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Récit d’accouchement ou comment gérer ses émotions pour accompagner le bébé

Publié le 30 mars 2012 par Madameparle

Récit d’accouchement ou comment gérer ses émotions pour accompagner le bébé

J’ai reçu un mail de Pêche qui disait ceci:

« Je vous lis depuis longtemps, et les récits d’accouchement ont contribué à me permettre de définir mes préférences pour le mien…arrivé le 5 novembre dernier.

Alors pour boucler la boucle et passer le témoin, je participe !  »

Alors c’est avec beaucoup de fierté de celle qui se sent un peu utile que je vous laisse lire ce récit magnifique!

(si ça vous tente aussi [email protected])

5 novembre – Et tu vins au monde…

Le vendredi 4 au matin, je suis réveillée à 5h au milieu d’un rêve par une grosse contraction, puis une série de petites. Je réveille mon homme un quart d’heure avant la sonnerie, pour que nous fassions quelques gestes d’haptonomie avant qu’il ne parte travailler. A partir de là, les contractions s’arrêtent.  Dans la matinée je constate que je suis en train de perdre le bouchon muqueux. C’est donc à cela qu’ont servi les contractions. C’est donc pour les jours prochains…Je m’active pour avoir l’esprit libre si l’accouchement arrive : rangements, cuisine, couture pour les cadeaux de Noël, peinture. Mon homme fait les tous derniers bricolages que nous avions convenu de faire avant la naissance. L’après midi, je fais une marche rapide de 40 minutes, et monte les 8 étages de l’immeuble à pied : les contractions reprennent, douloureuses mais pour le moins espacées et irrégulières. Nous prenons un dernier goûter de roi, faisons un dernier yam’s, nous sommes cools, impatients.

Le samedi 5, réveil brutal à 5h30 après 4h de sommeil, encore une fois. Je comprends vite que je perds les eaux. Alors je me fais belle dans la salle de bains, une contraction toutes les 10 minutes. Je peins un cadeau de Noël, puis je gère les contractions, une par une, surtout dans la chambre du bébé. Elles sont passées à 5 minutes, le liquide s’écoule, mais je n’ai pas l’intention d’aller tout de suite à la maternité. A 8h30 je vais voir mon homme pour lui dire de se préparer. A 9h, j’appelle la maternité, oui je devrais venir. La bouillote me permet un voyage en voiture relativement confortable. J’envoie des SMS à quelques proches pour leur dire de penser à nous. Les tendres réponses fusent, m’entourent.

A l’arrivée, la sage femme, charmante, me félicite : mon col est ouvert entre 3 et 4 cm. Elle me demande comment j’envisage les choses et semble comprendre immédiatement mon souhait de faire avancer le travail en restant en mouvement avant de me déterminer pour la péridurale.

Rapidement je suis dans ma bulle à chaque contraction. Je les gère bien, avec sérénité, presque avec joie, en tout cas avec patience. Je les prends une par une, en marchant énormément, en me répétant « lâche lâche lâche ». Je répète aussi « Vas y bébé, descends… ». Le bateau miniature que j’ai apporté me rappelle cette métaphore de mon corps comme un bateau au milieu de l’océan pour apporter son précieux trésor de l’autre côté… passer les vagues, une par une…Sandrine, la sage femme, est très douce, respectueuse , joviale, dynamique. Elle explique ce qu’elle fait et ses contraintes, me complimente car ça avance bien et sereinement.  Entre deux contractions, je ris, je parle posément, je danse un peu pour rire. Je suis très détendue, mon homme est fier. Lui est très calme et confiant.

Sandrine contrôle une fois de plus mon col, il est à 6,5 cm…soit seulement un demi centimètre depuis cette dernière heure qui a vu des contractions plus intenses, à un point qu’une m’a fait vomir. Brusquement je doute, je cesse d’aborder les contractions les unes après les autres mais visualise leur succession…Elles se rapprochent, je n’ai que peu de répit entre deux, et pendant ces moments je panique, je ne pense plus qu’à l’alternative péridurale/pas péridurale. Adieu bateau, hapto, philo…Je suis toujours dans ma bulle, mais ce n’est plus une bulle de confiance : je suis coupée de moi, du bébé, de mon homme, de Sandrine, je ne crois plus en rien. Sandrine insiste pour que je prenne une douche chaude pour me changer les idées, mais cela ne change pas vraiment la donne. Je veux qu’on m’examine et que si rien n’a bougé significativement, qu’on me pose la péridurale : n’importe quoi pour un répit. Cela a peu bougé en effet, je confirme ma demande, mi déçue mi absente. Je suis incapable de vraiment saisir que la péridurale va m’apaiser, m’apporter ce répit, cette respiration dont j’ai besoin pour reprendre pied. Je ne sais que répéter que je suis fatiguée, fatiguée, sans forces, avec trop peu de sommeil…L’anesthésiste est à peine aimable mais je le vois à peine tant, assise, je gère plus difficilement les contractions. Je me concentre en me disant que ce sont les dernières et en essayant d’être le plus immobile possible.

