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Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, de Mathias Enard

Publié le 17 mars 2012 par Aniouchka
Couverture Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants 
Avant de lire Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, j'avais déjà entendu parler de Mathias Enard et de son oeuvre. On m'en avait dit beaucoup de bien, en particulier de ce court roman. La couverture du livre, montrant l'église (devenue mosquée) Sainte-Sophie d'Istanbul à l'horizon du Bosphore, me donnait encore plus envie de le lire. Enfin, le fait historique méconnu abordé dans ce roman m'intéressait, mettant en scène un des plus grands artistes de la Renaissance italienne.
Le roman met en scène le célèbre Michel-Ange, invité en 1506 à Constantinople par le sultan Bajazet qui lui demande, après avoir refusé les plans de Léonard de Vinci, de lui construire un pont sur la Corne d'Or. Fuyant Rome où il laisse en chantier l'édification du tombeau du pape Jules II à Rome, Michel-Ange découvre cette cité cosmopolite et la culture des "mahométans". 
Je dirais que ce livre se situe à mi-chemin entre la fiction et la biographie. En effet, Mathias Enard, qui connaît bien le Moyen-Orient, est très bien documenté, et le récit se base sur des documents authentiques qui nous sont parvenus : lettres et carnet de Michel-Ange, esquisse du pont construit pour Bajazet, biographies et chroniques. L'auteur s'attache également à restituer le contexte politique et religieux de l'époque, ainsi que les relations conflictuelles que Michel-Ange entretient avec le pape Jules II. Enfin, il livre une magnifique fresque de l'émulation culturelle qui existe à Constantinople au XVIe siècle. 
Le personnage de Michel-Ange est exalté par la beauté de la ville (la description de Sainte-Sophie est magnifique) et est représenté dans son travail, souvent en proie au doute que lui vaut le manque d'inspiration. En même temps, l'artiste est représenté, au début du récit, comme un personnage hautain, prétentieux, et plein de préjugés sur tous ces "mahométans". Accompagné par Mesihi, un poète porté sur la boisson, Michel-Ange va découvrir l'ivresse et la beauté de la ville, pour enfin être fasciné par une danseuse qui lui susurre des mots mystérieux à l'oreille. 
Il s'agit avant tout, je dirais, d'un roman contemplatif : Michel-Ange y passe le plus clair de son temps à s'extasier sur les beautés du monde ottoman. Il s'agit également d'un roman sur l'amitié et sur l'amour, très humain. L'artiste s'ouvre d'ailleurs au fil des pages, oublie ses préjugés, devient plus humain. Les beautés qu'il découvre à Constantinople agissent comme une formidable source d'inspiration. Le roman alterne entre des passages descriptifs de toute beauté, des passages d'une grande poésie, des inventaires tirés du carnet de Michel-Ange et des lettres de l'artiste à ses amis florentins, dans lesquelles il témoigne de ses relations tendues avec le pape. 
Le style est lyrique, très poétique. En revanche, le rythme est lent (même si le livre se lit relativement vite), et je n'ai pas réussi, à presque aucun moment, à rentrer vraiment dans ce livre. L'intrigue est lente à se mettre en place, et je me suis un peu impatientée au cours de la lecture. J'ai bien vu la qualité de l'écriture, mais ce roman ne m'a pas touchée, et c'est dommage. Certains aspects, du point de vue du style, m'ont d'ailleurs agacée : pourquoi l'auteur, par exemple, alterne-t-il entre Michel-Ange et Michelangelo pour désigner l'artiste, parfois à quelques lignes d'intervalle ? J'ai d'abord cherché une signification du côté du statut artiste reconnu / homme simple, mais cela ne m'a pas semblé extrêmement pertinent. S'agit-il simplement d'un effet de style ? Je n'ai pas trouvé de réponse à cette question...
S'il s'agit donc d'un magnifique roman, dans l'ensemble bien écrit, très bien documenté et faisant référence à de grandes oeuvres littéraires (Kipling, Vitruve...), j'ai tout de même été un peu déçue, parce qu'il ne m'a pas émue, je ne me suis pas sentie transportée par les passages lyriques et poétiques. Cela n'en reste pas moins un roman de grande qualité, qui délivre un message de tolérance et d'humanité, et qui plaira certainement à tous les amateurs d'histoire orientale et de poésie.
Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, de Mathias Enard, Actes Sud, 2010, 154 pages.
J'ai lu Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants dans le cadre d'une lecture commune organisée par Elora sur Livraddict.
Lire les avis de : A-Little-Bit-Dramatic

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