Magazine Journal intime

J'ai mal à ma bibliothèque

Publié le 23 mars 2012 par Papote

J'ai découvert au hasard de mes pérégrinations sur la toile et des rebonds de blogs en blogs cet article-là relatif à la révision des traductions des classiques de la bibliothèque rose et verte.
Je vous avoue que j'ai d'abord réagi à chaud et sans sommation par un virulent juron de mon jargon personnel et l'envie de pondre un billet " coup de gueule"...
Et puis, j'ai posé le tout...
Loin de moi, l'idée de dire que le billet de Céléborn, ne serait-ce que parce qu'il a la bonne idée de se nommer ainsi, n'est pas documenté comme il faut.
Non, j'avais plutôt besoin d'appréhender l'ampleur des dégâts de mes propres yeux et d'y réfléchir...
Une langue qui n'évolue pas est une langue qui meurt
Je suis régulièrement choquée des traitements réservés à la langue française, des orthographes approximatives, sans parler même de la syntaxe et de la grammaire...
D'un autre côté, il est peut-être sain (j'ai bien dit " peut-être" !) de faire passer à la trappe certaines formulations quelque peu surannées ou ampoulées.
Si l'on observe l'échelle du temps, nous ne parlons plus comme au Moyen-Âge et, sans doute, les grands personnages du siècle des Lumières seraient mortifiés de la pauvreté de notre vocabulaire.

L'accès au plus grand nombre
C'est un fait : le niveau d'enseignement et de culture baisse inexorablement et, ce, malgré les réformes et contre-réformes de l'enseignement.
Je m'en aperçois dans mon quotidien par la comparaison sur deux générations entre mes parents, moi et P'tite Louloute.
Et, encore, nous faisons partie d'un milieu relativement favorisé qui permet à P'tite Louloute d'avoir des réponses à ses questions et un accès certain à tout ce qu'on pourrait qualifier de " culturel" ou de " littéraire".
La question étant de savoir si l'accès à la culture doit se faire par un appauvrissement du contenu ou par une aide adaptée pour hisser le niveau.
Il m'a toujours été dit qu'au final le cerveau ne retenait que 50 à 60 % de ce qu'il emmagasinait. Si, par conséquent, on n'apprend à nos enfants que le strict minimum que leur restera-t'il ?
Pour grossir le trait, que deviendront les " pénates", " résidence", " chaumière", " demeure", " logis", " foyer", " bercail", " bicoque", " bungalow", " chalet", " chez-soi", " domicile", " logement" et autre " pavillon". S'ils n'apprennent que le terme " maison" et " cabane" pour désigner des habitations et s'ils n'en retiennent que 50 %, il ne restera donc que maison (ou cabane, ne soyons pas sectaire) ?
Certes dans mon exemple, toutes les dénominations ne sont pas indispensables mais quand même !

L'inaliénabilité du droit au respect des oeuvres
Outre le concept d'évolution du vocabulaire et de l'accès au plus grand nombre.
Je me pose la question du respect de l'oeuvre et du droit d'auteur.
Certes, ce sont des traductions et je ne suis pas assez experte dans la langue de Shakespeare pour me prononcer sur la qualité de telle ou telle traduction mais une chose est sûre, c'est que les coupes franches dans les descriptions, ce n'est plus de la traduction mais de la ré-écriture pure et simple et, pourtant, il n'est pas inscrit que c'est " d'après le roman de...".
Par ailleurs, concernant les Fantomettes, l'auteur étant français, la question de la qualité de la traduction ne se pose même pas !
Nous ne parlons pas non plus d'oeuvres pour adolescents ou adultes qui sont expurgées pour en permettre la découverte aux plus jeunes. J'ai commencé par lire " Les trois mousquetaires" en bibliothèque verte et abrégée avant de pouvoir me délecter de la version intégrale...
En même temps, il faut savoir que la législation sur la protection des oeuvres littéraires ne s'applique pas de la même façon qu'il s'agisse d'oeuvres pour adultes ou d'oeuvres pour enfants. Ne me demandez pas où est la logique de la loi, je ne l'ai pas trouvée !

Mais, outre mes réflexions théoriques, je vous propose de juger sur pièce.
Non, parce qu'on fait du billet d'investigation ou on n'en fait pas donc je suis partie dans une grande surface " culturelle" pour me rendre compte par moi même de ce qu'il en était !
J'étais partie pour trouver un " Alice", non pas que je sois contre les bibliothèques roses mais mes vieilles bibliothèques roses sont à la campagne alors que mes vieilles bibliothèques vertes sont chez Madame Mère et Monsieur Père.

