Magazine Journal intime

Repos forcé

Publié le 31 octobre 2011 par Bizz
Vendredi.
Profitant du regain d'énergie de la phase «préparation du nid» de la fin du troisième trimestre, j'enfourche mon bolide de course, Bébé fille bien installée dans son siège, et je me lance tête première dans les achats de dernière minute avant l'accouchement. Et tiens que je cours les magasins. Et tiens que je te transporte des sacs d'épicerie dangereusement lourds. Et hop que je te vide cette épicerie à la maison. L'heure du dîner approche, il me reste encore à trouver un costume d'Halloween pour Bébé fille. Brillante idée: nous irons manger au McDo (je suis indigne comme ça) et terminerons ensuite nos emplettes au centre commercial où attendent des jeux gonflables pour le week-end de l'Halloween. McDo et jeux gonflables au lieu d'une sieste, me semble que c'est un bon plan de match pour célébrer Halloween.
Au restaurant, la vie me punit. Pourquoi? Parce que j'offre du fast-food à ma fille de 2 ans? Parce que je suis en train de faire tout le contraire de ce qu'une femme normale fait à la veille d'accoucher, c'est-à-dire me reposer? Parce que je suis vilaine et que je mérite une correction? Sans doute toutes ses réponses. Bref, l'heure de la sieste approchant à grands pas, Bébé fille se fait de moins en moins patiente jusqu'à en lancer sa sauce à croquettes sur le plancher. Je me penche pour ramasser ladite sauce, oubliant les techniques de sécurité pour les baleines sur le point d'exploser dans mon genre et en me relevant, ça fait crounch dans mon dos. À peine audible. Je suis même sans doute la seule à l'avoir entendu. Et surtout senti. Parce que ça fait mal en s'il vous plaît. Oh mais Bébé fille ne laisse pas sa mère souffrir. Oh que non! Pas le temps de vivre ta douleur, la mère, je veux DÉBARQUER de ma chaise.
Je ravale donc ladite douleur et nous nous rendons au centre commercial. Évidemment, malchanceuse comme je suis, les jeux gonflables ne sont pas installés, il y a du retard sur l'horaire de célébration. Chouette. On déniche donc un costume de citrouille pour Bébé fille et on saute dans la voiture pour retourner à la maison. J'ai mal au dos. Vraiment très très très mal. J'en ai de la difficulté à rester concentrée sur la route. Une fois à la maison, Bébé fille dort comme une bûche. Tout en murmurant des prières dans toutes les religions possibles afin qu'elle ne s'éveille pas et que je subisse les conséquences d'une power nap, je la couche dans son lit en retenant mes larmes parce que, voyez-vous, 35 lbs d'amour inconditionnel à monter au 2e étage, ça n'aide en rien un mal de dos. Miracle sublime, elle dort encore. Je me garoche dans mon lit, sans attendre. Une sieste m'aidera sûrement à faire passer le mal.
Que non. Pas moyen de dormir, aucune position n'est confortable. J'essaie la technique du bain chaud (dans lequel j'arrive à me glisser tant bien que mal), la technique de la visualisation (je visualise que je m'arrache le dos et le lance au bout de mes bras), la technique de l'antiphlogistine (et me badigeonne comme un gros poulet à rôtir) et finalement, j'essaie la technique du «d'la marde, ça fait mal et j'y peux rien».
La journée se poursuit. Le mal de dos s'aggrave.
Samedi.
Panique générale au lever du lit. J'ai mal au dos à CHAQUE fois que j'inspire. Je n'ai pratiquement pas dormi de la nuit, aucune position ne me permettait de sombrer au pays des rêves. À une semaine et demie d'accoucher, je ne peux pas me permettre de ne pas dormir. Ça sent la dépression post-partum si je n'arrive pas à me reposer. Parce que, soyons franches, pour Bébé fille, je l'ai frôlé de beaucoup trop près à mon goût. Un baby blues qui s'étire sur deux mois, ça commence à être inquiétant. Pas question de le revivre pour Bébé fiston, que non. L'amoureux part travailler, après s'être inquiété de mon teint pâle. Évidemment, pauvre imbécile que je suis, je lui dis que c'est ok, que je vais bien. Mauvaise réponse.
Deux heures plus tard, j'appelle ma mère en renfort. J'appelle aussi dix cliniques de chiropratique pour être reçue en urgence. Trouve un chiro. Prend deux acétaminophènes pour me rendre à ladite clinique. Me fait jouer dans le dos à l'ancienne parce que les méthodes d'aujourd'hui risque de déclencher l'accouchement. Diagnostic: deux muscles reliés aux côtes flottantes sont inflammés, c'est ce qui explique la douleur à chaque inspiration. Me fait dire d'être patiente, que ça ira de mieux en mieux si je me repose. Retourne à la maison.
Je passe l'après-midi couchée, à dormir ou tenter de le faire. Je réfléchis.
Dans la vie, je suis la première à gronder ceux que j'aime quand ils ne prennent pas soin d'eux. Je suis toujours là à clamer haut et fort aux futures mamans ou aux femmes enceintes de se reposer, de ne pas avoir peur de demander de l'aide et tout le toutim. Pourtant, je suis étendue dans mon lit, à pleurer parce que je suis incapable de m'occuper de ma fille, à me faire violence pour rester étendue au lieu de partir une brassée de lavage, à me sentir coupable parce que c'est ma mère qui a préparé le dîner. Il y a une grosse part d'orgueuil dans tout ça, je le sais. Le besoin d'être parfaitement parfaite. Le sentiment de nullité d'avouer qu'on a une faille et qu'on ne peut pas tout faire. L'impression d'échouer quelque part alors qu'on n'a juste pas le droit à l'erreur.
Au souper, ma mère n'est plus là. C'est l'amoureux qui prend le relais. Assise à la table, j'éclate en sanglots. Parce que j'avais prévu peindre la fenêtre de la chambre de Bébé fille, laver les planchers et les armoires de la cuisine pour que tout soit fin prêt pour l'arrivée de Bébé fiston. Parce que je voulais emmener Bébé fille à une grande fête d'Halloween après le souper, voir briller ses yeux devant les sorcières et citrouilles illuminées. Parce que ma mère a passé la journée ici, alors que son amoureux a une grosse pneumonie.
«Parce que tu es fatiguée, Bizz. Repose-toi, c'est important pour ce qui s'en vient.»
Ça, c'est l'amoureux qui l'a dit. Avec des yeux inquiets. Et sévères. Du genre pas-de-place-à-la-discussion-s'il-faut-que-je-t'assomme-pour-que-tu-dormes-je-vais-le-faire.
Je sais qu'il a raison. Je dois me reposer.
Dimanche.
Repos.

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