Les Fusillés 2

   J'arpente lesquais sombres que je ne veux plus quitter... traversant les arrondissements,survolant les chairs (brûlées)... observe, raclure ! longe le fleuve et surtoutne manque rien ! Trouve-la !...
   Des clodos accoudés à la fonte d'un moteur géant de camion picolent duCôtes du Rhône en  hurlant des insultesantisémites en direction de la lune (qu'ils surnomment « Lunavitch »),lune innocente et pleine qui m'éclaire douloureusement ; ma recherche estfantôme, combien d'hommes trop insouciants (ou trop lucides) s'engouffrent dans la Colère et fustigent - comme je l'ai fait ! - les mondes parallèles, la vraievie et les grosses ficelles ! Combien d'hommes déchaînés comme l'Océan perdent leurs femmes -soi-disant douces et attentives – qui, un beau soir, saturent et s'enfuientcomme des chiennes pour s'enfoncer dans les eaux noires de cette terre stupide!    Des jeunes en treillis pêchent en dansant sur de la minimale, le sonsaturé provient d'un Ghetto-Blaster tout droit sorti des années 80 ; plus lointrois chiens bâtards déplumés se battent sous un pont dont les murs de pierresruissellent de pisse tout près d'une tente igloo qui se fait lacérer par de jeunesRoumains défoncés au crack ; et à quelques dizaines de mètres on aorganisé un pique-nique géant : une trentaine d'étudiants boivent etfument en chantant en riant en sniffant du poppers et en mangeant descasse-dalles et des olives vertes, je passe, traverse les corps enfiévrés, jeles bouscule légèrement, et je me mets à courir sous les huées... Cours monsalaud, tu devrais avoir honte, retrouve ton Ihnès au plus vite ! allez !cours ! parce que ce Fleuve noir et tourmenté pourrait bien te dévorer àton tour !... Les cris du Fleuve dans la nuit ! Cours ! Cours ! Égare-toilà-bas... dans les quartiers perdus, dans le brouillard !... Cours encore !Dépasse la ville ! Charogne ! Ivrogne ! La route est longue pour lesinconscients !...