crédits photos Schwangerschaft
La semaine dernière, Sebama, nous avait raconté la naissance de son premier enfant, un accouchement dirigéet qui manquait de respect selon elle. Elle m’écrit: « (…) En lisant ton blog notamment, avec ton témoignage propre et tous ceux que tu rassembles, j’ai réalisé que ce premier accouchement n’avait pas été suffisamment respectueux. Enceinte de mon 2ème enfant, je me suis évidemment dit que je souhaitais une autre naissance.
Là encore, tes témoignages m’ont aidé : ce n’est pas parce qu’on sait ce qu’on ne veut pas après 1er accouchement qu’on arrive à avoir ce qu’on veut lors d’un 2ème accouchement. Les circonstances, médicales et naturelles, sont bien plus fortes que toutes les projections qu’on peut faire pendant la grossesse. Je suis donc arrivée à mon 2ème accouchement dans cet état d’esprit : « j’aimerais bien que », mais « je sais aussi que … » (…) »
Voilà le récit de la naissance de son fils!
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Le 3ème trimestre de la grossesse se passait très bien. Je me sentais bien. L’été n’était pas chaud : ça me permettait de ne pas souffrir de la chaleur mais de pouvoir quand même exhiber fièrement mon ventre rond. Le terme était prévu au 25 juillet, et j’étais convaincue que mon fils allait rester au chaud le plus longtemps possible, tant on était bien comme ça l’un et l’autre. En plus, ça nous arrangeait bien en termes de calendrier, pour la garde de l’aînée (28 mois) et les congés du papa. J’avais arrêté de travailler depuis une dizaine de jours, et même si je m’occupais de ma fille, j’avais le temps de beaucoup me reposer, et j’avais assez peu de contractions. Mon col n’avait jamais été examiné et je n’avais aucune idée de son état, et je trouvais ça très bien.
Le samedi 07 juillet, j’ai ma meilleure amie au téléphone : on papote, et à elle comme à d’autres, j’explique que je sens que mon fils va rester dans mon ventre encore au moins 10 jours à 2 semaines, car je suis bien comme ça, et que si la nature a prévu 9 mois, autant qu’il en profite !
Dans la nuit du samedi au dimanche, vers 3h30 du matin, je suis réveillée par une contraction. Elle est douloureuse mais ne me scotche pas sur place. Ça recommence 10 minutes plus tard. Et encore 10 minutes. Ça ressemble furieusement au début de mon accouchement pour ma fille : des contractions toutes les 10 mn, suffisamment désagréables pour empêcher de dormir, mais loin d’être insupportables. Pour ma fille, après quelques heures sous ce régime, on était allé à la maternité : j’étais dilatée à 4, on m’avait prédit un accouchement rapide. En fait, après un décollement des membranes, des kilomètres à pied dans l’hôpital et des heures d’attente, on a constaté que le travail avait cessé de progresser et on avait fini par me déclencher. Je voulais absolument éviter le même scénario. Pour cette 2ème naissance, je voulais, dans la mesure du possible, que ça ne se passe pas de la même manière.
Donc je décide d’attendre. Vers 4h30 du matin, j’essaie de me lever pour marcher dans l’appartement : ça ralentit les contractions. Quand je me recouche, ça recommence. Mon conjoint se lève aussi, un peu anxieux : c’est trop tôt par rapport à ce qu’on pensait ! Pour moi, c’est certainement un faux travail. En tous cas, ce n’est pas du tout le moment de partir à la maternité. Nos familles se trouvent à 150 km de Paris, alors par sécurité, à 5h45, j’appelle mes parents pour leur demander de venir et je me recouche.
Quand ils arrivent, vers 08h, les contractions ont cessé. On prend un énorme petit déjeuner tous ensemble. Puis on va au parc, et je fais aussi une petite sieste. Les contractions ont disparu. On a quand même gonflé le gros ballon, ça pourra servir.
Tout le monde, en particulier mon conjoint, souhaiterait que j’aille faire un contrôle à la maternité. Je ne veux pas. Pour moi, c’était un faux travail. Mon col sera certainement ouvert un peu : soit on me renvoit à la maison sans savoir me dire quand le vrai travail commencera (et dans ce cas, ça ne sert à rien d’y aller), soit on décide de me garder, et ça finira comme pour ma fille, ce que je ne veux absolument pas. Je dis à mes parents qu’ils peuvent rentrer chez eux.
