Magazine Journal intime

Parenthèse parisienne...

Publié le 05 mars 2007 par Thierry

Cette histoire finit là où elle a commencé. Une gare. Un départ, un retour, une boucle bouclée, en quelque sorte. Mais comme dans beaucoup d'histoires, ce n'est pas la fin en soi qui compte. L'histoire se finit d'ailleurs par des larmes. Mais comme dans beaucoup d'histoires, ce n'est pas la fin en soi qui compte.

Jeudi matin. 8.45. Un lillois arrive devant la gare Lille Europe. Un sac, une valise, et toute la presse du jour dans les mains, il s'allume un clope. Il ouvre Les Echos, il attend sa collègue. Il part à Blois. Le sourire sur les lèvres, il sait déjà qu'un week-end fabuleux l'attend. Il fait beau.

Gare du Nord. Gare Austerlitz. Puis gare de Blois. C'est une histoire de gares. Les gares ont quelque chose de spécial. Synonymes de départs, d'arrivées, de joie ou de larmes. Synonymes d'inconnu ou de retrouvailles. De découvertes ou de retour. Un homme qui arrive en gare a forcément le sourire.

Blois, Cheverny, Chambord. Visites express, déjeuner au lance-pierre, repérages au pas de course. Puis retour en gare. Toujours une gare.
Arrivé à Austerlitz, le lillois laissera toutes ces gares, son boulot, ses cravates et toute sa vie en consigne. Il rejoint O., descendra 4/5 stations plus tôt. Il reprendra sa route d'antan. Oberkampf, rue Richard Lenoir, rue du Chemin Vert, square Louis XIII, rue des Francs Bourgeois, rue des Blancs Manteaux. Ce n'est pas le trajet le plus court. C'est le plus chargé de souvenirs.

Ca y est. Il est de retour dans cette ville. Dans cette ville qu'il aime tant. Qui l'a fait grandir. Le sourire ne quitte pas ses lèvres. Il a envie de revenir. Si seulement tout n'était pas si compliqué... Dîner avec O., gossips du village, dernières nouvelles de leur vie, de leurs vies, programme de la soirée, retrouvailles agréables. Hésitation entre drink au Spaghetti Bar, valeur sûre d'à côté, ou White Bar, découverte tentatrice.

Vodka Martini au Spaghetti Bar, puis Chups, puis vodka à l'Open. On change pas une équipe qui gagne. On discute avec un joli barman, ambigument attiré par l'un de nous. Couchés 4.00, levés 11.00. C. appelle " On va se prendre un café. Tu es où ?". Il est au Starbucks en bas. On se mettait justement en route pour y aller.
Revoir , cet homme qui a contribué à ce que je suis aujourd'hui. Presqu'autant que mes parents ou C&T. Me revoir dans ses yeux, l'écouter me parler, lui raconter tout ce qu'il a manqué. Être là, avec O. et C. Il fait beau. Mes vies qui se recoupent. Je les abandonne pour un déjeuner avec S.
iPod sur les oreilles dans ce métro si agréablement atroce. Penser à tout ce que j'ai pu vivre depuis la première fois que je l'ai pris. Retrouver S., ma plus ancienne pote pour déjeuner dans ce sushi-bar rue Pierre Charron, retrouver C., absent de ma vie depuis trop longtemps, me retrouver face à O. et C., deux mondes, deux villes, deux vies si différentes, être dans le métro et penser à Ditom et son iPod, à la Fée. Tant de gens, tant de vies, toutes se recoupant en un endroit, en un moment. Dans cette rame de métro, je souris.

S. est radieuse, as usual. Elle et moi avons ce truc : on se voit 4/5 fois par an, et pourtant, rien ne laisse paraître qu'on ne se soit pas quitté la semaine dernière. C'est comme ça avec ceux que vous connaissez depuis 18 ans... On se baffre de sushis, en parlant de nos vies. Nos avenirs. Los Angeles, Paris, Lille ? Vie amoureuse ou vie professionnelle ? Famille ou indépendance ? Pourquoi ne peut-on pas avoir le beurre et l'argent du beurre ? Les pompes et le sac ? Des choix de plus en plus cornéliens au fur et à mesure que l'on grandit : son job ou son mari ? Ladurée ou Mariage Frères ?

