Magazine Journal intime

Repeindre ses décors

Publié le 22 août 2012 par Gborjay

Gustave Borjay s'apprête à vous dévoiler un nouveau procédé d'esthète, un de ces procédés dont la perfection les fait exister tant dans la réalité que dans l'écriture.

Le nom donné à ce procédé, c'est celui du titre du présent article, c'est repeindre un décor. Bien sûr, comme à votre habitude, votre légendaire sagacité vous fait défaut au moment où vous en auriez le plus besoin. En d'autres mots, vous n'avez pas encore compris, et l'Auteur se doit en conséquence de développer son idée.

Commençons de façon pédagogique, par un exemple. Quelle originalité a cette vague rue grisâtre à laquelle vous pensez, avec des maisons certes sombres et presque menaçantes, mais n'existe-t-il pas d'innombrables rues de ce genre ? Cependant, si vous précisez que c'est la rue où Jack l'Eventreur a commis son premier meurtre, tout change. La rue devient unique, les maisons deviennent vraiment menaçantes, le lecteur rajoute spontanément davantage de marques d'imagination - des taches de sang, le smog qui descend sur la ville, une calèche dont les roues ferrées résonnent froidement sur le pavé humide, des impacts de balles (il peut mal imaginer).

Un autre exemple : il y a des endroits où vous êtes passés des dizaines de fois sans y faire trop attention. Mais un beau jour, dans un de ces endroits, il se passera quelque chose, d'important, de poignant, bref, d'inoubliable, qui transformera ledit endroit en un lieu mythique dans votre imagination. Et ce lieu, que l'habitude avait ravalée au rang de pâle décor estompé, le souvenir le réhabilite en place de choix, vers laquelle se tournent vos regards et parfois vos pensées, et qui pour vous peut presque prendre une personnalité propre vers qui vous vous tournerez lorsque vous chercherez, tel un magicien, à évoquer le fameux souvenir dont il est question.

Pensez à toutes ces innombrables plaques qui ponctuent le flot anonyme des immeubles de leurs "Ici Untel a vécu les premières années de sa vie" ou encore "Ici est mort Untel" (éventuellement un autre Untel, ne soyons pas étroits d'esprit), transformant d'anodines bâtisses en de prestigieux mausolées. Pensez à ces lycées que les plus grands ont fréquentés, à ces cimetières où les saints reposent, à ces villes où l'Histoire s'est faite.

Vous aussi, apprenez à repeindre les mornes architectures que vous avez édifiées à grands coups de pinceaux enduits de souvenirs.

Gustave Borjay vous salue.

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Banales madeleines. L'un d'elles est pourtant celle de Proust...


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