Il est des films comme ça qu'on découvre sur le tard par le fait du décès d'une star...
C'est ce qui m'est arrivé avec "La chatte sur un toit brûlant".
Moi qui aime le cinéma et, en particulier l'âge d'or hollywoodien, ce film là ne me faisait vraiment pas envie. Je bloquais (il y en a d'autres comme "Un tramway nommé désir", par exemple).
Et puis, l'autre soir, en hommage à Liz Taylor, il a été diffusé et on me l'a enregistré...
Histoire de pouvoir parler en connaissance de cause !
Et il faut bien reconnaître que je suis ravie de ne pas en être restée à mes a-priori !
J'ai découvert un grand, un très grand film, pas exempt de défauts mais qui vous laisse une forte impression, une espèce de persistance, non pas rétinienne mais psychologique...
Je ne vais pas m'étendre sur le conflit entre la pièce de Tenessee Williams et l'adaptation de Richard Brooks, le débat a suffisamment été alimenté et, de plus, je n'ai jamais lu la pièce...
En revanche, j'ai énormément apprécié ce huis-clos cinématographique. Cette ambiance pesante, malsaine...
La fin n'est pas à la hauteur du film ? C'est vrai... Elle est un peu facile, un peu manichéenne mais, finalement, qu'est-ce-que la fin d'un film comparée à tout le film ?
Et la quasi totalité du film est une réussite !
Les acteurs sont toujours dans la note et, même, en étant en équilibre permanent entre le théâtre, le cinéma, la grandiloquence, la retenue, ils ne tombent jamais dans la caricature...
On sent bien tout le poids social, le poids des faux-semblants et de l'hypocrisie qui pèse sur eux et qui entrave le naturel des personnages et des acteurs...
C'est ça ! Je crois que la fin du film devient secondaire car ce qui compte n'est pas l'histoire qui nous est racontée mais l'interaction entre les personnages, les rapports entre eux, les caractères humains, voire même leur évolution au fil de cette heure cinquante...
Alors, certes, on ne peut, parfois, se départir d'un sentiment de facilité de la part du réalisateur mais il y a de tels moments de grâce, que ça touche au sublime...
Quand Burl Ives apprend la réalité de sa maladie, son visage, son attitude, tout touche à la perfection. Et le reste de son interprétation est de la même veine. Il en impose à l'écran de par sa stature, de par sa voix, de par sa présence, de par son talent.
L'immense interprétation de Judith Anderson (terrible Mrs Danver de Rebecca) dont l'attitude passe de la mère au foyer un peu bê-bête, à la femme méprisée et vertement remise à sa place, à l'épouse amoureuse et faisant montre de caractère.
Même Jack Carson qu'on prend, tout d'abord, pour un rapace intéressé se révèle, en un tout petit bout de scène, d'un pathétique émouvant, lui qui a toujours fait tout ce qu'on a voulu de lui pour obtenir l'amour d'un père, d'une mère et même d'une épouse mégère et arriviste. Oui, de prime abord, ce personnage est sans grand intérêt puis on découvre la complexité qui l'habite, son désespoir qui n'a rien à envier à celui de Paul Newman.
Deux fils qui cherchent l'amour d'un père et qui faute de le trouver gâchent leur existence chacun à sa manière, l'un en s'auto-détruisant, l'autre en étant un autre que ce qu'il est. Un père qui croit donner de l'amour en donnant de l'argent qu'il n'a jamais eu (c'est un self-made-man, fils de clochard).
Un mari qui croit que sa femme ne peut être qu'heureuse puisqu'elle a tout ce qu'elle veut mais qui ne l'a épousée que parce qu'elle était enceinte et qu'il voulait fonder une "dynastie". Une femme enfermée dans son rôle d'épouse et mère, qui vit dans un monde aseptisé où tout le monde doit rentrer dans sa petite case et ne surtout pas en bouger et qui redevient enfin "humaine" au moment où ce qui fait sa vie lui échappe.
Un homme qui se débat au milieu de son homosexualité refoulée, de sa vie ratée, des apparences à sauvegarder et qui boit pour fuir tout ce gâchis et en tient sa femme pour responsable. Une épouse qui aime vraiment son mari au point d'accepter l'inacceptable par amour mais qui n'oublie pas d'où elle vient et qui refuse le gâchis de toutes ces vies et donc se bat comme une chatte pour protéger les siens.
Oui, il semblerait que le sujet central de la pièce de Tenessee Williams soit l'homosexualité et que pour éviter les problèmes avec la censure Brooks ait décidé de s'attacher aux autres relations humaines jusqu'à ne faire qu'effleurer ce "problème honteux".
Peut-être que c'est trahir la pièce, en tous cas, c'est une merveille d'étude sociologique de la famille américaine des années 50 et de l'âme humaine en général...
A bientôt !
La Papote