Le titre à rallonge du présent article aurait tout aussi bien mérité de se développer en un interminable triptyque : Écrire pour son époque - écrire pour publier - écrire pour faire du chiffre. L'idée majeure de ce nouvel enseignement que le Maître vous délivre sur son blog est la concession à l'époque.
Mais qu'est-ce donc, la concession à l'époque ? hurlent les voix de cent mille groupies rassemblées dans leur association de fans pour méditer la prose de Gustave Borjay. Eh bien, répond d'un ton amusé l'Auteur, non sans une petite pointe d'attendrissement qui perce dans la façon dont il module ses graves avec suavité, eh bien c'est fort simple. Vous avez des idées, vous êtes attiré par tel ou tel décor, vous inclinez à situer votre action dans tels temps reculés, soit. Mais que veut le public ? Que veut le public, qui, seul, achètera votre livre et vous fera gagner votre vie. Pire encore, que veut l'éditeur ? L'éditeur, qui, seul, permettra au public d'accéder massivement à votre livre afin qu'il puisse demander à son tour s'il y trouve ce qu'il veut.
L'éditeur, c'est un assureur. Il cherche à faire du chiffre en prenant le moins de risque possible. Il veut du novateur, il le crie, l'affirme, certes, mais il veut du novateur dans la ligne de son édition, du novateur rassurant, familier, proche des best-sellers actuels. Si vous avez le malheur d'écrire comme Proust, on vous dira, après la lecture de vos trois premières pages, de simplifier vos phrases, de désampouler votre style, d'écrire avec plus de gnak. Si vous oubliez dans votre analyse psychologique la petite dose de freudisme qui va bien, on vous conseillera d'approfondir l'évolution des caractères, trop basiquement classique. Si vous lorgnez trop sur le romantisme, on vous suggérera de vous tourner vers des thématiques plus troubles, plus dures, plus réelles. Et ainsi de suite.
Le lecteur, c'est la même chose avec des critères qui varient un peu, qui sont parfois un peu plus larges. Si la majorité du lectorat français est prêt à se tourner vers les nouveautés que leur proposent les maisons d'éditions, c'est bien qu'il y a dans une certaine mesure collusion entre les deux parties.
Et vous, si vous n'êtes pas dans la droite ligne des publications actuelles, quelle sera votre place ? Écrire pour une hypothétique gloire posthume ? Tenter de vous imposer envers et contre tous au prix de dantesques débauches d'énergie ? Adapter vos productions à l'air du temps ? Écrire pour vous-même ?
Gustave Borjay vous salue.
La gnak. Il n'y a que ça de vrai.