Magazine Humeur
Manifestation contre la Nuit Sécuritaire
Publié le 10 mai 2011 par Trinity
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 10.05.11 | 18h37 • Mis à jour le 10.05.11 | 20h22 Un patient à l'hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, à LyonAFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEKLe Sénat a entamé, mardi 10 mai, l'examen du très controversé projet de loi réformant l'hospitalisation d'office de personnes souffrant de troubles mentaux. Dans une atmosphère tendue : la rapporteuse centriste a claqué la porte après le rejet de son texte en commission et la gauche est très hostile à un projet qu'elle juge "sécuritaire", et qui rencontre l'opposition de tous les syndicats de psychiatres.Ce projet de loi a été voulu par le président Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade enfui de l'hôpital. Il prévoit que l'hospitalisation d'office passera obligatoirement par une période d'observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète, mesure qualifiée de "garde à vue psychiatrique" par les opposants au texte. Le placement en soins sans consentement pourra être fait à la demande d'un tiers ou sur décision préfectorale, comme actuellement, mais aussi, "en cas de péril imminent" et en l'absence d'un tiers, sur la base d'un seul certificat médical. Le texte comporte un contrôle judiciaire imposé par le Conseil constitutionnel. Le juge des libertés se prononcera sur l'hospitalisation au bout de quinze jours puis tous les six mois. Les conditions de la sortie des soins sans consentement sont durcies.TEMPÊTE EN COMMISSIONL'examen du texte se déroule dans des conditions singulières. Le texte remanié par l'adoption de cent soixante-trois amendements a été l'objet d'un imbroglio la semaine dernière au Sénat. La présidente centriste de la commission des affaires sociales de la chambre haute, Muguette Dini, rapporteuse du texte, a fait voter, contre l'avis du gouvernement, la suppression de la possibilité de "soins ambulatoires" psychiatriques sans consentement, mesure phare du projet de loi. Furieux, une grande partie des sénateurs UMP avaient voté contre le texte. Le PS s'étant abstenu et les sénateurs communistes ayant également voté contre, ce dernier avait été rejeté. Mme Dini s'estimant désavouée, a démissionné de son poste de rapporteur.Pour ajouter à la confusion, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à tous les amendements de l'opposition de gauche, cette dernière étant majoritaire lors de sa réunion mardi matin.Mais, s'appuyant sur la Constitution, les services du Sénat ont décidé que le texte discuté en séance par les sénateurs serait celui voté en première lecture le 22 mars à l'Assemblée nationale. C'est une première depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui prévoit que c'est le texte amendé en commission qui est discuté en séance.MALAISE DANS LA MAJORITÉLors de la discussion générale, les orateurs ont réclamé le "grand plan santé mentale" promis par le gouvernement et demandé des moyens. "Cette loi serait vaine si elle n'était pas accompagnée des moyens nécessaires pour la mettre en œuvre" a déclaré le nouveau rapporteur, Jean-Louis Lorrain (UMP). Le sénateur UMP Laurent Béteille a raconté avec émotion le calvaire d'un fils atteint de schizophrénie, exhortant ses collègues à abandonner toute posture "idéologique" et à examiner le projet "dans l'intérêt du malade". "On aurait pu espérer un texte de santé mentale qui aurait dû être beaucoup plus abouti", a regretté Alain Milon (UMP).L'opposition a pilonné un texte "sécuritaire". Guy Fischer (CRC-SPG, communiste et parti de gauche) a dénoncé une "conception de la maladie mentale comme initiatrice de trouble à l'ordre public". Jacques Mezard (RDSE, à majorité PRG) a fustigé "la complexité des procédures" et "l'amalgame dangereux entre troubles psychiatriques et dangerosité"."Je suis affligée de la façon dont le texte est caricaturé", "son objectif est une alternative à l'enfermement", a rétorqué la secrétaire d'Etat à la santé, Norra Berra. Elle a tenté de rassurer mardi matin en mettant en avant le rôle du psychiatre."C'est le psychiatre qui propose de lever l'hospitalisation, c'est le psychiatre qui propose le programme de soins et qui le définit, c'est le psychiatre qui demande le cas échéant la ré-hospitalisation ou la fin des soins", a assuré Mme Berra. Tout en admettant "les interrogations" et les "inquiétudes", elle n'a pas apporté de réponse précise notamment sur les "moyens adaptés" réclamés par sa majorité.Plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre le projet de loi, mardi après-midi.AFP/PIERRE VERDY"NON À LA POLITIQUE DE LA PEUR"Plusieurs centaines de personnes ont exprimé mardi leur opposition au projet de loi. "Non à la politique de la peur", ont scandé des manifestants, parmi lesquels figuraient de nombreux professionnels de santé, derrière une grande banderole proclamant "Retrait de la loi, un pour tous, tous contraints".En pointe de la contestation, un collectif de trente-neuf psychiatres qui qualifie cette réforme de "déraison d'Etat". Son "Appel contre la nuit sécuritaire" a été signé par près de trente mille personnes. Le collectif refuse de voir la question des soins réduite à un pur contrôle sanitaire. L'intersyndicale des psychiatres publics avait déposé un préavis de grève pour la journée. Le mouvement a été faiblement suivi dans les hôpitaux généraux (5 à 15 %), la mobilisation étant plus forte dans les centres hospitaliers spécialisés (40 à 70 %), selon le Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP)."Cela montre qu'il y a une certaine crainte vis-à-vis de ce texte qui est inapplicable", a déclaré Angelo Poli, président du SPEP, qui dénonce "l'absence de concertation" et la "précipitation" des parlementaires. "Cette loi facilite les conditions d'entrée et complique les sorties", résume-t-il pointant "une logique de la peur" autour de "trois ou quatre cas extrêmes par an". Il rappelle que la proportion de schizophrènes dans la population est de l'ordre de 1 %, soit environ six cent mille personnes, dont l'immense majorité ne sont pas des assassins en puissance.Quelque soixante-dix mille personnes sont hospitalisées sous contrainte chaque année, soit à la demande d'un tiers (soixante mille cas) ou d'office en cas d'atteinte "à la sûreté des personnes" ou "à l'ordre public" (dix mille cas). SIGNER LA PETITION ICI