Etant sans solution immédiate pour la première, on finira par choisir le Libre-Sens en réponse à la deuxième. Message de C. : "J'aimerai te voir seul". Je le retrouverai une heure plus tard.

1er étage des Marroniers. Me voilà seul avec lui. Sans pouvoir fumer. Et, au vu de la tournure de la conversation, j'ai rapidement la conviction qu'être en non-fumeur n'est pas franchement l'idée du siècle. Je lui parle de C&T, de mes désirs de Paris, de mes études et de ce boulot, que j'adore, finalement. Je lui parle de lui, aussi. Et de moi. Je lui avoue lui en avoir voulu d'avoir disparu de ma vie. Que je reste en colère contre lui pour n'avoir plus été là dès que C&T est arrivé. Que j'avais encore besoin de lui, malgré tout. Que j'avais vraiment eu le sentiment de n'être que cette jolie chose qui n'a plus d'intérêt ayant un mari, à présent.

Un jour, parfois, il arrive que vous réalisez qu'une des personnes que vous aimez le plus au monde et que vous connaissez depuis pas mal de temps maintenant, soit en fait totalement ailleurs de l'endroit où vous l'imaginiez...
C. a répondu à mes remarques, à mes questions, à mes colères. " Tu ne comprends pas qu'il ne m'est arrivé qu'une ou deux fois d'être vraiment croque de quelqu'un comme je peux l'être de toi !" Je n'ai pas compris ce qu'il a voulu me dire.
Il me faudra deux heures pour comprendre. Deux heures de conversations émotionnellement intenses. Epuisantes. Deux heures où tu refuses de comprendre. Parce que c'est impossible. Parce que c'est trop tard. Parce que tu ne veux pas le savoir. Ou ne veux plus. Merde. Pourquoi les gens ont cette fâcheuse habitude de vous dire ce que vous ne voulez pas du tout entendre ? Je me prends une gifle en pleine gueule et une patate en plein coeur. Mais cela ne changera rien. J'aime C. mais je suis amoureux de C&T. On peut toujours se dire que tout aurait pu être différent. Mais cela ne changera rien...

La conversation se terminera par un au revoir à la hauteur du reste. Aussi destabilisant que les deux heures précédentes. Juste un moyen de clore ce trop plein d'émotions, de fermer la parenthèse, de lui montrer à quel point il est important pour moi. Devant les portes de l'immeuble de O., je fermerai le livre. La vie en a décidé ainsi.

A. nous a rejoint, et est là, avec O. à m'attendre. Trois lillois à Paris, ça se fête. Et ça se fête en cosmos ! Mais d'abord, elle va rejoindre sa mère, et O. et moi allons se boire un verre de vin rue Marbeuf.

Depuis quelques temps, je constate que les conversations avec mes potes sont de moins en moins légères... De plus en plus douloureuses.
Devant mon verre, je commence à lui exprimer mes réels doutes, mes réelles peurs. Je prends conscience qu'un choix cornélien s'impose à moi. Choix que je ne veux pas faire. Que je ne peux pas faire. En parler, en prendre conscience me fait souffrir. Les larmes me montent aux yeux. Je regarde par la vitre. Je détourne le regard. Fuir cette conversation. Sourire, changer de sujet, allumer une clope, et appeler C&T. Il ne répondra pas. Et merde...

La réservation est faite pour 21.00. Il est 20.50, on est à l'autre bout de la ville. Et même pas habillés.
Deux filles qui cherchent à s'habiller. Un garçon assis sur le lit les regarde s'affairer. Des tops, des pompes et des vestes valsent. Le garçon s'en amuse, puis s'énerve. 22.20, la porte du resto est enfin franchie. " Bonsoir ! On a une table réservée. Au nom de T." Regard ahuri de l'hôtesse. " Mais vous avez plus d'une heure de retard !" Ouais, on est au courant... Un sourire, du charme, " deux filles et une salle de bains, vous savez ce que c'est !" Mmmouais... On attendra quand même trois bons quarts d'heure. Les filles s'énervent. Je leur fais remarquer que 1., si on est en retard, c'est un peu de leur faute, et 2., on sourit à celle qui délivre les tables, on sourit et c'est tout ! Les barmen et les hôtesses de restos sont de ces gens qui doivent être vos alliés. J'en profite pour jeter un oeil au barman.

