| 04.06.11 | 20h34 • Mis à jour le 04.06.11 | 21h07
53 % des Français ont répondu par l'affirmative à la question : "Avez-vous eu envie de ne pas vous connecter à Internet pendant plusieurs jours ?", posée par l'Ifop fin 2010.
Avez-vous été tenté un jour de déconnecter ? D'étouffer sous un oreiller smartphone ou iPad pour ne plus vérifier vos mails ni au coucher ni au lever ? Si cette envie vous effleure, sachez…que vous n'êtes pas seul. 53 % des Français ont répondu par l'affirmative à la question : "Avez-vous eu envie de ne pas vous connecter à Internet pendant plusieurs jours ?" posée par l'Ifop fin 2010. Un comble alors que les smartphones, qui permettent de naviguer sur Internet en tout lieu devraient équiper un Français sur deux d'ici à la fin de l'année selon la société d'études GFK.
Ce paradoxe n'est pas uniquement français. Tandis que l'équipement technologique ne cesse de se démocratiser dans le monde, l'Australienne Susan Maushart vient de publier un livre témoignage sur ses six mois sans technologie avec trois adolescents ("The Winter of Our Disconnect").
Dans la même veine a été organisée aux Etats-Unis, les 4 et 5 mars, le second "national day of unplugging" ( "la journée nationale où l'on se débranche") imaginée par l'association Sabbath manifesto.
Le Monde.fr a lancé un appel à témoignages sous la formule : "Et vous, vous faites quoi pour déconnecter ?". Nous avons sélectionné quelques-unes des 166 réponses qui nous sont parvenues en quelques heures.
- Mon taux de stress a rapidement diminué, par Fernand
Comme beaucoup d'entre nous, je suis avec intérêt l'actualité technologique. Naturellement, j'ai fini par m'acheter un smartphone : grand écran, réactivité éclair, des applications incroyables et tout Internet au creux de la main. Très rapidement, je ne l'ai plus lâché. Plus de bouquins dans le métro, plus de balades rêveuses dans les rues. Toujours en train de regarder si un nouveau mail était arrivé, toujours en train de jeter un œil à la carte du coin, de vérifier quelque chose. Même dans la conversation avec les autres, on ne laisse plus de place à l'imprévu, à l'incertain, aux souvenirs. La sensation que soudain tout est plus simple, tout est à portée de main.
J'ai tenu comme ça quelques semaines, puis j'ai craqué. J'ai récupéré un vieux téléphone à clapet, sans Internet, sans applications. Les basiques : appeler et envoyer des messages. Mon taux de stress a rapidement diminué. J'ai rapidement réappris à me laisser suprendre, à me laisser porter, à me perdre même parfois. Bref, à vivre, à faire face tout seul aux aspérités du quotidien.
Notre perception de la réalité est déjà impactée par les smartphones, qui introduisent une médiation dans le plus simple de nos gestes, la plus saine de nos joies. Difficile de retourner en arrière, mais alors, quoi ? Commencer par réaliser qu'on s'approche dangereusement, concrètement, de la servitude volontaire...
- Se recentrer sur l'essentiel, par Claudia
Il y a sept ans j'ai éradiqué la télé, sans état d'âme. Trop difficile de gérer ce média envahissant et chronophage. Perte d'énergie importante sans assurance au final de bien gérer. Forte de tout ce que mon foyer a gagné en perdant la télé, j'ai continué à appliquer ce principe, si on laisse un doigt dans l'engrenage, on se fait bouffer le bras. J'ai besoin d'un téléphone portable, je ne suis pas non plus contre le confort. Par contre je n'ai pas besoin qu'on m'invente sans cesse de nouveaux besoins. J'ai donc exigé que mon téléphone soit un téléphone, rien de plus.
