Magazine Journal intime

Le récit de la naissance de jumeaux: Soren et Nael

Publié le 27 mai 2011 par Madameparle

Le récit de la naissance de jumeaux: Soren et NaelSi ca vous tente de nous raconter votre accouchement, envoyez le moi à [email protected]
Cette semaine Sarah nous raconte son long cheminement avant la naissance de ses enfants.. Vous pouvez aussi la retrouver sur son blog de dessin

Jeudi 30 Décembre, 08h30.
Adrien dort en haut. je regarde Louca qui dort à côté de moi sur le canapé lit du salon. Il m’y a rejoint cette nuit. Il se reveille, me fait un calin et demande les dessins animés. Moi je n’ai rien dormi de la nuit. Des contractions m’ont réveillée regulierement. J’envoie un sms à Adrien pour le reveiller et lui signifier mon intention de retourner à la maternité. Pas par flemme, mais juste pour ne pas avoir à hurler, ou à monter les escaliers comme une tortue sur le dos pourrait envisager de le faire. On prépare mes affaires cette fois, je déjeune, et monte dans le taxi que j’ai appelé un peu plus tôt. Adrien reste avec Louca. Je le tiendrai au courant.

10h52.
On me prend rapidement en charge puisque j’ai appelé avant de venir. On m’installe en salle d’examen, qui n’est autre qu’une salle de pré travail. Monitoring, touché vaginal, ouverte à 2 doigts large à l’orifice interne, on décide de stopper les contractions, et ainsi d’arrêter, une nouvelle fois, un accouchement prématuré. Je suis alors à 33 SA+3 jours. J’ai le droit à ma perfusion de tractocile et ma première piqûre de corticoïdes dans les miches. A ce moment je sais que j’en ai au moins pour 48h.Je préviens ma mère qui passe me voir vers 11h, et Adrien vient aux nouvelles avec Louca. Mon fils n’aura juste pas le droit de venir me voir, tant que je ne serais pas de nouveau installée dans une chambre sur service des grossesse à haut risques que j’avais quitté 2 semaines plus tôt…

12h36.
Toujours des contractions, toujours aux urgences. Mais les sages femmes se montrent rassurantes. Quoiqu’il arrive, des bébés de 33 SA elles en ont vus et des bien portants. On rit même, et je fais mon possible pour ne pas subir tout cela. Je parviens encore à ce moment là, à lacher prise et à prendre les choses avec le plus de recul possible. J’essaye de dormir un peu, car je n’ai toujours pas le droit de manger. Tout juste de boire.

16h46.
Le travail n’avance pas. Le col ne bouge pas, mais les contractions ne s’arrêtent pas pour autant. Elles ne me font pas mal, c’est juste fatiguant de devoir respirer plus fort lorsqu’elles arrivent. Je me laisse examiner avec le sourire, mais me parasiter de produit chimique va à l’encontre totale de mes convictions personnelles. Je patiente encore, essayant de me persuader que ces prochaines 48h ne sont pas tant utiles pour le tractocile censé arrêter le travail, mais qui ont peu d’efficacité, peu permettre aux corticoides de faire leur effet sur les poumons des petits. Je n’ai rien mangé depuis 9h ce matin, et je suis fatiguée.

17h53.
Je rejoins enfin ma chambre. Fort heureusement, je retrouve celle que j’avais lors de ma première hospitalisation et ma super collocataire, toujours allitée pour une fissure de la poche des eaux. Tant mieux, je suis contente et soulagée, nous savons vivre l’une avec l’autre, on sait qu’on s’entend bien, jusqu’à choisir le même programme à la télé et ne pas se télescoper pour la salle de bain… Je suis vraiment contente de retrouver Alexandra, mais je commence à regretter d’être venue. Je ne sais pas pourquoi, quelque chose de triste s’installe tout au fond de moi et ne me quittera plus jusqu’à la naissance. Je perds mon optimisme, et mon ventre commence à prendre trop de place dans ma vie.