Le choc. Le gars est sublime. Jeux de regard. J'oublie que j'ai mal aux chaussures. J'oublie que ça fait une demi-heure que je poireaute. Sourires. " Je vais vous installer, suivez-moi." Enfin !

La soirée ne sera qu'une suite d'éclats de rire, d'enchaînements de Cosmos, de shooters et de clopes, de regards sur les différents serveurs, qui contribue fortement au succès du lieu.

L'hôtesse arrvie vers nous, me regarde, me tend une carte, et m'annonce que " le barman me donne ceci". Il s'appelle L., il est beau à s'évanouir, et me donne son numéro de téléphone. D'un coup, je vais vraiment mieux !

Après plusieurs heures et un taux d'alcoolémie fortement augmenté, on quitte le resto/bar. Je passe devant le joli barman, lui souris -parce que je suis bien élevé, et sors. Je tourne la tête une dernière fois vers lui. Il me fait signe de l'appeler. Il recevra un message lui expliquant que je suis lillois, et reparti le lendemain.

Il est temps de passer aux choses sérieuses : allons danser. Je préconise les Bains, A. veut aller au Man Ray, O. préfèrerait le V.I.P. Room

Descendus du Taxi, on arrive devant le ManRay. Le groupe devant nous se fait jeter, nous entrons. La physio nous annonce un droit d'entrée de 30 €uros. A. refuse. Idem. C me gonfle de débourser juste pour avoir le droit de passer la porte. On va au VIP. On attend. Longtemps. Il commence à pleuvoir. On s'impatiente. A. et moi commençons à tout "commenter". Les gens qui entrent, les gens qui sortent, les videurs. O. nous supplie de nous taire. Il pleut. J'en ai marre. On est de moins en moins discret. Le grand black à l'entrée regarde A. " Non." Non ? Enfin, on est fixé. La pluie s'abat et se transforme en torrents.

Courir jusqu'au premier arrêt de bus, essayer de rester digne malgré la pluie, et les pompes... La moitié de Paris est sous ce même arrêt. Taxi. Bains Douches.

Le ciel est déchaîné. C'est la fin du monde. En tous cas, c'est la fin de ma tenue. Le physio annonce que c'est une soirée gay. Me regarde en souriant et déclare que c'est gratuit pour moi. Puis se tourne vers les filles et, froidement leur annonce un droit d'entrée de 20 €uros. Elle me fusille du regard. Le bâtiment à côté, en travaux, s'écroule dans un fracas terrible. Je hurle " Soit on entre soit on se casse, mais je refuse de crever ici !". La perspective de payer et de me voir entrer gracieusement ne les excite guère plus que celle de passer une soirée entourées de mecs sans un regard... On se casse, donc.

Il pleut. Nous sommes littéralement trempés. Je montre le chemin à O., qui doute et sort son plan. " Non, c'est par là." Au bout d'une demi-heure de marche, je m'interroge. Un plan. Nous sommes partis dans la direction opposée. On frôle la noyade, il fait froid, mes cheveux me dégoulinent sur la gueule. Mes nerfs lâchent, j'éclate de rire. Cette soirée, si sublimement commencée, semble avoir tourné en un fiasco légendaire, mais je suis mort de rire.

4.45. Enfin rentrés. Ruisselants. Frigorifiés. Hilares. Et aucune réponse au message...

Dimanche matin. Journée ensoleillée. Starbucks. White Mocha et mine matinale. Un texto du barman reçu dans la nuit. " C'est dommage que tu partes si vite. Tu es à croquer, T.. Ce soir et lundi, je ne travaille pas, et tu vas être ce qui me manque. J't'embrasse joli mec." Trop mignon.

Assis là, tellement détendu, loin du stress de ma vie lilloise, entouré des deux plus jolies lilloises, je réalise que repartir ce jour me semble impossible. J'appelle C&T, lui raconte ma soirée odysséenne, et lui dis que je vais rentrer un jour plus tard. Il comprend. Il s'en doutait. Il me manque. Mais je suis si bien.
Je sors pour fumer. Dehors, le soleil caresse mon visage. Je suis seul. Et regarde cette rue des Archives si souvent traversée. Si seulement tout était regroupable...

A. doit repartir. O. et moi en profiterons pour faire enfin un peu de shopping. Je découvre l'Eclaireur. Et j'en tombe amoureux. En profite pour faire découvir Dyptique à O. et lui faire sniffer mes favories, pour baver un sac Prada très grand et très beau, et me rendre compte que j'aime définitivement Barbato plus que tout au monde.

