Magazine Journal intime

Elle-qui-doit-être-obéie

Publié le 28 octobre 2011 par Gborjay

Elle vous avait longtemps nargué. Elle, idéal inaccessible, rêve absolu, idole vivante. Elle avait jeté sur vous son emprise tyrannique. Sa simple contemplation vous avait subjugué, et vous ne pouviez vous détourner d’elle.

Pourtant, c’est presque par hasard que vos yeux s’étaient posés, il y a longtemps de cela, sur sa personne. Vous l’aviez saluée de loin, comme on salue tout ce qui nous est supérieur, tout ce qui nous dépasse. C’était tout, et vous croyiez presque l’avoir oubliée.

Mais, ce premier coup d’œil distrait évolua en quelque chose de plus profond. Vous voulûtes la revoir. Vous vous en approchâtes doucement, à votre rythme – pouviez-vous approcher plus prestement d’elle ? Peut-être, mais vous n’étiez de toute façon pas prêt. A mesure que vous formiez vos premiers pas de nains qui réduisaient la distance entre elle et vous, elle se précisait. Elle qui n’était que mystère au début, vous apprîtes à la comprendre, vous la découvrîtes un peu plus chaque jour, elle devint pour vous de plus en plus familière.

Bientôt, invinciblement, vous franchîtes le point de non-retour. Il était trop tard pour reculer. Vous devîntes persuadé que vous pouviez l’apprivoiser, la faire vôtre à tout jamais. A vrai dire, il ne fut plus de jour où vous ne l’évoquâtes dans vos plus secrètes pensées. Son attraction commença même à vous couper du monde, à évincer votre travail et certains de vos autres loisirs. Vous auriez voulu bondir jusqu’à elle, mais vous étiez trop engoncé. Vous continuâtes d’avancer patiemment.

Vient maintenant le jour de la certitude. Elle est à portée de main, vous n’avez plus qu’à courir. Vous qui venez de définir les dernières péripéties de votre trame, vous pouvez enfin l’atteindre, elle, la Fin de votre roman.

Voilà quelle est votre situation si vous avez cru bon, jusqu’au bout, de coucher par écrit le produit de votre délirante imagination. Une fois la fin atteinte, il vous restera la relecture : corriger vos nombreuses fautes, poser des rustines de fortune à votre style bancal, ajouter un passage ici pour atténuer une incohérence, en retirer un là pour alléger le carnage, et cætera. Vous penserez alors, ému, à l’Ecrivain sur les traces de qui vous avez un jour cru être capable de marcher.

Gustave Borjay vous salue.

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Après avoir relu votre chef-d'oeuvre, vous comprendrez peut-
être qu'il vous faut tout reprendre à zéro dans le meilleur des cas.


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