18h03.
Une gyneco passe. C’est celle qui m’avait carrément traitée d’inconsciente lors de mon premier passage aux urgences alors même qu’on ignorait la présence des jumeaux. J’avais eu le malheur de lui preciser que si je n’étais pas suivi à l’hopital c’était parce que je comptais accoucher chez moi. Ce à quoi elle avait répondu je vous le rappelle:  »J’espère simplement que vous arriverez en vie jusqu’ici… »
Cette fois elle remplit son rôle de grosse conne à merveille, me regardant toujours comme une tarée: –  »Hors de question que vous accouchiez pour le moment. Vos bébés passent en premier, vous ne voudriez pas qu’ils arrivent en mauvaise santé, faites donc un petit effort… ». Et là le vide, un terrible bond en arrière de 3 ans. Je perd tout mes moyens et la colère monte. Je me depossède à nouveau de tout ce que j’ai mis tant de temps à me réapproprier. Je veux rentrer chez moi, après l’avoir etranglé et pondre mes gosses dans la baignoire plutôt que de lui accorder encore une seul regard…
Pire, ma colloc’, avec sa fissure de la poche des eaux, ses maning 1 jour sur 2, et ses monito 2 fois par jour est à 32 SA. Sa fille est estimée à un poids d’1kg600 alors que les miens faisaient ce poids là à 30sa seulement. Elle n’a pas d’infection et tient le coup depuis 1 mois et demi comme une mercenaire. J’admire sa patience et sa force de caractère. Seulement ils sont catégorique, pour elle, si le travaille se lance, ils laisseront faire. Les bras m’en tombent. Sans savoir pourquoi, ni me poser la question de savoir s’ils seront en bonne santé ou pas, j’encourage mes bébés à lutter contre ce poison qu’on m’injecte dans les veines et qui perturbe le court naturel des choses, mais sans succès. le col, ne bouge pas et les contractions continuent.

19h29.
J’ai mangé et j’ai le moral à 0. Je regrette d’être venue. J’ai fait confiance aux médecins en pensant que mon avis compterait. Ma famille me manque déjà.

21h57.
Je perds l’integralité du bouchon muqueux. Les médecins mettent ça sur le compte des touchers vaginaux que l’on m’a fait et refuse de me de-perfuser. La sage-femme m’écoute patiemment, elle me tient la main et essuie mes larmes. Elle comprends ce que j’essaye de lui expliquer et se sent démunie. Je m’aperçois alors qu’ils m’ont rajouté une perfusion de xanax, de spasfon et de doliprane. Au comble de la rage, j’exige qu’on ne me la renouvelle pas, car elle arrive à la fin. Cette fois-ci on m’écoutera. J’ai tellement les boules que je décide de refuser quoiqu’il arrive toute nouvelle perfusion, même de glucose uniquement. Les contractions sont toujours là, mais je ne lutte pas. Je les accueille avec tellement de force que les anti douleurs qu’on me propose me paraissent complètement inappropriés à la situation. J’essaye de dormir.

Vendredi 31 décembre, 03h28.
A la demande de la sage-femme, je m’en vais la prévenir que les contractions m’ont réveillées. A peine ai-je ouvert la porte (le bureau est pile en face et je ne voulais pas réveiller alexandra) que je tombe nez à nez avec la  »gynéconne » de tout à l’heure. Elle me palpe le ventre sans ménagement, ni regard pour moi, me reproche de m’être levée et me renvoie me coucher en ordonnant à la sage femme de ne rien faire de plus. Les larmes coulent dans le noir, je commence à désespérer. Je n’ai plus d’emprise sur rien.

06h15.
Je ne dors toujours pas. Je rappelle la sage femme qui m’examine. Cette saloperie de col n’a toujours pas bougé. Un comble lorsqu’on est hospitalisé pour la deuxième fois pour menace d’accouchement prématuré. Je suis si abattue, que je me dis que si les contractions continuent une fois le protocole de tractocile terminé, et qu’elles ne sont pas plus efficaces, je suis prête à renoncer à ce bel accouchement auquel je me préparais et à supplier pour de nouveau etre déclenchée.