J'ai décidé que ma fille, 11 ans, était trop jeune pour Facebook plutôt que de la surveiller en permanence. Elle le découvre sur ma page, je sélectionne ce que je lui montre, je la laisse communiquer avec ses sœurs... Elle est accroc à l'ordinateur comme beaucoup de monde, interdiction d'y toucher en semaine, je n'ai plus à gérer le temps d'utilisation et elle ne cherche plus à bâcler ses devoirs. On ne prend pas les ordinateurs en vacances, etc. Résultat notre maison est paisible. Peu de conflits, on se recentre sur l'essentiel, sur ce qui nous appartient vraiment.
- Ne pas se connecter plutôt que d'avoir besoin de se déconnecter, par Philippe
Je suis cadre dans une grosse entreprise située dans une petite ville de province. A titre professionnel, j'ai un téléphone portable simple, pas un smartphone, que j'éteins dès mon retour du travail. Je vis en couple avec deux enfants de 9 et 13 ans, et nous n'avons pas d'autre téléphone portable, ni iPhone ni iPad. Juste un téléphone fixe. Nous avons une connexion Internet haut débit que nous utilisons peu, en moyenne moins d'une demi-heure par jour. Nous avons d'autres centres d'intérêt : sport, lecture, bricolage, jardinage qui nous permettent de ne pas se connecter plutôt que d'avoir besoin de se déconnecter. Ce n'est pas par manque de moyens mais par choix de vie. Je considère cela comme de la prévention.
- Je sors plus, je lis plus, je m'intéresse plus à ce que je fais.., par Azeleen
Je n'ai pas d'iPhone, j'ai tué mon compte Facebook, je n'ai pas d'iPad. Je n'ai plus qu'un simple téléphone portable qui ne sert qu'à téléphoner, avec une mobicarte. Du coup je reste joignable mais comme je n'ai jamais de crédit, je ne peux ni appeler ni envoyer des SMS...
Ainsi d'une consommation de plus de 200 SMS par jours j'en suis a 2 ou 3 par mois... Résultat des courses : je sors plus, je lis plus, je m'intéresse plus à ce que je fais... Par contre, j'ai un peu de mal à décrocher du PC (fixe) quand je m'y mets... J'aime bien les jeux vidéo. Le plus dur a été de décrocher de World of Warcraft, mais j'y suis également arrivé...
Et je revis...
L'extérieur est finalement bien plus agréable que l'intérieur de mon appart', et ne pas passer ses journées scotché à un écran, avec les yeux qui coulent et les maux de tête (je suis migraineux) est vraiment agréable...Plus que la clope et je serais libéré !
- Je ne souhaite pas être rendue en esclavage, par Marie
Habitant à Paris, j'ai choisi que mon domicile serait un lieu privilégié de paix et de silence. Je n'ai pas la télévision et je m'en passe très bien, regardant sur Internet les programmes qui m'intéressent. Mon téléphone portable est bien souvent coupé, il suffit de le consulter régulièrement pour voir si j'ai un message. J'ai décidé que tous ces outils de communication seraient à mon service et non l'inverse. Je ne souhaite pas être rendue en esclavage. C'est en constatant la sournoise dépendance que j'avais développée face à Facebook que j'ai décidé de fermer mon compte. Ne plus pouvoir m'en passer revêtait pour moi un caractère dangereux.
J'ai mis quelques jours à m'habituer, mais après plusieurs mois, je pense vraiment avoir pris une bonne décision. La vie est précieuse, à chaque instant. Vivre longtemps m'est égal, en revanche, bien vivre m'importe !
- Je me donne des horaires, par Mathilde
J'ai 16 ans, et Facebook prend une grande partie de mon temps libre. En rentrant du lycée je me connecte, le week-end j'y passe beaucoup de temps et pendant les vacances ce sont des soirées entières que je consacre à Facebook. Pour réussir à me déconnecter, je me donne des horaires. Par exemple en rentrant du lycée je me donne un créneau pour mes leçons, sans ordinateur, sans portable et sans télé, puis un créneau pour Facebook. Même quand il n'y a plus rien à faire sur Facebook, on aime bien rester connecté pour être à l'affût des dernières nouvelles, attendre qu'une conversation s'engage et puis malgré nous, nous trouvons quelque chose à faire, des photos à regarder, des murs à explorer etc... Voilà pourquoi nous passons des heures devant un écran.
