Magazine Journal intime

Accoucher à 31SA+5 jours

Publié le 28 juillet 2012 par Madameparle

Accoucher à 31SA+5 jours

Cette semaine un magnifique témoignage d’Aline, du blog « notre petite vie presque bien tranquille »

Le 29 juillet cette petite pitchoun’ fêtera ses 7 ans!!!

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J’ai 25 ans, je veux un bébé. J’arrête la pilule et je tombe enceinte trois semaines plus tard, dans les premiers jours de janvier 2005 ; je pensais pas qu’on pouvait tomber enceinte aussi rapidement, je suis prise de cours finalement, moi si décidée. Je n’ai pas de copines enceintes ou avec des enfants, je débarque totalement, je prévois très peu le futur avec un bébé, comme si je ne réalisais pas.

J’arrive à la 2ème écho, dans un cabinet que je ne connais pas (une histoire rocambolesque, le précédent cabinet ne m’avait pas prévenu qu’il ne faisait que les premières échos et les autres cabinets me jetaient sous prétexte que je n’étais pas allée chez eux pour la première) on nous annonce une fille, plus petite que la normale, une artère utérine un peu résistante. On me souffle le chaud et le froid : dans la salle d’examen c’est grave, le médecin me dit qu’il faut absolument surveiller ça, faire d’autres échos et quand j’attends le compte-rendu de l’écho il me rassure, on me donne un rendez-vous pour un mois plus tard mais il me précise bien que ce n’est pas obligatoire. Je prends la décision de prendre rendez-vous pour une écho un mois plus tard avec ma gynéco à la maternité, ça sera plus simple.

Un mois plus tard, le 28 juin, me voilà donc prête pour une autre écho. J’ai finalement passé un mois « normal », rassuré par mon médecin traitant, par ma grossesse qui semble bien évoluer vue de l’intérieur. Et puis je ne suis pas encore une accro du net, je n’ai pas googlé les termes de mon compte-rendu d’échographie…

Et là, dans l’obscurité de la salle d’examen, l’homme lit sur les lèvres de la gynéco : « eh merde ». Elle a tout résumé. Elle qui papotait gaiement à la faveur de ce beau jour d’été a finalement vite remis son masque de professionnelle. Et merde, la petite est encore plus petite que la normale par rapport au mois dernier, et merde les artères utérines ne fonctionnent quasi plus, et merde on est qu’à 6 mois de grossesse, et merde… On était un mardi, dans les pires pronostics ma fille allait arriver avant le week-end… un bébé grand prématuré, avec un retard de croissance intra-utérin.

J’ai été transférée dans la journée dans une maternité de niveau 3 sans passer par la case maison. J’ai reçu des tas d’informations… moi qui débarquais pour les bébés je débarquais encore plus pour les bébés prématurés.

Quand j’y repense aujourd’hui, quelle irréalité ! J’attendais mes congés d’été pour me mettre à penser au bébé, à acheter sereinement tout ce qu’il fallait. Et me voilà presque maman, sans rien, j’ai même pas commencé mes cours de préparation à la naissance… une vraie page blanche !

Finalement le bébé n’arrivera pas tout de suite, le repos nous fait du bien, les artères se remettent à fonctionner un peu, suffisamment pour que la crevette de 700 et quelques grammes prennent quelques forces, suffisamment pour que j’ai mes injections pour ses poumons à elle, suffisamment pour qu’on s’amuse à me faire d’autres examens dont une ponction de liquide amniotique (on m’a trouvé un cytomégalovirus dans les prises de sang), suffisamment pour qu’on m’autorise à rentrer chez moi le temps d’une courte semaine, toujours sous repos évidemment et sous surveillance régulière à l’hôpital.

Le 25 juillet je retourne à la maternité en hospitalisation de jour. Le retour du caryotype est bon, celui de l’écho un peu moins. Il faut la sortir de là maintenant, je suis à nouveau hospitalisée  en attendant la césarienne. Elle sera programmée le vendredi 29 juillet…

Ce matin-là je ne suis pas prioritaire,  la nuit a été courte et l’attente à jeun est longue. Les brancardiers arrivent enfin, aimables comme des gardiens de prison : ils râlent parce que j’utilise mon portable dans le service pour prévenir mon homme que je pars (il n’avait pas le droit de venir assister à la césarienne et je n’avais pas envie d’attendre avec lui, il m’aurait angoissé plus qu’autre chose) et que je confie mon portable et ma clé d’armoire à ma voisine de chambre avec qui j’ai sympathisée (c’est un peu le bazar, il faut que mes affaires soient transférées de ma chambre de grossesse pathologique à ma chambre post accouchement). Alors que ça fait un mois que j’utilise mon portable avec l’accord de tout le monde mais bon… Ils m’aboient dessus pour savoir où sont les vêtements pour mon bébé, je leur claque aussi sèchement qu’avec son kilo prévu je vais avoir du mal à l’habiller. Ils trouvent encore à pester parce que je ne veux pas enlever mes lunettes (non mais pourquoi on me priverait en plus de la vue de ce bébé que je ne pourrais peut-être pas toucher ?) « vous vous débrouillerez en bas avec eux ! ». Je suis verte mais j’ai gardé mes lunettes !

Ça y est, j’y suis. 11h05, j’entends un cri, j’aperçois un bébé, c’est elle. 31 SA + 5 jours, 940 grammes, 34 cm, une fée Clochette débarque dans notre vie…

Elle est sous respirateur mais elle va bien, elle est emmenée en Réa comme convenu et moi je fais mes premiers pas de maman seule, dans une espèce de flou artistique teintée de reste d’anesthésie et de chute d’hormones.

Des images et des sons se bousculent : tous les appareils médicaux qui sonnent (et qui me font encore sursauter aujourd’hui quand on en entend dans un film ou un reportage), la pénombre maintenue en réa, le chuchotement devant les incubateurs. En fermant les yeux je sens même encore l’odeur des produits de nettoyage hospitalier.

Et des interrogations m’envahissent : comment je sais que c’est mon enfant, c’est vrai je ne l’ai aperçue qu’un instant… comment elle sait que je suis sa maman alors que je n’ai pas eu le temps de la tenir dans mes bras, me reconnaitra-t-elle quand même, fera-t-elle la différence entre moi et une infirmière lambda ?

Je suis hors du temps, hors de la réalité… j’émerge le dimanche 31, date de cette première photo, immortalisation de sa première fois dans mes bras, du premier vrai regard intense échangé, de cette main qui s’est accrochée à la mienne…

Le reste ? Une belle histoire qui dure depuis 7 ans maintenant, ma main dans la sienne, sa main dans la mienne, on avance…

J’en profite pour ajouter que la Clochette et moi nous participerons à la Marche des Bébés le 14 octobre prochain dont le thème de cette année, le Retard de Croissance Intra-Utérin, nous touche particulièrement.

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Si vous aussi avez envie de nous faire partager votre accouchement vous pouvez me l’envoyer à [email protected]


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