14h29.
Une autre gynéco, passe avec toutes sa clique d’interne et de sage femme. Elle ne m’a jamais vu, ne me connait pas et parle carrément d’un retour à la maison après la deperfusion. Selon elle, une fois le protocle terminé, je dois faire ma vie et attendre que ça vienne. je suis sidérée. Tout ça pour ça? Je n’y comprends plus rien, cela semble une bonne nouvelle et pourtant je suis complètement perdue. Elle n’est pas contre un déclenchement si les contractions inneficaces ne s’arrêtent pas mais pas avant 37SA!!! Je suis calme et impassible mais je me vois en train de leur arracher les yeux en même temps que tout ces fils qui me branchent et me relie au corps medical. Je hurle et je me barre, on ne m’écoute pas. Alors j’ouvre à nouveau les yeux et ils sont toujours là, notant consciencieusement des phrases inutiles sur leurs tablettes. Ils font comme bon leur semble, parce que, bien sûr, eux, ils savent.

18h10.
Je ne cesse de plaider doucement ma cause auprès des infirmières. Je veux qu’on me débranche. Je me bat contre moi-même et les psychiatre commencent à débarquer régulièrement dans ma chambre. Je commence à paniquer. J’annonce la couleur. Personne ne m’enverra de nouveau en psychiatrie parce que j’essaye d’être moi-même et de faire respecter mes convictions. Je ne suis pas celle qu’ils croient. Je pense à mes enfants, mais ce sont bien de la faute des médecins s’ils prennent à présent tant de place. Il m’ont interdit de récupérer mon ventre et tout le travail que j’avais accomplit ces derniers moi est réduit à néant. Je comprends qu’il faut que je me reprenne. Adrien bien qu’il fasse tout ce qu’il peut pour etre présent, n’est pas là. Il n’est pas dans ma chaire, il n’est pas avec moi et je me bat seule depuis des mois pendant qu’il prépare l’arrivée materielle des petits et se rassure comme il peut en cultivant ses prioritées personnelles. On ne se voit plus on ne se touche plus, on se parle de loin alors que nous sommes pourtant si proche. Je doit faire un travail de deuil. Sur tout un tas de chose, je dois à tout pris sauver ce qu’il me reste et m’accrocher pour que cela se termine bien. Je ne me lâcherai pas la main. Je reprends courage et me regarde dans la glace aussi souvent que possible. Je puise en moi, toujours persuadée que tout ira pour le mieux, quoiqu’il arrive. Ce petit bout de confiance est là, tout au fond, il chasse la tristesse et la colère devient rage pour mieux me maintenir à flot. C’est la tempête à l’interieur de mon crane et je tente de m’apaiser tant bien que mal. Je passe ma dernière nuit blanche, ne trouvant rien de mieux à faire que de me mordre les poignets pour gérer cet ouragan que rien à part moi ne pourrait appaiser.

Samedi et Dimanche.
Je les passerais à essayer de rassembler les morceaux. On me deperfusera. On attendra. Personne, de toute façon, ne sort ou n’en sait plus le week-end. Les sages-femmes prennent soin de moi. Elles sont deux, semble t’il à voir la peine dans mes yeux. Ce mélange de culpabilité et de révolte, si bien cachée derrière des larmes silencieuses. Grace à elles, je me résigne dans la calme et parviens à trouver en raclant bien au fond, un semblant de sérénité.

Lundi.
Je continue à me recentrer sur moi, tant bien que mal. Mais en plein milieux de la nuit, Alexandra appelle. La sage femme la met sous monito, l’examine et le verdict est sans appel: Elle va donner naissance à sa fille. Derrière mon paravent, les larmes coulent, mon monde s’ecroule de nouveau, mes yeux s’écarquillent et je laisse échapper un: non, non, pas maintenant… silencieux. Cela ne se peut pas. pas elle, pas maintenant. pas avant moi. Je suis heureuse pour elle bien sûr, mais c’est trop, je m’habille, essayant de lui cacher mon état pour ne pas l’inquieter, ni lui faire croire qu’elle est pour quelque chose dans ma peine, et passe devant la sage femme en essayant de lui baragouiner quelque chose comme: je vais faire un tour.
Je me cloitre dans l’obscurité d’un petit salon d’attente du service. Je regarde à travers la vitre et je pleure, je me vide, je lâche prise. Je me mord encore en essayant de me persuader qu’il faut prendre du recul. Je ne parviens pas à savoir pourquoi tout cela me tient tellement à coeur, pourquoi tout cela me parait si absurde. C’est juste le moment je le sais. Cela devait être mon tour! Je ne comprends pas. C’est impossible… Lorsque je rentre dans ma chambre, Alexandra est en train de pousser en salle d’accouchement et la sage femme m’attend. Elle me tient de nouveau la main et je sens son regard bienveillant qui me veille. Je finis par m’endormir après avoir parlé dans la nuit à une alexandra dejà sur pied après un accouchement rapide, venue s’enquérir de mon état. Je me sens nulle, petite, j’ai honte de moi, et de suscicter tant d’intérêt mal placé. Elle doit profiter, je lui assure de la joie que j’ai pour elle. Sa fille est en néonatologie et elle y restera longtemps, mais elle va bien et c’est le principal.

