Maudit Victor de Benoit Preteseille, éditions Cornelius.
Voici une fable énigmatique sur l'art et sur la monomanie. Après sa charge iconoclaste et Dadaïste contre l'idée de musée et d'oeuvre d'art (L'art et le sang), Benoit Preteseille questionne ici la question de l'obsession et d'une vision monoptique de l'art (le héros se crevant un oeil) où tout tourne autour des chevaux. Ce maudit Victor, peintre hanté par la figure du cheval semble être une sorte d'écho masculin à l'excentrique peintre animalière Rosa Bonheur (une artiste de la fin du 19ème, elle-même hantée par les animaux de nos campagnes, sujet central de sa peinture). Comment peut-on passer sa vie à peindre la même chose?
Cette bande dessinée nous plonge dans une ambiance 1800, avec un questionnement relevant plutôt de l'art contemporain : comment faire de son art une pratique orientée par une seule contrainte (on peut penser à Opalka, Viallat, Buren...).
La malédiction de Victor, ne peindre que des chevaux, nous offre au passage une relecture cocasse de l'histoire de l'art (La mort de Sardanapale, l'enlèvement des Sabines version équine).
Sans vouloir trop révéler du contenu de l'histoire ou me lancer dans une interprétation capillo-tractée, il y a ici des questionnements récurrents à l'oeuvre de Benoit Preteseille : l'art est un animal sauvage difficile à dompter, l'artiste est un monstre, un marginal qui a un oeil lumineux et l'autre obscur. La création est une destruction, une mutilation, l'oeuvre est une blessure. Détruire c'est créer. On casse pour mieux reconstruire. Du laid au beau, du magistral au ridicule, tout se métamorphose.
Bref ça parle de l'étrangeté d'être de façon générale et d'être artiste en particulier. Et c'est joliment fait à travers une alternance entre des dessins sobres et des lavis délicats.
A lire, à offrir, c'est bientôt noêl, nom d'un petit cheval de bois!