« C’était un grand bâtiment. A chaque étage, des fenêtres s’intercalaient dans les murs. La porte d’entrée, entrouverte, menait à l’escalier et aux boîtes aux lettres. L’édifice avait bien cinq ans d’âge, et la pelouse devant était correctement entretenue. »
Vous relisez, avec une certaine satisfaction, votre fascinante description de l’immeuble où va s’aventurer votre héros. Pourtant, vous déchantez vite lorsque, quelques heures plus tard, vous tombez sur cet article de Gustave Borjay, où celui-ci vous pose la question déterminante : avez-vous donné une personnalité à votre décor ?
D’abord vous riez, confiant de vous-même, restant sur la bonne impression que vous a laissée votre prose. Puis, un peu comme lorsque vous sortez de chez vous et revenez en arrière pour vérifier si vous avez bien fermé la porte, vous hésitez, vous sombrez dans le doute et, finalement, vous relisez votre description.
Et là, il faut se rendre à l’évidence. C’est plat comme un paysage du Nord, dépourvu d’âme, ça n’incite même pas le lecteur à se représenter ce lieu que vous vouliez intriguant, menaçant même. Heureusement, vous vous apercevez que Gustave Borjay vous donne sur son blog une première solution :
« C’était un bâtiment étouffant. A chaque étage, comme compressées par l’immensité de l’édifice, des fenêtres s’intercalaient péniblement dans les murs de béton. La porte d’entrée, insignifiante, s’ouvrait sur un vestibule sombre et désespérément vide où l’on ne trouvait qu’un escalier et quelques boîtes aux lettres. L’édifice, bien que récemment bâti, avait déjà vieilli et ne parvenait pas à dissimuler d’inquiétantes fissures sur ses façades grises. Seule devant, la pelouse, d’un vert provoquant, s’étalait tapageusement, comme une hideuse absurdité. »
Voilà ! Un simple copier-coller, et votre description tient désormais la route. D’une façon plus générale, vous comprenez, en continuant à lire l’article, qu’à moins de le faire dans une intention particulière il faut toujours donner un certain caractère à vos décors.
Le décor peut être inquiétant, sympathique, d’un autre âge, banal à en pleurer, c’est à vous de voir ! Mais par pitié, n’imposez pas à vos rares lecteurs les architectures insipides qui sortent naturellement de votre plume ! Vous avez le choix, vous pouvez, avec un peu de travail, leur conférer un minimum d’âme – veillez également à ne pas franchir un certain seuil de saturation – qui, tel la pierre philosophale, changera la lourdeur de plomb de votre description en étincelant travail d’orfèvre.
Gustave Borjay vous salue.
« Gravir cet immeuble, c’était un jeu d’enfant pour les Yamakasi. »