Voici un des slams que j’ai lu ce soir. Il a été écrit pour faire un contre-poids à mon slam «J’haïs le monde». Après avoir parler de la pornographie, j’avais envie de dire ce qui rend le sexe si beau et singulier. Alors voilà.
Maudit que c’est beau l’cul!
Avoir une face à deux pouces de la sienne
C’est la chaleur du souffle sur mes lèvres
C’est les yeux qui louchent un peu
C’est le sourire qui s’étire alors que sa langue est encore dans ma bouche.
C’est comme un nouveau visage qu’on découvre.
Faire l’amour avec un homme, c’est comme le rencontrer pour une deuxième fois.
Maudit que c’est surprenant le cul!
Des fois, j’tombe en amour avec la caresse d’un homme
J’en ai soif, ça me bouleverse
J’voudrais l’attacher dans mon litte
J’veux pas l’perdre, mais j’le perds
À cause de ma liberté que je garde
Maudit que c’est triste le cul!
S’arrêter à mi-chemin par ce que l’alcool fait bander mou
S’arrêter à mi-chemin parce que le sexe s’irrite sur le caoutchouc
Être à bout de salive parce qu’on a trop frenché
Perdre la peau de son menton et de son nez usés
Éclater de rire parce que les seins ont sortis par en dessous du soutien gorge
Et le rire qui devient un cri lorsque l’amant attrape avec ses lèvres le mamelon rebelle.
Maudit que c’est bon le cul!
Un homme qui s’arrête et s’étonne :
C’est quoi c’te cicatrice là?
Ta clavicule est douce!
Ça t’excite ça!?
Leur râlement de plaisir que l’on porte en soi comme une collection de trésors précieux
Le moment exact où le souffle se suspend
Parce que l’homme se glisse en moi
Comment il bouge
Qu’est-ce que ça m’fait
Quel est ce rythme
Maudit que c’est singulier le cul!
Assumer les lendemains
Avec les cheveux grichous du post-coït
Avec l’haleine de quelqu’un qui a mangé un chat mort
Offrir ou pas à déjeuner
S’embrasser ou pas
Parce qu’on a peur que ça ait trop l’air de vouloir dire
Hey c’était pas juste pour la nuite, si ça continue à matin, ça pourrait continuer toujours sans que j’ai eu le temps de dire Ouf! ou Wo! ou Hey! ou J’pas sûre!
Avoir peur des conséquences, des maladies, de la grossesse.
Maudit que c’est compliqué le cul!
Trouver des traces sur son corps pendant plusieurs jours.
Une grafigne icitte, une mordée là!
Tous les détails arrogants qui te rappelle que maudit que c’t’ait bon vendredi soir pis qu’j’suis donc tu seule le mercredi.
Maudit que c’est nostalgique le cul!
Quand celui-là est nu dans mon lit,
Quand y me caresse à l’intérieur avec ses longs doigts,
Pour lui j’me marierais,
J’aurais trois enfants pis un garage de toile.
Même si je sais que c’est pas moi.
Quand celui-là me regarde dans les yeux en me pénétrant
Quand il me dit «J’aime ce que tu es»,
Je serais prête à vivre en marge de lui jusqu’à l’éternité
À l’aimer jusqu’à me perdre
Le regarder continuer son chemin
Ne pas être sa maison
Savoir qu’il ne sera jamais mien
Parce qu’il est si beau lorsqu’il est libre.
Quand je me caresse, toute seule, en pensant à celui-là,
Avec lequel je n’ai encore rien vécu.
Je serais prête à me déshabiller de ma peau,
Pour lui montrer le cœur qui bat en dessous
Et le laisser s’en nourrir pendant que je me gave du sien.
Je serais prête à lui ouvrir mes cuisses et le laisser voir mon âme,
Toute de lumière et de tristesse pendant les quelques heures les plus pleines de la vie.
Les plus pleines de vie.
Maudit que c’est beau, surprenant, triste, bon, singulier, compliqué, nostalgique le cul.
Maudit que c’est sacré le cul!