…Il s’appelait amour, non, il était l’amour lui-même.
Dieu, lui fit aimer toutes ses créatures, sans qu’il en soit aimé en retour ! Ainsi, périt-il, en amant fou, amant doux, amant tout court, et l’on écrit sur son épitaphe quelques belles paroles que furent les saintes prières usuelles dont ont dit à dieu aux morts, pourtant, lui qu’ on venait d’ensevelir, n’aurait rêvé comme dernière oraison, que de lui dire une dernière fois qu’il l’aimait. Il ne le lui dit pas, elle ne le sut pas, pourtant quelque chose les liait, si bien qu’ au moment où il s’éteint, seul dans sa chambre froide, le ciel pleura d’une averse qui lui mouilla les cheveux, à elle, des milliers de kilomètres plus loin, tandis qu’ elle marchait en rentrant chez elle, où tout à commencé un soir de printemps, quelques temps avant cela, peu ou prou fût-en-il passé pour que leur histoire, naisse d’un battement de cœur de plus, et finisse pas un autre tût à jamais…
Mais avant de vous raconter, comment cet homme en soit arrivé à se consumer la dernière parcelle de son souffle, seul et délaissé, alors qu’ il fût toujours entouré de monde, laissez moi vous emmener dans un petit voyage, juste le temps de vous narrer le conte de sa vie, parce que je suis certain que même à titre posthume, lui, aurait aimé parler plus de cela qu’ autre chose. Il n’était ni bon ni mauvais, ni grand ni petit d’esprit, mais il avait une belle singularité qui se diluait dans le pluriel de son être, fait de peines, de rêve et d’espoir. Ce fut un homme forgé au gré d’une existence consommée jusqu'à la lie, sans regrets, sans remords, parce qu’il était toujours conscient que tel était la volonté de celui qui lui insufflait, chaque jour, un peu plus de raison et de passion, dans un juste équilibre, celui nécessaire pour continuer à croire…Il avait une foi immense, un cœur d’enfant et une volonté de fer, mais la seule chose qu’il n’avait pas, qu’il n’avait jamais eue, lui, il l’offrait sans mesure, à la démesure !
Il s’appelait amour, non, il était l’amour lui-même…
Rencontrer une femme, n’est jamais un évènement anodin, car dans la promiscuité d’ Eve, il y a toujours matière à biaiser les hommes, surtout les plus sensibles d’entre eux. Ce soir là, lui, ne savait rien de ce que le sort lui réservait, et comme à son accoutumée, il a décidé d’aller à sa cafétéria préférée pour le plaisir de retrouver ses amis, et siroter sa tasse de pur arabica. C’était là des petites habitudes retrouvées, depuis qu’ il s’était consacré à sa nouvelle vie, sa résurrection qui ne tenait qu’ au fil de sa volonté de se reprendre en main, parce que même si l’échec lui a été dur à assumer, il lui demeurât une part de rêve qui lui permit de faire le deuil d’un amour plus que parfait, anéanti par la perfidie d’une autre réalité beaucoup moins idéale, que l’on appelle, la vie !
Avant de sortir, il se coiffa avec soin, se parfuma et revérifia son allure dans le miroir, assez longuement, car il tenait à être élégant, il aimait à être élégant, comme son père dont le portrait trônait dans le vestibule de la maison, tel une relique sacrée qu’il fallait saluer en entrant en en sortant. Il finit de boutonner sa veste sur le perron, mis ses écouteurs et s’abandonna aux douces mesures de jazz qui accompagnèrent ses pas vers l’arrêt du bus…
Elle, non plus, ne se rendait même pas compte de ce que les heures, à venir, lui apporteraient. D’ailleurs, en ce qui la concernait, toutes les journées se valaient, car le temps ne lui disait plus rien en son écoulement lent et fastidieux. Elle ne vivait plus que pour subir les restes d’un rêve qui s’est transformé en un cauchemar, quelques années après qu’elle ait cru possible de toucher les étoiles, rien que de le prétendre. Mais entre ses prétentions et son vécu, il s’en fallait un prix à payer qu’ elle n’a jamais pu assumer. Une bonté qui l’a perdue, un cœur en or qui lui a joué un tour. Depuis son divorce, elle vivait chaque jour avec l’espoir d’oublier, et de croire en une possible remontée du fond de cet abîme où elle était descendue de plein fouet, quand elle s’est rendu compte qu’ elle avait été vidée de toute son énergie, et de cette volonté qui lui faisait franchir tous les obstacles. Entre ce temps où elle était prompte, courageuse et volontaire, où rien se refusait à elle, au fort de son bel esprit, de son audace, et celui qu’ elle vivait actuellement, il ne s’était passé que quelques années, pourtant, cela l’avait entièrement détruite, à l’issue d’un mariage sur lequel elle avait tout misé, mais qui s’était arrêté à une case qu’elle n’avait jamais prévue, parce que pas habituée aux jeux de hasard, parce que crédule, comme elle l’était, elle a aimé sans gardes fous, parce que son cœur était celui d’un enfant. Elle a joué pour l’amour de jouer, mais quand on joue avec les grands il ne faut surtout pas oublier que pour eux, seule la victoire compte pas le plaisir du jeu, car, eux, conjuguent leurs verbes au seul « Je » non au « nous » qui suppose le partage. Elle a perdu son pari !