On avait promis à ma fille d’aller voir la Tour Eiffel, alors on y va après sa sieste. Je suis un peu fatiguée car je n’ai pas beaucoup dormi, mais ça va bien. En route, sur les pavés à Bastille et Concorde, j’ai des contractions. Rien de surprenant, c’est même normal. Mais elles me « serrent » beaucoup. Pour moi, rien d’alarmant, après le faux travail de la nuit.
En rentrant, vers 18h30/19h, je m’allonge sur le canapé.
Et là, les contractions commencent. Elles sont plus douloureuses, et elles reviennent à une fréquence de 7 à 8 minutes environ.
Bon, OK, cette fois, je pense qu’il s’agit du début du travail.
Mais quand même, toujours décidée à ne pas m’enflammer, je préfère attendre de voir comment ça évolue.
Je donne à manger à ma fille : au début, ça va, j’arrive encore à lui parler pendant les contractions. Et puis ça devient de plus en plus difficile : je lui donne son dessert assise sur le ballon, en soufflant pendant les contractions. Elle me dit : « fais pas le vent dans la maison maman » !
A 20h, on va la coucher. Les contractions ne se rapprochent pas, mais la douleur est là : quand une contraction arrive, j’ai mal, je dois me concentrer sur cette contraction et ne peut rien faire d’autre.
Alors à 20h10, quand ma fille est couchée, je me décide enfin : on appelle ma belle-mère. Elle habite à 10 mn de la gare, il y a un train à 20h40 qui la ferait arriver à 21h30, elle doit sauter dedans !
Je n’avais pas faim du tout (ce qui est un signe chez moi) et j’étais sur le ballon, devant l’ordinateur pour mesurer la fréquence des contractions. Elles revenaient toutes les 7 mn en moyenne, et duraient environ 50 secondes. Pendant les contractions, j’étais absorbée, il fallait vraiment que je sois concentrée sur ma respiration, mais 50 secondes toutes les 7 mn, ça reste très gérable.
J’ai fini de préparer mon sac et suis allée prendre un bain. Pendant que je marchais, les contractions changeaient : elles étaient plus fréquentes, mais plus rapides et surtout beaucoup moins douloureuses. Dans le bain par contre, j’ai « subi » une contraction et décidé de sortir tout de suite : impossible de bouger dans la baignoire, et sans bouger, la contraction a vraiment été beaucoup trop désagréable. Donc je suis retournée sur le ballon. Les contractions étaient toujours les mêmes, d’intensité assez forte, mais courtes et pas plus fréquentes. Ma belle-mère est arrivée chez nous à 22h. En l’attendant, j’étais sur le ballon et je marchais parfois. En marchant, les contractions étaient plus cool, donc on pensait aller à la maternité à pied (15 mn normalement). Et je voulais attendre que la fréquence des contractions diminue pour partir à la maternité. Pour moi, on était beaucoup mieux à la maison, mon conjoint avec la télé, et moi à pouvoir faire vraiment ce que je veux.
A l’arrivée de ma belle-mère, j’ai demandé à mon conjoint de me masser pendant les contractions, j’ai essayé de trouver de nouvelles positions avec le ballon. Mais rien n’était vraiment agréable, alors j’ai continué toute seule sur le ballon. Vers 22h30, on s’est décidé à bouger. Je me suis levée, et j’ai marché un peu, pour finir vraiment le sac. Et là, les contractions ne sont pas devenues plus cool, au contraire. J’avais très chaud et j’avais besoin d’air, j’avais très envie de vomir, et j’avais mal. Finalement, aller à la maternité à pied n’est sans doute pas la meilleure idée, on a décidé de prendre la voiture.
On a attendu un peu, à l’air de la fenêtre de la cuisine, que ma nausée passe. Puis on est descendu. En bas de chez nous, une contraction m’empêche d’avancer. Arrivés dans la voiture, une contraction me fait pourrir mon conjoint, qui voulait juste ouvrir le toit ouvrant pour me donner de l’air. Moi je voulais qui sorte au plus vite du garage, dans lequel il faut pourtant manœuvrer doucement ! Après une autre contraction devant la porte de la maternité, on monte au 3ème étage pour se présenter à la sage femme de garde, Mathilde.
Je sais ce qui m’attend : un monito qui va m’immobiliser, et donc rendre les contractions difficiles, pendant 30 mn. Il est 23h, l’examen indique que mon col est à 4-5. Je me dis qu’on a eu raison de ne pas se presser, que c’est à ce stade que le travail a cessé pour ma fille, et qu’on est là sans doute jusqu’à l’aube. C’est ce que je dis à ma maman par sms.