Déjà, premier constat, les bibliothèques vertes ne font plus autant recette qu'autrefois. Les linéaires du rayon jeunesse comportent un nombre impressionnant de romans juniors mais proportionnellement peu de bibliothèques vertes.
Renseignements pris auprès d'une vendeuse, elle me trouve UN " Alice"... Moi qui pensais choisir (surtout qu'en plus celui que je trouve est très loin d'avoir compté parmi mes préférés...) !
Quand je m'en suis étonnée auprès de la vendeuse, elle m'a expliqué qu'effectivement les " Alice" ne sont plus demandés...
Comme je lui demandais si elle en connaissait la cause, elle a évoqué un vieillissement de la série et une écriture remaniée qui ne convainc, malgré tout, pas les nouveaux lecteurs (ce n'est pas moi qui l'ai dit !).

De retour à la maison, après un crochet pour récupérer mon exemplaire, je commence mon étude...

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A titre tout à fait personnel de vieille conne réac : je n'aime pas les nouvelles illustrations dignes de Barbie.
Bon, ceci dit, je n'aimais pas beaucoup les illustrations du mien. Je préférais celles des éditions encore plus anciennes. Mais, ceci étant, c'est une remarque tout à fait gratuite qui n'a rien à voir avec la qualité du texte.
185 pages pour la nouvelle édition - 188 pour l'ancienne édition.
Il n'y a pas d'illustrations dans la nouvelle édition mais la police de caractère est plus grosse que dans l'ancienne édition.
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Grosso modo, la taille de la police et les espacements de caractère et d'interlignes des nouvelles bibliothèques vertes font largement penser aux anciennes bibliothèques roses. Ceci dit comme il n'y a plus d'illustrations, je dirais que le match est nul.

Attaquons-nous au coeur du sujet : le contenu...

Effectivement, premier constat, l'essentiel du livre est au présent de l'indicatif... Dire qu'à l'école on nous apprenait que les temps du récit étaient les temps du passé : passé simple pour les actions, imparfait et passé composé pour les descriptions !
Quant au vocabulaire, voici quelques exemples glanés de ci de là :
- " la longue jupe de taffetas vert" d'Alice, devient " une longue robe vert émeraude".

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- " Bess et Marion s'aidaient mutuellement à fermer les minuscules agrafes de leurs robes de soirée" a été remplacé par " Bess puis Marion s'aident à fermer les minuscules attaches de leurs robes de soirées".
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- On retrouve également la volonté d'être politiquement correct en supprimant tout allusion au physique rond d'une des héroïnes, ainsi " A la différence de sa cousine Bess, une jolie blonde potelée..." est devenu " Contrairement à sa cousine Bess, une petite blonde coquette..." (la différence, c'est maaaaaal, même dans le terme... Les rondeurs, c'est faire acte de discriminations... Bouh !)
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- Quant au descriptif des objets de la vente aux enchères, il est évident qu'il n'est plus au goût du jour de parler de " porcelaine de Meissen", ni de " candélabres d'époque géorgienne", il vaut mieux parler " d'assiettes en porcelaine" et de "chandeliers en argent massif".
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- Quant aux descriptions, finalement, ça ne sert pas à grand chose... Une bonne phrase réduite à l'essentiel se suffit amplement...
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Au final, je ne connaitrais pas les anciennes éditions, cela me semblerait juste un livre un peu plat et pas très recherché mais sachant ce que cette série contenait, j'avoue que cela me fait mal du côté de ma bibliothèque !
Surtout quand on connaît le succès de certaines saga comme les " Harry Potter" par exemple qui multiplient les termes ardus et les temps du passé dans leur rédaction.
J'avoue ne pas comprendre du tout le but recherché par les éditions Hachette puisque, même, d'après la libraire, cela ne fait pas revenir les lecteurs !
Il m'aurait semblé, par exemple, que l'ajout d'un lexique en fin de livre, pour permettre aux enfants d'apprendre des mots nouveaux, aurait été tout aussi intelligent car au lieu d'un appauvrissement intellectuel, on aurait pu espérer qu'ils en retirent des mots nouveaux.
Mais non, plutôt que la progression, on privilégie le nivellement pas le bas, ainsi, peut-être que dans ce monde aseptisé, il n'y aura plus de gros, de noirs, de tziganes et qu'assis en rond dans des cabanes, nous mangerons dans des assiettes en carton...

A bientôt !

La Papote

PS : J'ai bien conservé le ticket de caisse et, dès, aujourd'hui, je vais aller le faire reprendre... Qui dit billet d'investigation ne dit pas que je garde ça sur mes étagères...


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