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Les Fusillés 3

Publié le 30 décembre 2011 par Yannbourven

   Ha !... j'ai quitté Paris... qui n'est plus qu'un tombeau érotisé...un mauvais souvenir... où suis-je... du sable sous mes pieds... combien detemps ai-je couru ? On aurait dit que je volais. Et là, ces arbres calcinés,ces plantes qui ne pousseront plus, et ces champs de cendre sous la lumièrefanée de la lune. Une autre planète, quelqu'un m'a transporté sur une autreplanète... Et quelle chaleur, lune seule, ruines, je transpire comme un porc,alors je me penche pour me rafraîchir dans l'eau du Fleuve, du moins j'essaie !mais impossible ! elle a un goût de pétrole !... Je m’assois sur un ponton etje tente de distinguer quelque chose, dans cette obscurité qui gagne duterrain, la lumière semble s'étioler comme une brume artificielle, je crieau-secours ! Pas un bruit, rien, flippant, lourd, atmosphère d'au-delà, commeje l'imagine dans mes cauchemars, chaleur qui me gèle les songes, la lunen'éclaire plus que mes mains tremblantes et poussiéreuses, à tâtons je me bougeen devinant les eaux du Fleuve qui me suivent en me frôlant le flanc gauche...Le désert, partout, rien, pas de son, juste ma respiration et  mes tempes qui me martèlent une comptine duDiable consolateur :
Pauvrepetit inconscient !Tu aimeraisque tes prières assassinentNotre cieldevenu  trop grand pour ton cerveauTandis queta douce amie trépigne au fond de l'eauTandis queton amie s'étire en t'attendantCe n'estque la mort en forme de tiroir !Pauvrepetit inconscient !
   Je suis tellement fatigué. Il me faudrait faire demi-tour, toutsimplement, et rentrer chez moi. Mais je n'ai plus la force. Je ne sens plusmes jambes... et puis les lumières de la ville ont depuis longtemps disparu...Je me couche sur le dos, dans le sable, et je fume une cigarette en me massantles jambes ; la lune se voile et mes yeux s'emplissent de larmes... J'essaie deramper un peu... mais je ne fonctionne plus !    Soudain je tourne la tête et j'aperçois les lumières d'une péniche quiremonte le Fleuve noir. Je rampe vers le ponton en braillant... Pleins phares !Un homme et une femme se trouvent sur le pont, ils se penchent, l'homme descenddans la cabine pour manœuvrer, et le bateau s'arrête à mon niveau. La jeunefemme saute et attache solidement les cordes. Elle s'approche de moi ens'éclairant avec une grosse lampe torche. Elle me sourit. C'est une beautécette femme ! pourvue de grands yeux verts, le visage d'un ovale parfait, elle ales plus beaux cheveux blonds du monde, elle est mince et porte un shortmoulant, sexy à mort, ses cuisses en sueur froide sont fermes, ses jambeslongues et magnifiques, elle me dit bonsoir, cette bouche de rêve qui s'avancedoucement, sa voix est tellement douce.-  Comment te sens-tu ?-  Je ne peux plus marcher.-  Nous allons t'aider, ne t'en fais pas.-  Merci.-  Toni, tu peux venir s'il te plait ?
   Un homme brun s'amène en courant... Lui aussi est très beau... Il meporte jusque dans la cabine et m'allonge sur un canapé. Il me donne à boire.Les amoureux me regardent. Puis me reniflent et me palpent !... -  Voici un gaillard égaré, mon amour, dit la femme.-  Un loustic aveuglé par ses regrets, provenanttout droit de la Vraie Vie, ma beauté.-   Une canaille toute blanche que l'on auraitlarguée tout au bout du fleuve. Comme une ordure.-  Merveilleux... Mais je m'aperçois une fois deplus que nos gens n'ont pas fait leur boulot... Il est un peu trop vivant cejeune loup... -   Ça arrive parfois... Ne leur en veux pas, monamour... ils ne peuvent pas tout voir... Il arrive qu'un égaré ou deux leuréchappent... c'est la vie... mais c'est un signe... celui-ci... commentt'appelles-tu mon grand ?-  Jan.-  Jan pourra repartir... et témoigner ! -  Bof... j'ai chaque fois du mal à me faire à cetteidée, mais bon... nous ne pouvons tout de même pas les fusiller nous-mêmes...ce serait un comble. On pourrait par-contre en faire un Fusilleur... -   Non, je ne crois pas, mon chéri... Nous en avonstellement... Je préfèrerais en faire un Témoin... c'est si rare de nos jours,un Témoin.-  Tu as raison, ma belle...-  Qui êtes-vous ? Je suis où ?-   Il m'excite. Regarde-le, ses petits yeux apeurés,ses mains tremblantes, et cette gueule d'ange fauché en plein ciel... Leségarés m'ont toujours excitée... Prends-moi, mon amour.

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