Magazine Journal intime

Backdraft (light my fire)

Publié le 04 avril 2008 par Corcky
Backdraft (light my fire)

Crédit photo: Alx / FlickR

Bon, ben je l'ai eue, hein, la formation incendie à la con.
Faut dire que c'est toujours utile, quand même.
Surtout dans un foyer d'hébergement où 70% des loustics ont le cerveau confit dans le whisky et le gros rouge vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou presque, et clopent un peu n'importe quand, n'importe où, et préférentiellement juste au-dessous des panneaux "No smoking".
Moi je croyais qu'on allait se mettre en salle de réunion et qu'un pompier bellâtre, qui ferait glousser mes connasses de collègues comme des gamines avant un concert de Tokio Hotel, nous ferait voir un film très réaliste avec des gens qui meurent dans les flammes, suivi d'une série de Power Point saturés de couleurs criardes avec le nombre d'incendies par an, le taux de brûlures et tous ces trucs qui te font vérifier trente fois que t'as bien fermé le gaz avant d'aller te pieuter.
Mais pas du tout.
En fait ça se passait dans un camion spécial, genre "le camion de Barbie", le machin rempli de gadgets et tellement bien aménagé que tu peux y préparer ta popotte, regarder Star Wars sur un écran géant et pioncer dans un lit king size.
Et le type, il était aussi pompier que moi: Un  mec en costard-cravate, avec un balai dans le cul et des petites lunettes qui lui donnaient l'air de sortir tout droit du dernier meeting UMP de notre malheureuse candidate locale (15% elle a fait, aux municipales, je serais elle j'irais m'exiler à  Schneckenbuch), un mec presque chauve qui parlait avec la voix de Gabin.
Si, si, sans déconner, on se serait cru dans Touchez pas au grisbi !
Et une gouaille, vous auriez entendu ça, qui ne collait pas du tout à son personnage.
- Alors d'abord, les poteaux, on va poser le préambule sans trop de délicatesse, hein, on est entre nous, là, pas de prêchi-prêcha à la mords-moi l'noeud: C'est quoi, le feu?
Evidemment, tout le monde se taisait. Vous avez remarqué que pendant les formations professionnelles, chacun ferme sa gueule et attend que les autres sortent une connerie? C'est l'instinct, ça. L'instinct de conservation du salarié de base qui sait que moins on le voit, mieux il se porte et plus il pourra carotter sur ses RTT.
Silence, donc, et Gabin qui s'impatiente:
- Ok, on va dire que vous habitez tous dans des grottes, que vous vous gelez le cul en hiver, que vous bouffez du mamouth cru et que vous vous couchez avec les poules parce que vous n'êtes pas encore foutus de vous éclairer en frottant deux cailloux. C'est un peu ça?
Ricanements et regards gênés.
Moi, j'avais qu'une envie, c'était d'en finir, parce que ma journée avait mal commencé, que j'en avais rien à cirer d'apprendre à mettre le feu dans un bâtiment public et que tout ce que je voulais, c'était qu'on me foute la paix.
Alors j'ai dit:
- Le feu, c'est un truc qu'on a inventé à une époque où tout le monde s'appelait Pierre, vu que c'était l'Âge de Pierre.
Sept paires de mirettes qui convergent vers ma pomme.
- Ben quoi? Vous n'avez pas vu Rrrrrrrr ?
Et là, intervention de Gabin:
- Rrrrrr? Une daube, mais y'avait des passages potables. Notamment le crieur qui prévient le village en annonçant tous les soirs "Il va faire noir!", et les villageois qui...
- ...lui répondent invariablement "Ta gueule".
On s'est regardés, on s'est souri, et il m'a planté un couteau dans le dos immédiatement après.
- Ben puisqu'elle cause, la donzelle, 'a nous fera bien un  chouille de laïus sur les dangers du feu.
- Moi?
- Ben voui.
- Mais non.
- Meuh si.
- J'ai rien à dire.
- J'ai eu l'impression du contraire.
- Vous avez mal compris.
- J'entrave que pouic, tu veux dire?
- Tu percutes pas tout, quoi.
- J'ai la comprenette ardue, c'est ça?
- T'enquilles sélectif, disons.
- Dis carrément que j'en tiens une couche?
- Nan, mais t'es une arsouille de première bourre.
Et c'est là que Mimi est intervenue, Dieu la bénisse et lui accorde une immunité perpétuelle contre la cirrhose et les maladies sexuellement transmissibles:
- Dites...si on vous gêne, on peut aussi se barrer, hein...
Gabin et moi, on a mis la joute verbale en pause, vu qu'on était quand même là pour apprendre à circonscire un départ de feu.
Je vous fais pas le topo du reste de son cours, parce que c'était du même acabit, surtout quand on est passés aux manipulations des extincteurs:
- Ouais, pas mal, ma caille (à Philippe), faut pas non plus avoir les boyeaux qui tricotent des napperons, hein, c'est qu'un exercice, vas-y (à Nico), vide-moi cet obus, t'as la drouillasse ou quoi? Allez, on prend les paris sur c'lui qui l'éteindra le mieux, mon p'tit feu de joie, par ici la mornifle!
Et ainsi de suite.
Alors moi, j'ai rien capté aux différences entre l'extincteur à CO2, l'extincteur à eau avec additif et l'extincteur à poudre polyvalente.
Par contre, j'ai appris tout plein de chouettes nouveaux mots.


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