Un texte que j’ai écrit il y a de cela plusieurs années et que je viens tout juste de retrouver. Je suis désolée de vous servir du réchauffé, mais je n’aurai pas de temps pour écrire du neuf d’ici la fin avril. Retour en force au mois de mai!
Je viens de te croiser par hasard. Je m’en allais dans ce café où je vais toujours parce qu’ils ont un réseau sans fil et j’aime bien être en ligne dans un café. Je voulais prendre un bon latté et grignoter un morceau en bloguant. J’étais enthousiaste. Le café avait l’air comble, mais je suis tout de même allée jeter un œil au cas où. En entrant je t’ai vu. Tu es toujours à la même table, mes yeux se portent là dès que j’y arrive, c’est un automatisme. Tu m’as vue bien plus tard, j’aurais pu me retourner et fuir, mais je ne l’ai pas fait. Je t’ai souris. Tu t’es levé pour m’embrasser. On a échangé quelques mots, des choses banales. Je t’ai demandé si tu étais seul. Tu attendais quelqu’un, c’était elle. Celle pour qui c’est légitime de t’aimer. Pourquoi est-ce que moi j’ai tout perdu, alors que toi tu as encore ton bonheur et ton confort et que tu peux l’attendre tranquillement dans un café? Pourtant, nous avons joué au même jeu tous les deux. Moi je n’ai pas triché en plus, je n’ai trompé personne. J’ai joué avec intégrité. Pourquoi est-ce que les peureux gagnent et ceux qui ont du courage attrapent toujours tout en pleine gueule? On a encore discuté un peu. Tu m’as demandé comment j’allais. J’ai dit : «ça va». Encore quelques paroles sans la moindre importance, puis je t’ai dit : «Bon ben je vais aller essayer de trouver une place pour me nourrir.» Je suis passée dans l’autre partie du café. Je savais que je pouvais me sauver par là sans que tu me voies. De toute façon l’endroit avait l’air comble aussi. Tant mieux, ça m’a donné un alibi. Dehors, il pleuvait à boire debout. J’ai d’abord pensé à trouver un autre endroit. Ça ne servait plus à rien. Je n’avais plus faim. Là seule chose que j’avais envie de faire c’était de m’assoir dans ma voiture et pleurer. Il me semble que je ne regardais pas où j’allais, je marchais sans voir. Je regardais à l’intérieur de moi. Cette panique. L’immense douleur. L’envie de vomir. La peine, la peine, la peine. Tellement longue, insidieuse, paralysante. Je regardais tout ça et je prenais des notes. Je m’observais souffrir. Je me disséquais comme une pauvre grenouille. J’avais déjà commencé à écrire. Je puisais à même mon cœur, l’encre pour écrire ceci. Je mettais des mots. Ils me remplissaient. Et l’urgence de tout écrire pour ne rien oublier me faisait marcher droit. Vers cet endroit où je pourrais enfin tout noter. Les phrases pèles mêles, les impressions. J’ai peur de ne plus arriver à aimer, jamais. Je vous ai trop donné à tous les deux. Lui qui m’a abîmée alors que je le laissais faire, toi qui m’a révélée femme et qui m’a quittée dès que ça a commencé à sentir la soupe chaude. Peureux! Lâche! Après que tu m’aies donné tant de démonstrations d’amour. De mots tendres. Après que je me sois complètement abandonnée. Ça eut l’air tellement facile pour toi de te détacher. C’est vrai que la peur stimule la fuite. Je ne connais plus la peur. Je la déteste. Elle est basse. Elle brise. Tu as eu le courage de me dire que ton sexe te tirait vers moi. Tu as eu le courage de suivre l’appel de ton désir. Tu as bouleversé ma vie par tes aveux. Je peux déployer tellement d’amour que même à vous deux, vous n’aviez pas assez de place pour l’accueillir. L’un l’a brisé, l’autre l’a fuit. Je ne veux plus aimer un homme. Je ne veux plus trouver en moi cette source intarissable de don qui me met en danger de disparaître. Je n’ai pas vu dans tes yeux cette lumière que tu n’arrivais pas à contenir dès que nous nous retrouvions face à face. As-tu déjà cessé de m’aimer? Si facilement? Je n’étais que cela : un moment d’excitation, une passade qui aura durée un an, histoire de te rajeunir un peu, toi qui a si peur de la mort. Toi qui te penses déjà vieux. Salopard, je t’aime encore, mais combien je voudrais te haïr!
Je suis assise dans ma voiture. J’ai mon ordinateur sur mes genoux. Je ne pleure pas parce que j’écris.