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«Une catastrophe, pire, une catastrophe attendue»

Publié le 04 juin 2011 par Trinity

Par ERIC FAVEREAU

Alain Didier Weill est un personnage respecté dans le monde de la psychanalyse. Psychiatre et analyste, il a été membre de l’Ecole freudienne, puis cofondateur de l’association Coût freudien, de l’Inter associatif européen de psychanalyse et du mouvement Insistance. C’est un homme de théâtre également .

Evidemment d’abord, la sidération. Que comprendre ? Un constat, peut-être : dans une période de sa vie où il n’a jamais été autant surveillé par les médias, où ses faits et gestes sont observés, scrutés à l’infini, voilà - si cela se confirme -, que Dominique Strauss-Kahn réalise l’acte… le plus attendu par cette surveillance généralisée. C’est sidérant.

Cela peut s’appeler un acte manqué. Un acte qui consiste à obéir à cet état de surveillance qui est autour de lui, pour desservir au final son propre destin. Mais si on parle d’acte manqué ou d’un acte irrationnel, on peut dire aussi l’inverse et lui donner un sens contraire. Dans une période où la censure autour de lui est étouffante, surgit une espèce de levée intempestive du refoulement sexuel élémentaire. C’est un autre aspect, et en ce sens ce serait un acte réussi pour ses adversaires.

Enfin, qu’en sait-on ? On ne peut écarter la manipulation. Mais je me dis qu’au cas où il y aurait un phénomène de manipulation - il y a eu en effet différentes attaques contre lui ces derniers jours, avec la Porsche et ses habits -, la question que cela pose, c’est comment un homme aussi averti que lui puisse se laisser aveugler. S’il y a cécité devant cette éventuelle manipulation, on peut se poser la question de la pratique du pouvoir qui rend aveugle et peut provoquer à ce point des erreurs de jugement.

Oui. On le sait, on le voit, on peut dire que l’exercice du pouvoir fragilise énormément la capacité de la séduction. Nous avons eu d’autres présidents dont le pouvoir a paru décupler l’impulsion, ou la pulsion sexuelle. C’est banal.

Et oui… Si cette affaire se révèle exacte, ce serait paradoxal. Que Dominique Strauss-Kahn, qui connaît très bien les Etats-Unis, avec ce mélange de liberté et de puritanisme, puisse tomber dans une erreur aussi éclatante, c’est en effet troublant. Car il y a sa façon de réagir : Dominique Strauss Kahn aurait pu rester sur place, et là, il donne l’impression de s’enfuir. C’est d’une maladresse insigne. Il aurait pu faire face, et en parler. J’ai l’impression qu’il joue une partie de ce que ces adversaires attendent de lui. En même temps, gardons-nous de ce que l’on entend, un exemple : depuis ce matin on nous répète que DSK est sorti nu de sa salle de bain, et on nous donne à voir cette image comme le fantasme agressif d’un homme en rut. Mais comment sortir autrement que nu d’une salle de bain ?

En tout cas, cela va dans ce sens. Au moment où tout le monde l’attend, où tout le monde attend sa déclaration, il fait un acte qui empêche sa déclaration. Et c’est cela qui est incroyable ; on l’attendait, et ce que l’on attendait est survenu. C’est une catastrophe, pire une catastrophe attendue.


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