C'est à dessein que j'ai attendu pour publier ce billet. J'avais besoin de laisser reposer un peu les émotions, de réfléchir, de prendre du recul avant de mettre les mots en place (j'allais dire " sur le papier")...
La semaine dernière, trois exécutions capitales ont eu lieu aux Etats-Unis. Une extrêmement médiatique en raison des doutes qui pesaient sur la culpabilité de Troy Davis et deux autres beaucoup moins médiatisées sans doute parce que leurs auteurs avaient reconnu leur culpabilité et que, même, l'un d'eux avait déclaré que si c'était à refaire, il le referait (meurtre raciste perpétré par un membre du Ku Klux Klan)... Il s'agit de Derrick Mason en Alabama et de Lawrence Brewer au Texas.
Je ne vais pas recommencer un énième, éternel et vain débat sur la peine de mort. Vous connaissez sans doute mes opinions au travers de ce que j'ai pu dire de Monsieur Badinter, notamment, donc vous ne serez pas étonnés que je sois viscéralement contre cette pratique et que je sois une abolitioniste convaincue.
En revanche, outre tout ce que j'ai pu ressentir, une réflexion m'est venue à propos de la non-réaction de Barack Obama dans le cas de l'exécution de Troy Davis.
Quand il a été élu, j'ai pensé qu'il serait l'homme du changement, le nouveau souffle. J'avais énormément misé d'espoir sur lui...
Et puis, voilà !
La peine de mort, le véto qui sera utilisé contre la demande de l'état palestinien...
Je ne lui jette pas la pierre intégralement parce que je pense qu'il n'a pas les coudées aussi franches qu'il pouvait l'espérer et que la politique n'est pas aussi manichéenne qu'on pourrait le croire.
Mais, malgré tout, j'avoue qu'en huit jours son capital " sympathie" a fait une chute vertigineuse...
Je reconnais qu'en bonne française, rompue à notre loi nationale, j'ai commencé par avoir envie de hurler avec les loups quand j'ai constaté sa non-réaction dans l'affaire Troy Davis, surtout sachant qu'il n'est pas opposé à la peine de mort dans certains cas.
Donc, oui, en France, le président de la République avait le droit de grâcier les condamnés à mort, ce que Badinter s'était fait fort d'obtenir pour chaque condamné qu'il a défendu depuis l'affaire Buffet/Bontems jusqu'à l'abolition en 1981.
Du coup, on aurait tendance à penser que c'est partout la même chose mais ça n'est pas le cas.
Les Etats-Unis sont une fédération où chaque état est souverain sur son territoire. Rapprochez ça de l'Europe (c'est un gros raccourci) : nous restons souverains sur notre territoire et le président de l'U.E. ne peut intervenir sur notre politique intérieure.
Aux Etats-Unis, c'est pareil. Le président ne peut intervenir sur la politique ou la justice des Etats. Il n'a donc le droit de grâce que pour les condamnés à mort jugés par un tribunal militaire ou fédéral (c'est à dire qui sont indépendants et au-dessus des états).
Ok, Barack Obama ne pouvait grâcier directement Troy Davis !
Mais la question se pose alors de savoir ce qui se serait passé si, sans accorder la grâce, Obama avait juste pris position à voix haute... Le comité des grâces aurait-il tourné casaque ? La cour suprême se serait-elle rangée à l'opinion présidentielle ?
Nous ne le saurons jamais !
Obama a t'il joué la prudence en vue de la prochaine campagne électorale, sachant qu'une majorité d'américains est encore favorable à la peine de mort, à l'instar de Pompidou en France dans l'affaire Buffet-Bontems qui, aux vues de la vindicte populaire et pour préserver ses chances électorales, a préféré envoyé un homme qui n'avait pas tué à la guillotine ?
A-t'il pensé que la Georgie étant majoritairement républicaine, une prise de position de sa part aurait incité le comité des grâces à prendre le contre-pied et pensait-il ainsi laisser une chance de plus à Troy Davis ?
Si c'est ça, je pense qu'il faut qu'il arrête de suite la politique car il ne fera jamais rien s'il a peur des pieds et contre-pieds...
A-t'il jugé que n'ayant pas le pouvoir d'agir publiquement et officiellement, son opinion devait demeurer privée ?
Je ne peux croire à cette hypothèse opportuniste et d'une hypocrisie sans nom puisqu'il ne se prive pas de donner son opinion sur d'autres domaines sur lesquels il n'a pas plus d'autorité !
Une chose est certaine : Nous ne saurons jamais ce qui se serait passé et qu'avec des " si", on mettrait Paris en bouteille mais une chose est certaine, je préfèrerai toujours l'action vaine à l'inaction douteuse !
Et cela fait une semaine que dès que je pense à cet homme et aux doutes sur sa culpabilité, j'ai du mal à respirer correctement... Comment peut-on tuer un homme qui n'a pas tué ou dont la culpabilité est fortement remise en cause ?
Voilà, je ne m'étends pas plus. Ni sur la justice à deux vitesses, ni sur le principe d'équité d'un procès, ni sur..., ni sur..., ni sur... On pourrait en discuter des heures et élargir le débat à tout un tas de domaines concomitants tous aussi passionnants les uns que les autres...
A bientôt !
La Papote
PS : Petit détail qui n'a pas grand chose à voir. Dimanche, Robert Badinter a pris sa retraite de sénateur à la fin de son mandat. L'homme qui a fait inscrire l'abolition dans la Constitution, parant ainsi à un retour en arrière, s'est retiré de la politique officielle...