Mardi.
La sage femme vient me faire lire ce qu’elle à inscrit dans mon dossier. Ses mots sonnent justes. Elle a parlé de moi aux medecins. Elle a plaidé mon cas, elle s’est battue pour faire entendre ma toute petite voix. J’ai envie de la serrer contre moi. Dans la matinée, une autre sage femme vient me chercher et avec un sourire complice m’annonce: allez madame Sanchis venez avec moi, on va vous décoller les membranes… (Comprenez désolidariser la poche des eaux des parois de l’utérus grâce à un toucher vaginal approfondi, bon appetit). Elle me demande si j’ai mal et me dit de la prévenir si c’est trop douloureux. Je ris, je revis. Je lui rappelle que je suis certainement la dernière personne à me plaindre d’un tel traitement, et que la moindre douleur sera considérée comme la bienvenue et un début de quelque chose d’enfin normal et naturel. Je guette les contractions douloureuses. Mais elles se gèrent trop bien, s’espacent trop souvent. Cela ne fonctionne pas.

Mercredi.
Redecollement des membranes. On m’annonce que si je n’ai pas accouché d’ici demain 10h, on me declanchera à l’ocitocinon. Je passe encore la journée, jusqu’à 21h le soir à compter ces ersatz de travail. Je finis par abandonner corps et âme, en me rendant à l’evidence. Je me suis gourée. Je ne devais pas accoucher finalement. J’ai échouée. Je ne suis pas parvenue à mener à bien cette seconde grossesse de façon naturelle et évidente. Je vais être déclenchée et je m’endors pleine de culpabilité. j’ai vraiment tout foiré.

Jeudi 6 janvier, 3h30.
Je me réveille. J’ai mal. Enfin non pas mal, mais mon corps se soulève malgré moi. Ces contractions là je ne les gère pas, ce sont elles qui rythment mes inspirations. Les rôles s’inversent, et là je sais. C’est mon tour. Je n’ose y croire, et pourtant c’est différent, je laisse les spasmes me guider vers l’étape suivante, j’accompagne ces petites vagues qui déferlent dans mon ventre en observatrice. Je ne subis pas, j’assiste au spectacle de ce ventre qui doucement se réveille.
Je n’ose pas appeler la sage femme. Elle va encore me dire d’attendre, et rien n’aura bougé. Et puis allez si, je l’appelle. Elle me met sous monitoring immediatement à mon grand étonnement. Ainsi je n’ai pas perdu toute crédibilité. Je me laisse bercer, seule dans l’obscurité, par le rythme cardiaque de mes bébés et je distingue les petites montagne qui se tracent, régulières et progressives, sur le papier qui se déroule doucement.

4h15.
Elle a suivit le tracé depuis l’ordinateur dans son bureau, elle va m’examiner. Je suis ouverte à 3 doigts larges. On va m’emmener en salle de travail. Pardon? Déjà? Tout de suite? Pour de vrai? Là maintenant? J’appelle Adrien. je lui avait recommandé de dormir pour être en forme à 10h pour le déclenchement. Eh bien non mon chéri, c’est pour tout de suite. Fait garder Louca en urgence, et rejoins moi tout de suite. J’ai peur que ça aille trop vite. Qu’il ne soit pas là. Et s’il glissait en vélo? S’il mettait trop de temps à arriver? Et là je realise. Mince; j’accouche seule finalement. Mon corps s’est mis en marche pour la troisième fois. Finalement, je n’avais peut être pas tord. C’est le bon moment. Aussitot une pensée l’accompagne, mieux, une certitude: Tout va bien se passer finalement. J’en étais sûre.

