Les Fusillés 1

   Je longe la Seine, Saint-Michel, et l’Île de la Cité, c’est lecrépuscule, tandis que des prières lubriques résonnent dans la cathédraleNotre-Dame, j’ai observé le fleuve tout l’après-midi, m’arrêtant souvent, assisau bord de l’eau souillée par le suicide, laissant traîner mes yeux rougis à lasurface, espérant apercevoir des sirènes violées et délaissées par des hommesstupides et alcoolisés jusqu’à la moelle, merde, Ihnès, où es-tu ? tout lemonde te cherche, si tu es morte fais-moi signe… et j’irai brûler un cierge oudeux... tu vois que je peux me plier des fois ! je tuerai ceux qui t’ontpoussée à l’eau ! j’irai venger ton corps en hurlant comme un pauvre hommecoincé entre deux grandes guerres ! C’est la nausée qui monte, les genscomme moi, les excessifs, les grattants, les bousculants, ceux qui fouillentles âmes déçues, emprisonnées dans vos décors virtuels, ceux qui réveillent les corps pourrissant derrière vos murs de cartons pâte, ceux qui détruisentl’univers, ceux qui proposent la poésie-vérité, les mecs comme moi, sale race !rêveurs ! branleurs ! poètes à la ramasse ! hors de système, ils finissenttoujours seuls et ensuite morts, je devrais être sous l’eau à l’heure qu’ilest, à ta place, Ihnès !... J'arpente les quais sombres que je ne veuxplus quitter... traversant les arrondissements, survolant les chairs(brûlées)... observe, raclure ! longe le Fleuve noir et surtout ne manque rien ! Trouve-la !...