ARRÊTER UN OU DEUX JOURS LA CONNEXION
- Le stress que je peux accumuler la semaine s'éteint le dimanche, par Florence
Je suis déconnectée et absente pour tous (pas de mobile) Je ne possède pas la télévision, par contre, je choisis la plupart du temps mes programmes en différé par Internet. J'achète des journaux mais je ne m'impose aucune règle, ceux-ci peuvent être nationaux comme locaux. J'ai choisi de vivre en plein centre ville, proche de mon travail pour ne pas emprunter mon véhicule la semaine. Le stress que je peux accumuler la semaine s'éteint le dimanche et cela me permet de repartir le lundi matin, les batteries rechargées.
- Le week-end, le téléphone reste au fond du sac, par Diane
Je suis toujours pendue à mon téléphone, mail, SMS, Facebook, sites divers, dans les transports, sur le chemin de mon centre de formation, dans la voiture pour m'occuper quand mon ami conduit... Alors le week-end, le téléphone reste au fond du sac, oublié pour deux jours en mode vibreur. La télé ? Les infos de la semaine sont suffisamment matraquées : le peu de télé que je regarde, les collègues, la radio, les flux RSS, les réseaux sociaux... les 12 agents distributeurs de journaux gratuits que je croise le matin et les 5 du soir. Elle aussi, elle reste éteinte, ou alors allumée sur un DVD le soir, peut-être.
On redécouvre les jeux de plateaux et de cartes un peu exotiques avec des amis, on passe le temps derrière un bon repas, un livre. Mes parents ont trouvé encore plus radical : leurs vacances se passent en voilier, où le seul lien avec l'extérieur reste la radio qui égraine son bulletin météorologique "sécurité, sécurité, sécurité, avis de tempête.... Néant!"
- Mon suicide Facebook fut d'abord un handicap
Avant d'être une libération, mon suicide Facebook fut d'abord un handicap. J'avais conscience qu'une bonne partie de l'Internet social y avait déjà été absorbé, mails, photos, échanges de bons sites, carnet d'adresse... Rester en marge impliquait d'être hors des circuits d'information, ceux des proches. Et de rater ainsi le week-end organisé par l'un, les nouvelles d'un autre.
Pourtant sans vie sociale en pixels, la force qui pousse à sortir pour côtoyer de vrais gens est plus forte en semaine. Une demi-heure à tergiverser entre 3 profils et 2 liens vidéo se solde généralement par un enracinement des doigts sur le clavier, voire sur la télécommande.
19h45...Cet échappatoire incompris ne m'a pas pour autant permis de vivre incognito. Même sans y être "tagué" mes incontrôlables apparitions sur la photo d'un proche repérée par tel autre trahissent mes fréquentations, mes allers et venues. J'ai seulement perdu l'œil sur ces informations tronquées qui me concernent. Elles me passent donc au-dessus. Ou en-dessous.(...) Allez, déconnectez un peu et vous verrez comme tout s'apaise !
LE SPORT
- La course à pied comme pour s'enfuir, par Gregor
La course à pied, le running, le jogging. Comme pour s'enfuir. Ou se retrouver. Déconnecté du réseau, du www, de la toile et des lignes électriques – mais à l'écoute de mon pouls, de mon souffle. Déconnecter – pour se recharger.
Cette dictature de l'urgence, je la vis au quotidien, travaillant dans une start-up basée sur le WebMarketing. C'est important pour faire avancer le projet de ne pas avoir d'heures fixes, de pouvoir être disponible 24h/24, 7j/7. Toutefois, il est impératif pour suivre un tel rythme de se prendre quelques moments privilégiés loin de tout moyen de communication.
