiter pour lui dire : un beau Non, je te pardonne pas, en le regardant droit dans les yeux.  Son père qui ne le regardait jamais dans les yeux, car à chaque fois qu'il le faisait, il voyait le néant dans ses yeux de p'tit  gars. Comme s’il était éteint.Pendant la période bénie des dieux que son père a passé à l'ombre, il faisait souvent les mêmes cauchemars… des cauchemars concernant son père! Il se réveillait et s'apercevait que son père était loin, très loin de sa chambre de p'tit gars.  À cette époque, il se sentait comme le gars le plus chanceux du monde, car il savait que son père n'était plus dans la chambre d’à coté.  Il savait qu'il était embarré à double tour à l'autre bout du monde ou presque!Sa mère, dans toute cette histoire, jouait le rôle de la maman naïve, de l'innocente qui n'a jamais rien vu.  Si sa mère avait été aveugle, ça n'aurait pas fait de différence.  Pour fin de l'histoire, sa mère voulait de tout son être, être aveugle et fermer les yeux, car la réalité était insupportable!Le p'tit Jean-Paul a grandi pendant que son père était ''en d’dans'', le p'tit Jean-Paul a trouvé le bonheur en sniffant énormément de colle, tellement qu'il pouvait faire un modèle à coller juste en respirant dessus!  Il s’étourdissait, car il savait trop qu'un jour son père sortirait de sa cage barrée à double tour!Ce qui devait arriver arriva, et son père sortit du ''pen'', car même les monstres ont des droits! Le premier soir, son père en a r'viré une tabarnak, comme on dit!  Il est parti sur une balloune, une brosse de trois jours.Le premier soir du retour du monstre dans le lit de sa mère, il a eu la visite du dit monstre autour de minuit.  Jean-Paul avait 14 ans à l'époque.Il avait pensé à ce scénario mille fois, il dormait ce soir-là avec son Rapala de pêche préféré!!!  Un beau couteau qui vous tranche un poisson sur la longueur en un coup... Zipppp.-(Son père) Papa peut tu v'nir dormir avec son ti-gars? Je me suis ennuyé de nos p'tits rendez-vous doux!Jean-Paul, dans la période charnière de sa vie, dans laquelle il s’est réappropriés son corps, sa vie, son identité!-(Jean-Paul) Approche mon tabarnak pis j'te tranche la graine... tu vas repartir dans ta chambre avec ta câlisse de graine dans main!!!  Décâlisse!!!Son père est reparti sans rien dire avec son p'tit bonheur dans ses culottes.Plus jamais son père ne l'a achalé.  Son père était un lâche, il s'agissait de le confronter pour qu’il s'écrase comme du caramel au soleil!Un an plus tard, c'était en 1988, rien n'a changé dans la maison pour le reste! La bonne femme mange sa ration quotidienne de claques s’a yeule.  Le bonhomme vide des caisses de 24 une après l'autre, et Jean-Paul est maintenant dans la drogue par-dessus les oreilles...Un vendredi pas comme les autres, Jean-Paul organise une fin de semaine avec ses chums, une fin de semaine à boire dans le ''pitt'' de sable!  Une fin de semaine avec leurs tentes, à boire comme des trous, à fumer des gros ''battes'', à sniffer dans des p'tits sacs de papier brun de la bonne colle à modèles réduits et à se coller des bateaux dans la tête!!!!  Une grosse fin de semaine.Ses parents sont avertis qu'il va revenir le dimanche soir... en fait, son père s'en câlisse comme toujours, et sa mère fait semblant de pas s'en câlisser.Arrive le dimanche, son père a besoin d'argent, il a besoin d'aller perdre de l'argent dans les ''slot machines''... il fouille partout dans la maison pour trouver du change. Il fouille même dans la chambre de son fils. Dans la chambre pêle-mêle de son fils.  Il fouille partout.  Il ouvre la porte du garde-robe, car il sait que Jean-Paul laisse de l'argent dans une vieille boîte de souliers...Il lève les yeux, Jean-Paul est là. Il est pendu dans le garde-robe. 

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