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Et le fantôme se fit verbe

Publié le 21 septembre 2012 par Jlk

Joconde2.jpgLe livre fantôme est évidemment celui que je n’ai cessé d’écrire depuis ce que vous avez appelé la nuit des temps, et dont j’oublie tout à mesure.

C’est un peu mon drame de toujours et ma chance, ou plus exactement mon plaisir et que vous partagez. De fait c’est le plaisir, à tous les sens qui vous chanteront, qui me rappelle les bribes du livre fantôme et dès mes débuts, genre l’amitié de Gilgamesh ou la mort de Patrocle ou le vent du désert biblique ou la litanie à la petite pharaonne ado qui me ramène le souvenir de larmes aussi douces que le parfum des fleurs d’amandier ou le goût d’un premier French Kiss vers dix, douze ans, vous vous souvenez…

Donc tout passe et pourtant je m’accroche, j’y rêve encore, jamais je n’ai décroché : je rajeunis d’ailleurs à vue d’œil quand me vient une phrase bien bandante et sanglée et cinglante - et c’est reparti pour un Rigodon.

Vous ergotez sur le style mais je demande à voir: je demande à le vivre et le revivre à tout moment ressuscité vu que c’est par là que la mémoire revit et ressuscite - c’est affaire de souffle et de rythme et de ligne et de galbe enfin de tout ce que vous appelez musique et qui danse et qui pense. Car il que va de soi que le livre fantôme est toute musique comme il est toute pensée et tout reportage et tout travelling et tout rap de mémoire et tout ça valdingue dans l’oubli aussitôt dit.

Depuis lors je reviens chaque matin tôt l’aube à mon livre fantôme dont vous vous demandez s’il va cartonner ou pas, ce dont je me fous divinement. Si je me souviens bien j’ai commencé de l’écrire pour avoir moins peur la nuit, ensuite pour faire le crâne en retour de chasse, mais à l’époque j’étais meilleur à l’oral genre cri primal de rocker, puis j’ai repris mes notes pour savoir ce que je pensais, j’ai raconté mes guerres et mes ruines et j’ai tout oublié sauf ces bribes que je vous disais que vous appelez poésie et qui ne saisit que des lambeaux de tout ça.

Or vous êtes tentés d’en conclure que les mots ne devraient pas exister, mais au contraire : vous n’avez que ça, et toute la musique entre les mots du livre fantôme que jamais vous n’écrirez sans l’oublier à mesure…

Nota bene: ce texte écrit ce matin n'a (presque) rien à voir avec le livre de Richard Millet intitulé Langue fantôme, lu hier soir. Il répond à une commande du journal Le Persil dont la prochaine livraison sera consacrée, précisément, au livre fantôme.


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