« Ici je voudrais dire que la littérature ne peut être que la voix d'un individu, et qu'il en a toujours été ainsi. Quand la littérature devient ode à un pays, étendard d'une nation, voix d'un parti, porte-parole d'une classe ou d'un groupe, quels que soient les moyens utilisés pour la diffuser, aussi puissant que puisse être son rayonnement, même si elle va jusqu'à recouvrir ciel et terre, elle ne pourra éviter de perdre sa valeur jusqu'à recouvrir ciel et terre, elle ne pourra éviter de perdre sa vraie nature, elle ne sera plus littérature, mais objet utilitaire au service du pouvoir et des intérêts. »
Gao Xingjian (né en 1940 à Ganzhou, province de Jianxi, Chine. Désormais citoyen français)
La raison d'être de la littérature, discours prononcé lors de la remise du prix Nobel de littérature en 2000.
©Gao Xingjian, La fin du monde, 2006, encre de Chine.
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Cette peinture de Gao Xingjian, La fin du monde a fortement inspirée Peggy Adam. A la fin de son livre, La Gröcha, on retrouve une planche donnant sa représentation, son inspiration, son histoire.
Difficile de reprendre cette histoire justement. Je vais avoir mon interprétation et vous la votre. Les points communs sont dans le fait que ça peux nous arriver à toi comme à moi, en Suisse comme en France, cette fin du monde... Mais est-ce vraiment de cela qu'il s'agit ? Sans doute un peu. Pas simple d'être optimiste dans ce récit.
Le présent ouvrage, La Gröcha a été achevé en juillet deux mille douze aux éditions Atrabile (maison d'édition Suisse), dans la collection bile blanche. L'ouvrage a été publié avec le soutien de la ville de Genève. ©2012 Atrabile.
Peggy Adam, est une auteur française née il y a plus ou moins 30 ans et qui n'est pas a son premier coup d'essai. Toujours chez Atrabile, il y a cet autre one-shot : Luchadoras (2006). Ainsi qu'une série en cours : Plus ou moins... Le Printemps (2005), ... L'Eté (2006), ... L'Automne (2007). Il me tarde de voir arriver : Plus ou moins... L'Hiver. (Pas vous ?!...)
Dans cette même collection chez Atrabile, il est possible de piocher entre des albums de Pierre Wazem, Manuel Fior, Jason, ou encore Frederik Peeters et donc Peggy Adam.
Atrabile, une maison d'édition indépendante parmi les 70 autres éditeurs francophones, relevés par Libfly dans la Voie des Indés - Lisez hors piste !
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La géographie du récit nous transpose dans le canton des Grisons, situé dans les Alpes au sud-est de la Suisse. Il borde le Liechtenstein au nord, l'Autriche au nord et à l'est, l'Italie au sud. On y parle le romanche (rumantsch). C'est une des quatre langues officielles de la Suisse. Elle est parlée par 60 000 personnes essentiellement.
Ici, dans l'album toutes les notes sont des traductions du romanche.
Vainst tü da la bassa ? (Tu viens de la plaine ?)
Tuorna dalunga ingiò... La muntagna as müda... (Retourne d'où tu viens... La montagne se transforme...)
i va mal qua... Piglia e va per tes fat ! (C'est mauvais ici, va t'en !)
Un voyage qui nous transporte de la plaine (la ville) à la montagne. Tous ça parce que, le bas du canton est contaminé. Un virus semble se propager à vitesse grand V. L'ambiance est pesante, trouble. Le gouvernement local met en place des barrages filtrants. De nombreux contrôles sanitaires en sortie des zones urbaines sont organisés ainsi que des camps de quarantaine. La si tranquille Suisse a perdu toute quiétude. Dans cet univers presque empoisonné, un couple se dégage. Ils portent un lourd secret qui est sans doute la cause de ce drame qui ronge la société, la notre. Une seule solution pour y échapper, fuir en direction des montagnes avant qu'il ne soit trop tard...
Peggy Adam utilise les codes du récit d’anticipation. Et inconsciemment, l'auteur nous oblige à regarder en face nos irréparables erreurs. A défaut d'une interprétation, il est possible que cette histoire ne soit qu'un rêve et que tout va bien se passer. Je n'ai pas l'explication rationnelle. Elle n'est pas forcément non plus dans cette oeuvre, La Gröcha. Ou peut-être que si, quelque part dans une bulle dessinée au lavis. A coup de situation onirique, la vérité peux se dévoiler. Peggy Adam est inspirée, mais le sujet est complexe. Son dessin est épuré, ses planches sont soignées. Mais le côté sombre et hostile de la situation est délicat. Au-delà d'un drame humain, celui du couple suivi dans le récit, c’est surtout celui de l’humanité qui se joue. Et qui dit humanité, dit bienveillance, bonté, compassion et douceur. Autant de synonyme qualificatif à cet album La Gröcha de Peggy Adam où la nature et la civilisation se confronte. Le côté nature (forêt, animaux), prends une place importante dans cette lecture pour mieux toucher la tranche énigmatique de la vie, d'une apocalypse... où nous ne seront pas seuls à être pris dedans...
Tuornarà, quel sgnur, nesa ?
(Il reviendra le monsieur, n'est-ce pas ?)
Na meis courin, el nu tuornarà.
(Non mon poussin, il ne reviendra pas)
Et la Gröcha, me direz vous...
C'est du romanche. Mais là, je ne vous ferez pas la traduction !!
Un album absorbant au rythme entraînant mais qui peut ne pas être attirant aux yeux de tous. De nombreuses questions restent en suspens. La forte sensation de mystère qui se dégage dans ce récit énigmatique, donne une ambiance déroutante et floue. C'est subjectif et personnel, mais il est difficile de conseiller cet album bien particulier, et néanmoins réussi. Le sujet " la fin du monde " est repoussant, et y être sensible peut attirer. Au final, c'est un art que de l'entre-apercevoir. Peggy Adam dans La Gröcha chez l'éditeur Atrabile est une artiste !
©Atrabile • 2012 • Adam---
Cette lecture s'ajoute avec celles des participants,
dans le cadre de la chez Mango.
Dans l'échange avec la Voie des Indés, c'est en partenariat avec .
Bonne lecture,
OliV
[EDIT] : Un avis chez Mo' (3 octobre 2012)
[EDIT du 12 novembre ] : Un lien vers le blog de la Voie des Indés.
Tag(s) : #BD du Mercredi, #La voie des Indés, #Peggy Adam, #Atrabile