C. appelle, il est à égale distance de la rue de Archives que moi. On décide de se retrouver. O. rejoint sa soeur avant. Le joli barman de vendredi est là. Il nous reconnaît. C. lance " Elle est venue pour vous"... et elle repartira avec son numéro.

Le dimanche se finira par un dîner avec O. en tête à tête aux Marroniers, entrecoupé par un coup de fil à A., histoire d'avoir quelques nouvelles, et un (ok, deux) derniers cosmos au Spag.

Le lundi sera une journée pour moi. Je déambule dans les rues du Marais. Sans but, sans stress, sans envies autre que celle de me lover dans la chaleur du soleil et l'atmosphère de ce quartier. Je m'arrête chez American Apparel pour acheter de quoi me changer. Je ressors avec un polo à manches longues et un t-shirt à col -v- profond.
Plus que quelques heures avant de prendre mon train. Avant un retour à la réalité légèrement redouté. J'appelle C&T. Il me fait rire. Je me sens bien. Nostalgique. Emotionnellement un peu fatigué. Physiquement aussi, ceci dit. Je m'accoude pont d'Arcole. Un bateau passe...

Il est temps que je reparte faire ma valise...

En retard. Je cours. Pourquoi à chaque fois que je quitte Paris, c'est toujours en courant comme un taré ? J'attrape mon train à temps. Songe à mon retour. Et si ce week-end, si bon, si fort, si agréable et deconnecté du temps influençait trop mes questions, mes doutes, mes désirs ? Assis là, mon iPod sur les oreilles, je regarde par la vitre du TGV. Mon téléphone sonne. " Oui ?

- T., c'est Brigitte.

Ma boss. Mon coeur se met à battre plus fort, et mes mains à trembler.

- Bonjour B.

- Tu n'es pas venu travailler aujourd'hui ? - Non, je t'avais fait une demande de RTT avant ton départ en vacances. Certes, je n'ai pas reçu d'accord, mais n'ayant pas reçu de réponse négative non plus... J'avais considéré que c'était d'accord.

- T., on ne peut pas fonctionner comme ça..."

Mon portable coupe juste à ce moment là. Mon coeur bat si fort que je le vois à travers mon polo flambant neuf. Il est 17.55. Lille est à cinq minutes. La pression que me met ce boulot revient déjà, et rattrape même ces trois jours d'inscouciance. Une barre dans la poitrine, une boule dans gorge, et la peur au ventre, je file dans le sas pour la rappeler. " Nous avons été coupé, excuse-moi".

S'en suivent vingt bonnes minutes de passage à savon. Je lui explique que je trouvais ça très génant d'appeler pendant ses vacances, juste pour ça. J'avoue être sincèrement navré et embarassé. Elle me demande aussi pourquoi, alors qu'elle m'a lancé plusieurs perches quant à une entrevue à avoir, je n'avais toujours rien provoqué. Moi de lui expliquer que ne sachant pas toujours où je veux aller, et ce que je vais lui demander, je n'ai pas encore osé venir la voir. C'est là qu'elle comprend. " J'ai l'impression que tu me vois comme quelqu'un d'inaccessible, lointain. Que tu es mal à l'aise." C'est lâché. Je souris. J'ai envie de pleurer. Je lui avoue que si lointain n'est pas forcément le terme le plus adapté, intimidant est tout à fait ça. Oui, elle m'intimide. Et oui, je voulais la voir avec un truc archi carré, préparé, et totalement pas du tout informel. Contrairement à ce qu'elle proposait, elle. "Je sais ce que tu vaux, et que tu t'es défoncé depuis que tu es là. Que tu t'es impliqué dans les dossiers. Tous les dossiers." Je me mets une pression plus forte que celle qui est réelle. La barre de la poitrine et la peur du ventre commencent à s'atténuer. La boule de la gorge, elle, s'accentue. Au bout de plus de quarante minutes, et quatre cigarettes, je raccroche. J'appelle C&T. Et éclate en sanglots.

Je rentre enfin. C'est là que je réalise à quel point ce petit con m'a manqué... Et que, putain, je suis quand même tellement bien avec lui. Même après un week-end parenthèse aussi enchanté-e. Dans deux jours, ça fera quatre ans que je suis avec lui....


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