Elle s’était mise devant son ordinateur, comme tous les soirs, et commencé à parcourir la timeline de Facebook, à la recherche des dernières nouvelles que ces 833 « amis » dont elle ne connaissait réellement que peu de gens, mais qui constituaient un monde virtuel où elle se plaisait à noyer son oisiveté du moment. Le destin allait, à partir de là, s’opérer comme il était écrit, sans raisons, à la juste mesure de son rythme que l’on appelle hasard, or à vraiment y penser, point aléa n’existe quand on a la foi que la vie a été pensée par le créateur, avant même sa création, et que le fruit en était nos existences qui se croisent, se séparent, se diluent, se déchirent, se recousent et s’estompent un jour, avec la précision d’un ordre établi, tel que même les plus sceptiques se disent qu’il est impossible que certaines évidences soient des pures coïncidences. Il est un temps, un lieu et une raison à tout. Encore plus à l’amour, si bien que l’amour est plus une fatalité comme la mort, justifiée par le fait même que nous vivons !
Lorsqu’ il est arrivé au café, il était 19h00 révolues, et le samedi soir commençait à se dessiner un peu partout dans le centre ville. Beaucoup de monde était dehors, ameutés par la fièvre de la soirée, mais aussi par les prémices du printemps qui venaient agrémenter l’air d’une température clémente, les badauds avaient toutes les conditions favorables pour se prélasser sur les terrasses de cafés, faire leur shopping ou flâner des les rues qui sentaient une forte odeur de mimosas en floraison. L’hiver avait été particulièrement rude, cette année là, mais comme un amour naissant, le printemps promettait des couleurs et de la chaleur. C’était ainsi que la providence avait choisi de peindre cette fresque de la vie, au fil suave d’une eau qui ne pouvait que couler de source, vers un moment décidé depuis la nuit des temps.
A peine eut-il pris sa place habituelle, et remarqué le retard de ses acolytes, le serveur lui ramena de quoi oublier la frustration d’un retard. Une belle tasse toute fumante, qui l’invita à griller une sucette à cancer et d’en mélanger la fumée avec le nectar noir qu’ elle contenait. S’il n’était pas tout à fait bel homme, notre ami avait un charme particulier, des yeux très expressifs dont la brillance transmettait, toujours, le fond de sa pensée, ponctués de sourcils qui jalousaient les filles,par leur tracé au naturel parfait, un nez droit tombant sur une bouche finement flattée, comme une ligne en coup de crayon.. Il avait, tel un collier de perles brutes, beaucoup de belles pièces précieuses, mais dont l’ensemble ne constituait pas une beauté en lui-même…
En buvant son café, il a remarqué des regards pas tout à fait indifférents à sa présence, qui le scrutaient discrètement, derrière des lunettes de vue qui ne cachaient que peu, la beauté de ces yeux soigneusement maquillés. Des regards qu’ il croisa au gré d’un geste anodin et qui s’ils ne l’emprisonnèrent pas tout à fait, lui firent un effet tel qu’il ne remarqua pas son téléphone sonner…Et justement, ce qui faisait sonner son téléphone, allait être le début de toute cette histoire…