Magazine Journal intime

La Journée de la Femme

Publié le 07 mars 2011 par Gborjay

LA GROUPIE (enthousiaste et juvénile) – J’aime beaucoup ce que vous faites, Monsieur Borjay, mais, je ne sais dire pourquoi, vous vous laissez aller un peu ces temps-ci. Vos textes semblent ne pas démordre de leur ligne habituelle, mais je sais bien ce qu’il en est.

GUSTAVE BORJAY (sobre et assuré) – Allons donc, jeune demoiselle ! Je conçois que, dans la naïve admiration que vous me vouez éperdument, vous fassiez preuve d’une sollicitation qui va au devant de tout ce que je puis laisser transparaître, mais sachez qu’elle va justement trop au devant, et qu’elle s’inquiète de ce qui n’est pas.

LA GROUPIE (contrite et sage) – Excusez-moi, Monsieur Borjay, je ne voulais pas vous vexer. Mais je me sens tellement proche de vos écrits !

GUSTAVE BORJAY (certaines didascalies malheureuses n’aident pas à la compréhension de l’œuvre) – Hélas, ma chère, vous n’êtes ni la première ni la dernière atteinte de cette inextinguible maladie. Mais, de grâce, sachez passer outre avec une âme ferme et vigoureuse. Trop d’attention produit souvent l’effet inverse de celui désiré, et vous ne sauriez que me gêner en témoignant envers moi de la gentillesse et de la délicatesse que vous prétendez user à mes côtés.

LA GROUPIE (vibrante, pâle et fière, mais modeste heureusement) – Mais vous les méritez ! Il est vraiment nécessaire, je pense, d’agir vis-à-vis des autres à la hauteur de leur mérite, comme vous l’avez vous-même écrit !

GUSTAVE BORJAY (amusé, pointilleux mais nullement sentencieux) – Voyons, Lucette ! Mes mérites sont au-delà de toute mesure, vous vous lancez sur un terrain perdu d’avance ! Il est si malaisé, et de ce fait si rare, de se comporter avec simplicité et gentillesse à l’égard d’autrui que cela me suffirait amplement de votre part, pourvu que vous y joigniez toute la discrétion dont vous êtes capable.

LA GROUPIE (de nouveau rayonnante, pleine d’une conscience nouvelle) – J’essaierai, Monsieur Borjay, j’essaierai ! Je sens d’ailleurs qu’avec la venue de la journée de la femme, un nouveau tournant s’amorce. Je ferai l’effort d’agir comme vous le souhaitez, de bien agir. Même si cela m’est pénible…

GUSTAVE BORJAY (un peu étrange, brusque mais doux) – Allons, allons, ce n’est quand même pas l’UNICEF ! Excusez-moi cette grossièreté, mon humeur me surprend moi-même ces temps-ci. Quand vous vous en irez au loin, car il le faudra bien, tâchez simplement, à distance, d’être aimable autant que silencieuse.

LA GROUPIE (calme, comme résignée) – A distance… C’est cela. Je serai silencieuse. Vous le voulez.

GUSTAVE BORJAY (sage et pondéré) – Merci. C’est parfait. C’est ainsi, vous savez, que devrait se terminer tout échange, par des adieux qui n’en sont pas, par quelques mots épars. Les adieux, ils se sont déjà passés, au fond. C’est juste que le mot lui-même, le mot "adieu", n’a pas encore interrompu le silence.

LA GROUPIE (qui n’apparaîtra plus dans la pièce, le sait-elle seulement ?) – Adieu donc. Je n’interromprai pas davantage votre silence.

GUSTAVE BORJAY (dans un ultime effort) – Vous ferez bien. (A part, lentement, sombrement.) Après tout ça, j’irais bien prendre une petite bière.

LE RELECTEUR (un peu gêné de devoir, en un moment pareil, imposer encore et toujours la ligne éditorialiste) – Gustave Borjay vous salue.

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« Nous ne rentrons pas tous les deux dans le cadre de la photo.
Serrez-moi donc d'un peu plus près, jeune fille, je vous prie. »


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