- Du VTT sans aucun moyen de communication, par Quentin
Personnellement, je sors de cette "dictature de l'urgence" en partant faire du VTT sans aucun moyen de communication. Exit l'iPhone qui sonne pour un mail ou un message, exit la publication sur Twitter ou Facebook qui force à réagir, exit le message qui presse de faire une tâche en urgence un dimanche en fin d'après midi. Rien que la nature, la forêt et parfois un animal sauvage... De quoi se ressourcer pendant une heure ou deux et faire le vide avant le retour dans le monde de la communication.
Ma seconde solution est de m'allonger sur mon lit avec de la musique et des écouteurs et profiter d'un son qui transporte l'esprit loin des soucis du quotidien. Les musiques instrumentales sont parfaites pour ce genre d'exercice. Certains vous citeront la peinture, d'autres les jeux vidéos, d'autres encore un bowling entre amis. L'idée est de vous livrer corps et âme à une activité qui vous passionne en laissant les perturbations extérieures vous passer au dessus... Cela restant le plus dur à s'imposer.
- Filtrer les appels et pas de compte Facebook, par Christine
Seule aux commandes de ma TPE, la déconnexion est plus difficile mentalement qu'autre chose... pour le reste ce n'est pas très compliqué, juste une question de volonté. Un seul téléphone portable mixte perso et pro sur lequel selon l'heure de la journée je filtre les appels, pas de compte Facebook (mes amis je leur parle de vive voix au téléphone ou mieux autour d'une table ou à l'occasion d'une balade dans les rues ou les chemins creux). Et surtout, deux soirs par semaine, deux heures de répétition de chorale, sans parler du temps de travail personnel, casque sur les oreilles, et des nombreux concerts. Le temps et les préoccupations s'effacent dès les premières notes et la déconnexion est totale. Et puis à l'occasion, un voyage lointain. J'étais en Californie il y a peu. Ma journée commençait quand celle en France finissait. Quelle liberté de découvrir un ailleurs. Prendre de la distance, méditer, se connecter avec soi même.
- Partir dans des endroits où il n'y a pas de réseau, par JJ
Je réponds à des mails professionnels tous les jours, à peu près à toutes les heures (c'est toujours urgent :-) Pour décrocher, une seule solution : partir à des endroits où il n'y a pas de réseau. Par exemple au tour de l'Aussangate, ou autour des Anapurnas. Là, en haute montagne, pour 20 jours je suis strictement injoignable. La terre continue à tourner et, en fait, tout le monde a pu se passer de moi, ouf.
- Quand j'éteignais ces machines, je ressentais un vide, par Mathieu
L'avalanche de nouvelles technologies de communication m'a peu à peu égaré. J'ai pourtant fait mes études dans ce domaine. Plus les appareils se diversifiaient (iPod, netbooks, smartphones, GPS, etc.), plus je me sentais pressé entre ce désir de les découvrir, puis d'y être complètement attaché – "dépendant" diraient certains. Ce rythme effréné d'inventions plus incroyables les unes que les autres m'a peu a peu lassé. Au quotidien, j'avais parfois l'impression de passer plus de temps à des choses sans vie. Quand j'éteignais ces machines, je ressentais un vide que j'avais directement envie de combler en les rallumant, même si je ne le faisais pas toujours.
Aujourd'hui je vis tout autrement, mon rapport avec les technologies a progressivement changé, car je n'ai rien entrepris de radical. Simplement, je remplis l'espace que les technologies prenaient avec d'autres choses. Un livre, une randonnée, des conversations sans "bipbips", parfois même rien d'autre que le silence. Il m'arrive d'égarer mon téléphone, de ne pas répondre à des mails de manière trop hâtive, etc. Ça n'a rien changé à mes relations, car l'instantanéité de la réponse d'avant s'est transformée en sincérité, que le temps permet. Quand je vois dans le train le nombre de personnes qui vivent sur leur terminal, j'espère qu'ils ne ressentent pas ce vide triste que je vivais – s'ils arrivent à appuyer sur le bouton "veille".