Pendant le monito, j’ai environ 4 ou 5 contractions, pas plus. La fréquence est donc toujours la même, toutes les 7 minutes environ : encore une raison de penser que ça va durer encore longtemps. A la fin du monito, vers 23h30, Mathilde nous installe dans la salle de naissance « Marquise ». Pensant que le travail va être long, je ne souhaite pas la péridurale toute de suite, je préfère attendre de voir comment je gère les contractions maintenant que je peux bouger à nouveau pour accompagner et accélérer le travail, et que j’ai un ballon. Pour pouvoir bouger, j’ai aussi refusé le bain qu’on me proposait. La salle est chouette, moderne, propre : il y a un beau balcon à colonnades qui donne sur le parc de la maternité !
C’est chouette, mais je ne rigole pas : maintenant que j’ai retrouvé ma liberté de mouvements et que j’en profite, les contractions se rapprochent toutes les 3 mn environ, et me font vraiment mal ! Je vais prendre l’air sur le balcon, je rentre, je sors, je rentre. J’essaie le ballon dans différentes positions, mais ça ne m’aide pas du tout. En fait, à chaque contraction, je me retrouve debout, les bras en appui sur un meuble ou quelquechose, et je fais des ronds avec mes hanches tout en gémissant fort. Je ne me concentre pas sur ma respiration, mais sur mes « mmmmmh ».
Très vite, les contractions s’intensifient et j’ai envie de pousser. Ça me paraît étrange car beaucoup trop tôt. Pourtant c’est là, et les contractions sont vraiment intenses. Vers minuit moins quinze/moins dix, sur une contraction, je fais pipi tellement l’envie de pousser est forte. Une fois la contraction passée, je sors de la salle pour aller aux toilettes et demander un slip jetable à la sage femme. Elle nous raccompagne dans la salle et commence à me dire que si je souhaite la péridurale, c’est maintenant car l’anesthésiste est là ; sinon, il faudra attendre pour le réveiller à nouveau. Pendant qu’elle parle, j’ai une ENORME contraction, qui me fait très mal, je tourne le bassin, je gémis mais vraiment, c’est presque insupportable. A la fin de la contraction, il y a un ploc puis un spash, j’ai les jambes et les pieds mouillés : je viens de perdre les eaux. Je regarde Mathilde et je lui dis anxieusement que oui, là, je veux la péridurale.
Mathilde veut d’abord m’examiner et me demande de monter sur le lit.
Je monte sur le lit, Mathilde m’examine. Et me dit : « vous êtes à dilatation complète, c’est trop tard pour la péridurale ».
Là, je pense plusieurs choses : d’abord, merde, ça va faire mal. Puis : déjà la dilatation complète ! Puis je me dis que c’est la dilatation qui fait mal, mais que ça va mieux pour l’expulsion (mais pourquoi est-ce que j’ai pensé ça ???). Et je comprends aussi pourquoi j’avais envie de pousser, et pourquoi là tout de suite maintenant j’ai très envie de pousser. Je le dis à Mathilde, qui me répond : « rigolez pas, il est minuit moins cinq, sur tous les papiers, j’ai noté naissance le 09 ».
C’est le branle bas de combat. Camille, une autre sage femme, est arrivée. Rien n’est prêt : je suis toujours avec ma robe. Mon conjoint doit l’enlever et m’enfiler la blouse, pendant que Camille pose la perf et Mathilde le monito. Moi, j’ai envie de pousser, et je le dis. Puis mon conjoint aide Camille à installer le lit : une grande barre métallique en hauteur, pour que je puisse pousser avec les jambes, et des poignées sur les côtés. Mathilde est en face de moi, et je commence à pousser vraiment.
Ma 1ère poussée n’est pas bonne : selon la méthode de Gasquet, pour laquelle je suis préparée et qui est pratiquée dans cette maternité, il faut pousser non pas en bloquant, mais en expirant, tout en poussant sur les bras et les jambes. Lors de la préparation à l’accouchement, on avait testé diverses positions. Ce test m’avait permis de vraiment pratiquer et de savoir que ma position préférée était sur le dos.
J’entends les sages femmes me dire que je ne pousse pas comme il faut, mais je ne les écoute pas. Par contre, j’écoute mon conjoint, qui me dit « non, écoute ce qu’elles te disent ». Alors pour la 2ème poussée, sur la même contraction, j’essaie de reprendre mes esprits et de m’appliquer. Et là, je le sens, je pousse bien. Les sages-femmes me félicitent.
