Le plaisir d'un chocolat

Par le plus grand des hasards, hier soir, je suis tombée sur le générique de début d'un film...
Un titre... Chocolat.
Une image... Le regard d'Isaac de Bankolé quand il se brûle la main sur le tuyau du groupe électrogène.
Un souvenir très fort...
Ce film, je l'avais vu avec une copine à sa sortie en 1988 au cinéma, toutes les deux.
Elle avait fortement insisté pour qu'on aille voir celui-ci et pas un autre et j'avais suivi sans trop savoir...
J'en étais ressortie très impressionnée (au premier sens du terme).
Je ne l'avais jamais revu mais j'y pensais de temps en temps...
Je ne me souvenais plus de tous les détails de l'histoire et, pourtant, en le revoyant hier soir, l'impression de l'avoir vu la veille pour la première fois.
Tout est remonté : les images, les impressions, la violence, la beauté, la révolte, la sensualité, les passions humaines, la cruauté et le tout dans le silence prenant des deux personnages principaux...
C'est donc l'histoire d'une famille de fonctionnaire français au Cameroun, à la fin du colonialisme au travers des yeux d'une petite fille dont le père (François Cluzet) représente l'autorité française et au travers de ceux d'un boy qui ne supporte plus cette situation de soumission humaine et politique mais qui ne peut y échapper...
Il y a des acteurs sans aucun doute très talentueux mais, comme à 14 ans, je continue à ne voir qu'Isaac de Bankolé, sublime, sa révolte éclatant dans ses yeux de velours à la lueur aussi dure que l'ébène.
Beau, avec un grand "B ", j'y tiens énormément parce qu'elle va au-delà de sa plastique (qui, je le reconnais m'a fait fantasmer un bon bout de temps !), face à cette petite fille blonde...

Les paysages africains sont époustouflants (même s'ils perdent beaucoup à ne pas être vus sur un écran de cinéma), la chaleur, la poussière, la terre rouge, la sécheresse du climat. On sent tout cela depuis son fauteuil !
Les âmes sont mises à nues avec pudeur mais sans concession. Les carcans de l'éducation, des préjugés européens. Le désir profond d'émancipation des camerounais et, sans doute, plus largement des autres  populations colonisées, leur mépris des blancs.
Beaucoup de sensibilité mais pas de sensiblerie.
De l'amertume, de la finesse et de la chaleur comme le goût d'un carré de chocolat noir dans la bouche.
Un film qui évite les pièges du manichéisme politique qui guette souvent les oeuvres racontant la décolonisation.
Une très belle première oeuvre de Claire Denis qui s'était servie de sa propre enfance en Afrique pour raconter cette histoire.

Mais, visiblement, nous ne devons pas être beaucoup à ressentir ça vu que c'est l'une des rares diffusions télévisée en plus de 20 ans et vue la difficulté à trouver des images et autres infos un peu poussées sur la toile.
Tant pis, je regrette juste qu'un tel film ne soit pas plus reconnu et connu, non pas pour lui en tant que tel (même si je pense qu'il méritait largement) mais pour tous ceux qui ne le connaîtront pas et parce que j'en parle si mal...

A bientôt !

La Papote