5h45.
Adrien est là. Il parait calme mais surtout endormit. Qu’importe qu’il participe, il fallait juste qu’il soit là. On me change de lit et nous nous dirigeons vers la salle d’accouchement. Adrien doit passer de l’autre côté et me rejoindre dans la salle après avoir passé blouse, chaussons et charlotte. Aussitôt un jeune homme se présente à moi comme étant l’élève anesthésiste. Il a l’air gentil et me fait asseoir sur le rebord du lit. Je me dis que c’est une position bien plus confortable qu’allongée en position foetale. Je réalise aussi que je ne couperais pas à la péridurale et je suis un peu déçue même si je m’y attendais. Une vielle peau de vache grisonnante et trop maigre à mon gout entre dans la salle. C’est l’anesthesiste. Elle aboie des ordres sur son interne et se déplace dans mon dos. La bétadine est glacée, la piqûre d’anesthesiant locale pratiquée. Même pas mal… Et puis là elle m’enfonce un doigt dans les côtes et l’autre entre les vertebres et grommelle un: On sent rien du tout! Elle palpe et me prévient: Attention je pique! Je serre les dents. Ca fait un bruit de chambre à air trouée dans un vieu pneu. Une impression de percer du caoutchouc avec un bruit sec qui résonne dans la colonne. Elle ressort l’aiguille et peste: Ca passe pas. Re palpe, reperce, retire. Comme ça 7 fois. Elle me demande de pousser, l’interne me ceinture, plus qu’il ne me tient pour m’aider maladroitement à trouver la bonne position. Il parait que je bouge trop, que je ne pousse pas assez, que je ne suis pas assez fine.

Adrien n’est toujours pas là, je demande après lui et je comprends qu’on ne le fera pas entrer tant que la vieille peau n’aura pas finit son charcutage en règle. Je pense à mon projet de naissance qui se fait la malle par la fenêtre. Et puis je croise les yeux de la sage femme derrière son masque, assise sur son tabouret devant moi. La petite blonde me soutient du regard et a l’air de me dire: Ne craquez pas, ça lui ferait trop plaisir. Je me reprends. 8ème tentatives. Encore raté. Elle rale encore et je lache un: - »Loin de moi l’idée de vous compliquer la tâche mais là je fais UN PEU C’QU J’PEUX!!! »
Je regarde ma petite sage femme et lui attrappe les poignets, je sais qu’elle ne m’en voudra pas. Je me met à souffler bruyamment et à la 9ème tentative, je bloque, je ferme les yeux, je serre les dents, je ne bouge pas d’un millimètre et pousse sur les doigts de l’horrible bonne femme. La péri est enfin posée, la vieille vache et l’interne pas dégourdit, me lâchent enfin.

06h15.
Adrien me rejoint, on tamise la lumière de la salle. Je sens le produit progresser dans mon ventre et jusque dans mes orteils mais je suis agréablement surprise. Je sens les contractions (Qui je le rappelle ne sont toujours pas douloureuses) et je peux pouger les jambes. Elle l’a au moins bien dosée. Mais elle à été si brutale que la pression retombe d’un coup, trop fort, je perd pied, je pleure comme si on m’avait trainée nue devant une classe de collegiens cruels. Je manque de souffle, l’angoisse me serre la gorge, j’ai envie de vomir, je suis sûre que je vais mourir… Au secours!!! Et hop! Je vomis, Encore je me vide. Et je m’appaise. Le produit n’a pas du arranger les choses et une baisse de tension m’a méchamment fait tourner la tête. Qu’importe, je passe d’un des pires état qui soit à un des meilleurs: Je plane grave… Je suis totalement déchirée, je me sens glissé vers un sommeil de surface pourtant terriblement réparateur. Je dis à Adrien de dormir derrière moi sur la chaise, que de toute façon je vais m’assoupir aussi. Je crois qu’en une heure, j’ai mieux dormis que ces 23 dernières années. Un pied integral qui me redonne terriblement cnfiance en moi.

