Je regrette le support et sa chimie. Malheureusement, je sais que je vais encore paraître complètement arriérée et obstinée sur ce sujet. Je suis néanmoins persuadée que les personnes me lisant depuis quelques temps savent que je n’ai rien contre la technologie et ses évolutions. Mon taux d’addiction aux réseaux numériques et aux terminaux digitaux en témoignent. J’ai même une sorte de fascination sur les usages de ces petits objets. Ils apparaissent et changent malgré eux des choses, ce n’est pas forcément négatif. C’est une évolution.
Mais aujourd’hui, je vais vous parler de ce deuil que je fais parfois, celui du support et de sa chimie.
Support, Médium, Outil, Technique
Bien entendu, je vais parler de photographie car c’est le domaine qui m’a fait penser à ce billet. Pourtant je ne m’en contenterai pas pour pouvoir vous exposer plusieurs exemples que j’ai en tête et pour lesquels je porte un grand intérêt.
Dans la production plastique, nous avons pour habitude de parler de support, de médium, d’outil et de technique. Par exemple sur la célèbre Joconde : le support est la toile, le médium est la peinture à l’huile, l’outil est le pinceau, la technique est la peinture. En ce qui concerne un street comme celui-ci : le support est le mur, le médium est la peinture, un pochoir et une bombe, la réserve. (source)
L’uniformisation des effets et des filtres
Maintenant, il y a une grande tendance en faveur du filtre et de l’effet. Peu importe que ce soit du HDR ou pas, l’effet est là. Peu importe que ce soit vrai ou pas, l’effet est là.
L’effet artistique, l’effet crayon, l’effet pastel. On se sert de petits algorithmes intégrés à nos logiciels pour donner un effet et rendre les choses plus esthétiques. On oublie même d’où viennent ces effets et de quoi ils sont inspirés.
L’effet devient le vrai.
Une photo instagram – j’adore instagram – est rendue belle à coup (et à coût) d’effets et de retouches habiles. Un dessin devient original avec un filtre pastel et un ajout de texture. Heureusement, le fonctionnement des calques et des masques des logiciels de retouche et leurs usages montrent bien qu’on continue à travailler la matière. C’est l’ajout et la combinaison de plusieurs éléments qui font le rendu visuel, pas juste un simple filtre choisi pour son côté glamour.
L’apogée des tutoriaux
Les tutoriaux, les modes d’emploi et les didacticiels, c’est très bien. C’est même une excellente idée de mettre les pieds dans le plat.
Maintenant, il faut aussi savoir s’en détacher et s’autoriser les essais, jouer un peu ! Il est tout simplement dommage de faire trop de raccourcis. Le filtre est un raccourci.
On manque tellement de chose à ne pas manipuler, toucher, observer l’effet d’une matière sur une autre. Je suis peut-être un peu folle, mais c’est réellement fascinant. Regardez donc la différence de rendu entre le même trait de peinture aquarelle sur papier sec ou papier mouillé. Regardez donc la différence sur le dessin en fonction du grammage de votre papier, de sa couleur. C’est d’ailleurs en ce sens que j’ai apprécié le travail de Lineature qui choisit son papier pour sa proximité avec le support d’origine. Car il est inutile de faire un tirage de haute technologie sur un papier qui n’a rien à voir, le rendu sera gâché !
On s’en fout des termes techniques ou de comment ça s’appelle, telle manière de faire, faîtes le et découvrez. Vous apprécierez encore plus. La meilleure méthode c’est celle où on s’amuse et où on comprend. Ne vous laissez pa faire par ces intitulés de fonctionnalités, il y a tellement plus derrière et n’hésitez pas à détourner les usages ! =)
Quels sont les médiums et les supports numériques
Ce n’est pas parce qu’on photographie de plus en plus en numérique qu’il faut oublier qu’il s’agit de matière. La matière, c’est les pixels et leur manipulation.
Quant au support, il a son importance aussi finalement. Actuellement le terme de « support numérique » se confond beaucoup avec la simple fonction de mémorisation de la donnée et de l’information. On ne pense qu’au disque dur en quelque sorte. Le support n’est pas que l’hypomnemata, il peut aussi être médium. Il n’est en effet pas rare que ces deux là se confondent.
Pourtant, si ce n’était que ça, est-ce que l’écran retina d’Apple serait autant un argument de vente en faveur de leurs produits ? Si ce n’était que ça, on n’aurait rien à cirer entre regarder un film sur une petite télé ou projeté sur le mur. Et ce mur on en prend soin à coup d’enduits et de peinture, ou alors on cherche à investir dans un écran en toile.
Alors oui, je regrette la chimie et l’aléatoire de la découverte des rendus visuels. En numérique, on ne déborde jamais des contours du coloriage. C’est un peu ennuyeux par moment.
En revanche, le numérique demeure récent et je ne doute pas qu’on en exploite bientôt toutes les possibilités.
Hop les bidouilleurs, bougez-vous !