Qui n’a pas lu un beau jour une longue, minutieuse et exhaustive description s’étalant sur plus d'une dizaine de pages ? Qui n’a pas désespérément attendu que se produise un changement, une apocalypse, une action, ou mieux, un dialogue avec ses fameux guillemets et tirets cadratins ?
Maintenant que c’est vous qui vous avisez de vous confier au lecteur, gardez ces pénibles souvenirs en tête, et avisez-vous de lui servir des mets digestes.
A éviter généralement, la généreuse description de la vieille voiture un peu rouillée, où chaque accroc à la carrosserie raconte une histoire, où les vieux sièges fatigués en ont vu passer des années, où les vitres salies par le temps sont auscultées dans les moindres – et insoupçonnés – détails. A éviter aussi la rengaine psychologique du protagoniste qui des jours durant analyse avec un narcissisme tenace son état, s’inquiète, oscille entre dépression et déprime, quand ce n’est pas le blues qui s’empare de lui. A éviter enfin la scène d’action où aucun dialogue ne retentit pour rythmer l’action, la soutenir et lui donner vie.
Le dialogue n’est pas supposé être génial, ni porter un sens révolutionnaire. Il permet parfois de condenser de longues explications, ou bien dévoile de nouveaux aspects d’un des personnages, s’il n’est pas simplement une variation bienvenue dans la forme.
Bien sûr, vous pouvez aussi tenter l’impossible, la diatribe enflammée, le monologue grandiloquent, la harangue des troupes, le duo amoureux ou encore la bataille de mots d’esprit, mais personne ne vous force à le faire. Et encore moins ne vous en croit capable.
Gustave Borjay vous salue.
« [...] et les stries sur ses roues, faites de chevrons finement espacés,tantôt dans un sens tantôt dans l'autre selon leur colonne,
étaient d'une épaisseur relativement profonde qui n'avait
curieusement pas encore été trop attaquée par l'usure [...] »