07h15.
Je me reveille. Ouille, j’ai un truc entre les jambes. J’appelle la sage femme: - »Sois la peri ne fais plus d’effet, soit ils arrivent… » Elle m’examine. je suis ouverte à 8 en effet. Elle passe voir la femme qui accouche à côté et revient me mettre doucement en condition pour pousser. A peine est t’elle sortie que je la rappelle: - »Desolé d’insister mais là ya vraiment un truc qui se passe ». J’ai besoin de faire rouler mon bassin, un truc me gêne, je le sens. Avant de m’examiner elle m’annonce qu’on va passer en salle de cesa. Que le gyneco est plus rassuré comme ça. Sur le moment je me dis que si près du but c’est franchemet couillon d’en arriver là. Tout ce que je suis capable de lâcher c’est un: - »Serieux? C’est moche… ». Elle m’examine tout de même avant de partir et semble paniquée: - »Eh bien finalement on va rester là ou vous allez nous les pondre dans le couloir ». BIN TOUT DE MEME! 15 minutes que je vous dis que ça vient! je n’ai même pas le temps, ni la presence d’esprit de me demander si je préférerais une autre position pour mettre au monde mes enfants. Ils arrivent maintenant et c’est comme ça. je remarque tout de même qu’on m’a mise en position gynecologique sans même s’enquérir de ce que je souhaitais.

07h28.
Je pousse, je suis terriblement efficace, je ressens tout, et j m’applique à graver chacune de ces sensations dans ma mémoire. Cette fois je ne veux pas oublier. J’ai oublié, les visages, la salle, les gens, la main d’Adrien qui me tient et m’encourage, mais je me souviens de cette pression entre mes cuisses, de cette evidence de pousser sans en avoir pourtant un besoin visceral (surement à cause de la peri) et puis je le sais, JE VAIS y arriver… Soren sort, je sens la pression qui se relâche, ce petit corps expulsé qu’on pose aussitot sur moi. Je le vois arriver cette fois, je pleure, l’émotion me submerge, il est là, j’ai reussis, JE l’ai fait naitre sans qu’on m’accouche. Un soulagement profond et salutaire d’avoir reussit plus que d’être libérée.

07h31.
On me le reprend il faut encore faire sortir Nael. je le laisse partir avec les sage femme pour ses premiers soin. Je n’ai pas le temps, ni l’énergie de contrôler tout ça. Tant pis. Nael a besoin de moi. Mais je me suis laissé distraire par cette première naissance, par cette émotion soudaine. Je ne sens plus les contractions tout devient confus. Je pouse mal, et Nael tente de se retourner. La sage femme montre pesque littéralement sur mon ventre et ceinture mon uterus pour bloquer ce bébé surpris par ce soudain gain d’espace. On me dit d’attrapper mes cuisses pour pousser, je m’enerve: CA NE MARCHE PAS (Sous entendu: Foutez moi la paix voulez vous?) Je pousse en vain, dans tout les sens et me fatigue pour rien. Et puis j’attrappe les mains d’adrien. Avec lui je suis efficace, il n’y a que lui qui puisse m’aider à pousser ces petits dehors. Je n’ai pas besoin de lui parler pour qu’il accompagne mon effort, il m’aide, il est ma moitié et me complete terriblement à cet instant.
J’entends un gros Plop et je m’insurge: - »Les ventouses? Sans me prevenir?. C’est trop. Je demande quelques instants pour me recentrer. Ca y’est je sens la contraction, je pousse. Je sens la ventouse, je pousse pls fort, je l’aide, je visualise, il faut qu’il sorte. De nouveau cette pression entre mes cuisses, il est là, je dois l’aider. je pousse plus fort encore, un instant je reprends mon souffle et aussitot me remet à pousser.