Enfin allongée et soulagée, je reste immobile comme on me l’a dit, consciencieuse, pour éviter une latéralisation de l’anesthésie. Il est 13h30, je suis affamée mais interdite de nourriture et boisson. J’ai une sensation de mousse dans le bas ventre, de jambes en coton. Rien ne m’importe que ce répit, je voudrais m’assoupir. Comme le travail n’avance guère, Sandrine me met de l’ocytocine. Nous parlons maris, elle me raconte son propre accouchement. J’échange avec mon homme sur les sentiments vécus depuis ce matin. Je suis enchantée de ce déroulé, pas du tout déçue. J’entame ce récit pendant que mon homme va se chercher à déjeuner. Enfin je prends le temps de réfléchir à la suite. Il faut aider le travail maintenant, trouver le juste milieu entre sensation et analgésie, redevenir présente à notre bébé. En plus, je tiens à accoucher avec Sandrine, et elle termine son service à 19h30.

Je me mets sur le côté, et demande à mon homme les gestes d’haptonomie qui visent à indiquer au bébé par où aller et à le rassurer. Je suis déterminée, pleine d’allant. Je recommence à sentir les contractions, je ne mets surtout pas de dose de péridurale supplémentaire. Sandrine passe faire un contrôle, et se dit surprise : ça y est je suis à dilatation complète, puis ça y est le bébé descend  vite. L’objectif est qu’il descende au maximum avant que je pousse, pour éviter tout instrument, vu son poids présumé. Enfin, c’est le moment de l’expulsion…Nous commençons avec Sandrine sans gynécologue, c’est irrésistible…

Je me souviens des sensations, un peu. Je ne sentais pas mon fils prendre le passage, mais assez les contractions pour sentir quand pousser. Je me souviens que pour pousser, je m’applique d’abord à prendre une grande respiration, ensuite à pousser la main de mon homme sur mon ventre, enfin à durer en bloqué le plus longtemps possiiiiiiible…et que vite on reprend, au moins une fois, si possible deux. Je me souviens de me dire que je ne devais pas être belle à regarder, sûrement toute rouge. Je me souviens qu’il y a avait là, en plus de mon homme et Sandrine, la puéricultrice, une élève infirmière, le gynécologue, et la sage femme qui prendra la relève de Sandrine. Tout ce monde réparti de chaque côté du lit, je me sentais entourée, et je me moquais de la position gynécologique, et du temps, c’était hors du temps. Je me souviens m’être dit que je ne réalisais toujours pas qu’un enfant arrivait, que j’étais tout de même en train d’accoucher ! Alors je me souviens avoir demandé clairement au gynécologue qu’on me le fasse toucher avant qu’il ne soit sorti, et que je puisse l’aider à sortir. Je me souviens qu’il m’ait annoncé qu’il allait devoir faire une épisiotomie, et que je lui ai demandé un peu plus tard quand il allait la faire «  – mais ça y est… ! » Je me souviens d’éclats de rire entre deux poussées, je me souviens que la puéricultrice poussait avec moi,  je me souviens de Sandrine me disant en riant « vous fonctionnez à l’applaudimètre vous ! ». Surtout, je me souviens que lorsque j’ai touché sa tête, j’ai été emplie d’une émotion gigantesque, aussi grande que moi : en larmes, et d’autres avec moi…Il est là…il est là, il y a bien quelqu’un là…c’est mon enfant, et il vient au monde…maman, je suis maman, j’accouche…

Et il fut là, vraiment. On m’aide à le faire sortir, je le pose maladroitement sur moi, il est si grand, si recroquevillé, si bleu, si gémissant, si mouillé, si froncé. Je dois lui trouver un air malheureux, je ne cesse de répéter « tu vas bien mon bébé ? tu vas bien ?… », inquiète, émue. Je vois mon homme en larmes aussi. Quelqu’un me dit « mais oui, il va bien… ».  Je n’ai plus aucune notion de temps, mais je me souviens que je lui chantais l’avé maria que je lui ai chanté pendant toute la grossesse, la gorge serrée, pendant que le gynécologue me recousait. Je me souviens du regard de ce dernier entre mes jambes, ému aussi je crois, je ne me souviens plus de ce qu’il m’a alors dit. Je me souviens que je n’ai pas aimé qu’on me prenne mon fils pour les soins, j’ai trouvé ça trop tôt. Je me souviens de mon admiration devant mon placenta que me montre le gynécologue ! Je me souviens d’avoir relevé le cocasse de la situation : le gynécologue absorbé dans sa longue et difficile couture, mon utérus flottant, mon indifférence complète à tout ce qu’on pouvait me faire…mais il me manque mon bébé… je me souviens de réclamer impatiemment mon fils, et le gynécologue de s’exclamer « Eh bien oui, donnez lui ! » ! Je me souviens avoir voulu lui donner le sein vite vite, et que quelqu’un trouve qu’il s’y prenait bien. Je me souviens de m’être dit que je n’avais pas ressenti une augmentation brutale d’amour, contrairement à ce que j’avais lu !

Je me souviens maintenant qu’a régné pourtant une immense tendresse dans cette salle.

***

crédits photos:

Paternité
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