Magazine Journal intime

I’ve Got This Friend

Publié le 08 juin 2011 par Stephanenyc @500mots

J’ai patienté une journée ENTIÈRE dans des couloirs oppressants. Je me suis gelé le cul dans des salles d’attente sur-climatisées. A l’hôpital. Celui-là même qui a vu naitre mes enfants. M’a regarder crever. M’a sauvé la vie.

10:00 du mat

Attendre. Patienter.

Je ne suis pas (le) patient. Karen s’est fait opérer. Pas vraiment ‘vie ou mort’, mais narcose à haute dose. C’est un secret. Elle ne veut pas que j’écrive un seul mot au sujet de son opération. J’écris donc en français. Ma langue maternelle lui est étrangère. Premier rempart. Karen ne m’en voudra pas excessivement quand elle découvrira ma traitrise. Elle en parle ouvertement. Tout le monde est au courant par-ici. Mes supérieurs, les potes du quartier, vous. Toi.

Attendre. Encore.

17:00.

J’ai vu ma femme. Moins de deux minutes. Comateuse, sous morphine, mais bien en vie. Ouf.

Deux minutes, puis j’ai du m’enfuir chercher Mia et Bas dans leur garderies respectives.

Point A -> D.

Il fait chaud, dehors. Ayant frisé l’hypothermie, je décide de marcher pour me vider l’esprit. Le bus prendrait le même temps pour parcourir les deux kilomètres qui me sépare de point B.  $7 cab ride? Trop de circulation. Subway? Plutôt mourir. Marcher. Méditer. Essayer de déstresser.

A l’instant même où je quitte l’hôpital, à bout de nerf, mon téléphone sonne. C’est Max, mon pote. Max et moi on partage quelque chose de spécial. Un nom. Mon grand-père s’appelait Maximo. C’est aussi mon 2ème nom. Et le 2ème nom de mon fils. 3 générations, un pote. On se connait depuis 20 ans. 20 ans c’est une vie.

Je décroche. Max m’engueule parce que ça fait 10 fois qu’il appelle et que je répond pas. Avant même que je finisse de lui expliquer la délicate situation dans laquelle je me trouve, Max trouve les mots pour me faire marrer. Il me dit qu’il va bientôt venir nous rendre visite à Brooklyn avec Stéphanie. La familiarité de la situation me rassure. Tout ira bien. Que Karen sera bientôt sur pied et de retour à la maison. C’est con, mais il me fallait ça. Il fallait que je l’entende. Le ptit nœud dans mon estomac se relâche. La tension qui m’habitait déménage. Après m’avoir engueulé, Max me menace. “Surtout, n’arrête pas d’écrire ton blog.”

T’inquiète, Max. Tant que tu me liras, je continuerai d’écrire.

Je raccroche. Je respire. Le bonheur c’est simple comme un iphone.

Point B: Hanson Place (“l’école”). Je la traque, l’attire, et je finis par la séduire avec un petit jus d’orange. Après avoir capturé la princesse-crying-beauty, direction le parc.

Point C : Sebastian se roule par terre avec un gamin un peu maladif; nez crouteux ET gluant, toux grasse. Pectorale. Bas soumet son adversaire d’une vicieuse clef de bras et essaye de lécher la morve gluante. Angelica sauve l’adversaire, je ramasse Bas. On s’casse. Quatre blocs jusqu’au Point D (la casa). 5 minutes quand Mia collabore. 10 minutes quand elle ne collabore pas.

5 minutes jusqu’à Point D. Lovely, Mia. Pendant que je débarque le matos  - gosses, strollers, sacs - en bas des escaliers, un des ados qui bossent dans la bodega du coin nous croise. Il ralentit et adresse une ptite grimace marrante à Mia. Elle hausse les sourcilles tout en enfonçant son pouce dans la bouche. Sebastian, quant à lui, retourne la grimace. L’ado en remet une couche. Mia soupire. Bas gigote. Il est cool, l’ado. Poli. Iphone en main, laptop sous le bras. Il vient d’arriver à New York. Il a du bol. New York est une dévoreuse. On se sent vite chez soi. Cette ville, elle te fait ça. L’ado a débarqué du Moyen orient avec une partie de sa famille. Sa femme doit être jeune. Doit être. Dur à dire. On ne voit que ses pieds. Des Nike. Je me demande si, SOUS son apparence un peu datée, elle est plutôt Iphone OS ou Android. Mac, reste du monde.

Juste derrière nous, un de ses nouveaux potes du quartier débarque de nulle-part. Environ 14 ans, un peu moins geek, un peu plus rockn’rolla. Beaucoup de gel. Il balance une vanne en version originale à notre ami grimaçant. L’ado se relève et démontre son talent pour les langues:

“Fuckin’ fagot maricon.”

Juste comme ça. Devant les gosses. Bas gargouille. En-coh! En-coh! Mia lève une paire d’yeux agacée – je lui ai promis 20 minutes de Diego le sauveur du monde des animaux. Elle s’apprête à retirer son pouce de ses lèvres pour articuler une question à laquelle je ne veux pas répondre. Les deux ados se défient du regard, une seconde, avant d’exploser de rire. Ils se dispersent. La scène se dissipe. Tout est calme. Trop calme.

20 minutes de Diego. Durant la brève ère qui a précédée Sebastian Maximo, 20 minutes d’écran plat équivalait à 20 minutes de peace&love. Le principe, quasiment universel au nord de l’équateur, ne s’applique pas à Sebastian. Aux yeux de mon fils, Diego n’est qu’une distraction. Bas l’ignore sans peine. La mission avant tout. Seek and Destroy.

20 minutes pour concocter salade de (heu,,, ca fait combien de temps qu’il est la ce) concombre, un peu de saumon grillé à la va-vite, des spaghetti whole wheat super fin et trop cuits, des fruits frais pour le dessert. Y faut des trucs mous car Bas n’a que huit dents. Pas encore de molaires. Il tranche, coupe, grignote, une main constamment dans la bouche pour ajuster sa proie. Les gamins ne laissent pas une miette dans leurs assiettes respectives. Par terre, c’est une autre histoire.

Père célibataire, même temporairement, c’est la galère. Je suis cassé. Trop attendu, trop stressé, trop marché. Il est tard. Je veux mettre les gosses au lit avant 20 heure. Bien avant. Bain express, ptite baston “calme”, calcium liquide, deux histoires, brosser les dents, namasté et do-do.

19:52.


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