07h43.
Ca y est enfin il est là, nous avons réussis. Le chirurgien à juste le temps de s’écarter pour eviter un jet de sang et de liquide qui accompagne Nael dans sa violente venue au monde. Il a comme un deuxième crane sur le sien et il pleure. Pas d’émotion cette fois. Trop fatiguée, la première surprise est passé, et il a fallu  »cerebraliser » pour le sortir celui là. C’est pourtant lui qui a le plus besoin de moi après cette sortie brutale. Adrien a récupéré Soren enveloppé dans sa couverture. On me pose Nael sur moi. Pas le temps de dire ouf. On le pèse, le mesure, l’aspire sans doute, je n’en sais rien, je ne vois pas. J’entends juste: - »Super! pas de points! Tout est intacte ». Je mesure la portée de la chose. Mon accouchement s’est deroulé sans accros, rapidement et facilement. J’ai echappé à la peri. Encore un sentiment d’accomplissement. Je savais que j’en etais capable. Un poids en moins, un soulagement de plus, lorsqu’on m’annonce apres plus de 3 heures de peau à peau avec les petits qu’ils n’ont besoin d’aucune aide respiratoire et qu’un berceau chauffant suffira pour m’accompagner en chambre. Il quitterons la couveuse de  »depannage » apres avoir recupéré un de ces lits au bout de quelques heures. Ils sont plus gros qu’on ne l’estimait. Je suis terriblement fière d’eux. La sage femme en chef accompagné de son interne me fait ma toilette. Elle me propose la sonde urinaire. Je lui demande le bassin. Je veux essayer seule cette fois-ci. Et même si je met bien 2 ou 3 minues à terminer, j’y arrive. Hin hin hin! (Petite victoire mesquine sur mon perinée). La toilette se poursuit et je me retrouve cocooné et de nouveau à l’aise. En bouillie certes, mais à l’aise tout de même.

12h45.
Avec Adrien, nous les regardons dormir. Nael aura droit à du doliprane car son crane le fera souffrir quelques jours. Et puis il aura un sommeil étonnement paisible et tétera de façon sereine. Son frere, couinant de son petit museau avec son petit poids, comme une petite fouine qui a déjà envie de quitter le nid, mettras un peu plus de temps avant de conssentir lui aussi à teter sans m’arracher le téton.

Les jours suivant.
J’accomplis les gestes de soin et de tendresse avec un automatisme désarmant. Mais si les puéricultrices me trouvent etonement en forme et maternelle pour une mere de jumeaux, je me trouve l’air détachée. Le lien ne se fait pas aussi fort que pour Louca. Je les regarde avec un mélange de tendresse, de curiosité, d’appréhension et de culpabilité. Ou est ce coup de foudre tant promis? Et puis le renifle, je le regarde, je les porte, je les nourris de mon sein… Et un jour, Nael me touche. Il se laisse carresser la tête sans hurler. j’ai reussis, j’ai pris soin de lui. Je me met à pleurer. Je le reconnais. Vous m’avez fait le plus beau des cadeaux en arrivant sur cette terre en aussi bonne santé. Vous m’avez permis de me pardonner à moi-même bien des choses dont vous ne soupçonnez pas l’existence. Vous m’avez sauvé de ce passé douteux ou la difficulté de vivre residait uniquement dans ce combat contre moi-même. Et puis, un jour encore, Soren est dans mes bras. Je me met à lui parler. Je lui demande pardon et de nouveau les larmes coulent. Le culpabilité m’envahie et son petit sourire en coin la chasse, il est là c’est tout ce qui compte. Je le respire encore, je le renifle comme une louve et lui aussi le reconnait. C’est mon fils.
Un autre jour encore et je les regarde dormir l’un contre l’autre et se chercher du bout de leur doigts. Et là je me dis: Dieu soit loué vous êtes deux. Cela ne sera pas de trop pour déverser tout l’amour que j’ai à vous donner. Qui l’eut cru? Pas moi en tout cas. A dix mille lieux de me douter jusque bien après le jour de leur naissance qu’un tel miracle etait possible. pas apres tant d’apprehension et de rejet de ce nombre 2. De cette dualité impromptue et totalement deplacée dans une vie que je m’applique encore à maitriser maladroitement.
Et puis encore un jour. Je suis sous la douche, je touche ce ventre encore rond et gonflé, je sens ce sang qui s’écoule de moi pour finir par disparaitre avec l’eau fraiche, je vois ce visage dans le miroir, encore fin, avec 4 ans de plus, je ressens ce tremblement encore fragile de mes jambes et de mes entrailles qui doucement se refont leur place. Je me sens entourée d’un cocon de maternité que je n’ai pas envie de quitter trop vite. 10 jours de maternité en unité kangourou. J’aurais pu en avoir 20 de plus que cela ne m’aurait pas préparé à ce retour si brutale à la maison. Partagée entre la joie de retrouver ma famille et cette terrifiante confrontation à la vie  »normale ».

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