Plongée dans la lecture d’un recueil de nouvelles débordant de personnages violents et d’êtres humains souffrants, je lève enfin la tête. Je vois les grands arbres – chênes, érables, cormiers – dont les feuilles sont agitées par une petite brise. Je vois les chaises de patio aux couleurs criardes qui se font face. Inoccupées. J’entends les grillons et quelques guêpes. J’entends aussi un pic flamboyant, deux ou trois corneilles au loin et une multitude d’autres oiseaux dont je ne reconnais pas le chant. La porte de la grange se referme toute seule à cause d’un courant d’air. Le temps est à la pluie. C’est ce que je voudrais écrire. Un été qui durerait toujours. Qu’aucun éclat de voix humaine, aucune souffrance ne viendrait fissurer. Je voudrais disparaître pour laisser place à cela. Je lève mon crayon dont le bruit nerveux suffit pour briser l’illusion d’un instant qui n’aurait pas de fin. Je regarde, je vois et je comprends. Qu’il n’y aura jamais de moyen d’écrire «ça». Parce que «Ça» n’arrive que lorsqu’on suspend tout pour prendre le temps de le voir.