Par contre, j’ai vraiment mal, ça brûle intensément. Je le dis, et les sages femmes me répondent que c’est normal mais que mon bébé va vite arriver, qu’elles voient ses cheveux. Une 2ème contraction arrive, je pousse trois fois dessus. J’ai mal, mais je sens tout, je veux vite sortir mon bébé. J’entends Camille demander à Mathilde si elle veut de l’huile, je réponds que oui, je veux éviter d’abimer mon périnée. Entre les contractions, mon conjoint m’arrose le visage, ça me fait du bien.
Sur la 3ème contraction, je veux sortir mon fils. Je pousse 4 fois, en y mettant toute mon énergie. Avec le recul aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression d’avoir une force de dingue à cet instant. Mathilde et Camille m’encouragent, me disent que ce que je fais est génial. La tête sort, elles me demandent d’arrêter pour retirer le cordon. Je crois que je ne sens plus la douleur, je suis au delà. Je mets toute mon énergie et toute ma force dans mon souffle, dans mes bras, dans mes jambes, pour faire naître mon fils.
Et d’un coup, à minuit dix, il est là, Mathilde le pose sur mon ventre et je le prends sous les bras pour le tirer vers moi. Je ne me souviens pas vraiment de son premier cri, mais je n’en ai pas besoin pour me rassurer : il est là, sur mon ventre, et il va bien, il est beau. Je l’ai pris en disant « oh mon bébé ». Je le trouve un peu chétif, et plus petit que ma fille. Alors j’ai peur qu’il soit de petit poids.
Mathilde propose à mon conjoint de couper le cordon. Je demande à ce qu’on attende qu’il arrête de battre, mais c’est trop tard, il est clampé. Pas grave, mon fils est là, sur moi. Une aide soignante l’a rapidement essuyé et lui a mis un bonnet, et une couverture. Il est tout contre moi.
La délivrance du placenta se fait rapidement. Camille part, et Mathilde continue les soins : j’ai eu une déchirure, elle me fait une anesthésie locale pour me recoudre. Puis elle tamise la lumière et sort de la salle, pour nous laisser tous les trois.
Mon fils est toujours en peau à peau tout contre moi. Il y a même encore le ciseau sur son cordon. Il est très calme et paisible.
Mon conjoint met la musique que j’ai écoutée tout au long de cette grossesse. 3 chansons, en boucle, qui resteront vraiment gravées dans nos têtes comme le symbole de cette naissance si belle et si douce : Riverside d’Agnès Obel, Someone Like You d’Adèle et Velvet Feel de Libebul.
C’est un instant magique, inoubliable. Tous les 3, avec cette musique. Notre bébé est beau, calme, il va téter tranquillement mon sein. On est sereins, heureux.
Cet instant magique dura 2 heures, mais il a paru si court …. A 2 heures du matin, mon conjoint est parti avec notre fils et Camille pour les soins. Pendant ce temps, j’ai vu la gynéco (pour la 1ère fois pour cette naissance), Mathilde trouvait que j’avais perdu un gros caillot. Pour la gynéco, c’était normal car l’accouchement avait été rapide. Quelques instants plus tard, Camille passe la tête par la porte et me demande « à votre avis, combien pèse votre bébé ? ». Pessimiste, j’annonce 2,8 ou 2,9 kg, en espérant très fort que ce ne soit pas 2,7 kg. « 3,420 kg ! » me répond Camille. Ouah, je suis soulagée !
Il est bientôt 3 heures du matin, on descend dans ma chambre. Je contemple mon bébé dans le berceau à côté de mon lit. Il dort paisiblement ; comme il fera énormément au cours de ses premières semaines de vie.
Voilà, cette naissance a été idéale. Rapide et douce. Notre fils est né très naturellement, n’a reçu aucun produit, aucun geste et a passé ses premières heures dans un tendre peau à peau. Je suis convaincue que c’est en partie pour ça qu’il est aussi paisible. De mon côté, j’ai vite récupéré. Et je suis fière d’avoir mis mon fils au monde ainsi.
Je savais qu’un accouchement ne se passe pas toujours comme on le souhaite. Je savais ce que je voulais éviter et ce que, idéalement, je voulais. Ecrire ce récit me fait réaliser que chacun de mes choix, conscient ou pas, chacune de mes attitudes, dans cette journée et cette soirée du 08 juillet, a contribué au bonheur de cette naissance.