Magazine Humeur

Le péril jeune

Publié le 10 avril 2008 par Corcky
Le péril jeune

Crédit photo: Christian Bachellier / FlickR

J'avais vraiment pas envie de faire quoi que ce soit sur Mai 68.

D'abord, parce que je n'étais pas née en 68.

Ensuite, parce que pour les quarante ans, on va nous bassiner encore et encore, tu vas en bouffer, du Mai 68, c'est moi qui te l'dis!
D'ailleurs le cauchemar a déjà commencé sur les radios, dans la presse et à la téloche, et horreur suprême, on se fade la tronche de Cohn-Bendit à toutes les sauces.

Surtout que dans la famille des clichés usés jusqu'à la corde, je crois bien que Mai 68 détient la palme, avec, justement, Cohn-Bendit ("Les grandes photos du XXe siècle: Danny à la Sorbonne, Danny en prison, Danny lance un pavé, Danny fait caca"...), mais aussi les slogans qu'on a, depuis, avantageusement recyclés en gingle de pubs ("Avec FRAM, sous les pavés, c'est la plage!" , "Jouissez sans entraves avec le nouveau vibromasseur Philips") et qui poussent les enfants de 68 à travailler plus pour gagner toujours plus en 2008, pour pouvoir se payer le dernier écran plat de chez Takachié.

Sans parler des chansons contestataires, dont le principe est toujours autant à la mode: Raphaël qui défend les Tziganes dans son audacieuse "Caravane", les Enfoirés qui font preuve d'un culot monstre en reprenant "Ville de lumière" de Gold (une chanson contre le passage de la flamme olympique à Paris...ah non, on me signale que c'était pas d'actualité, à l'époque),
et Christophe Willem qui est allé jusqu'à risquer la prison pour son courageux brûlot anti-consumériste "Elu produit de l'année"...(pardon, mais ça me met la larme à l'oeil).

D'ailleurs une certaine jeunesse actuelle ne s'y est pas trompée: des dizaines de milliers de filles et de garçons reprennent en choeur, à Bercy et au Zénith, et même sous la douche, les titres politiquement forts de Chimène Badie ("Je ne suis pas une saucisse Herta") ou de feu Gregory Lemarchal ("La muco, c'est pas beau").

Tout ça pour dire que les histoires de pavés qui cachent la plage, la chienlit, la Sorbonne occupée et tout ça, moi j'avais pas précisément envie d'en remettre une couche.

Et puis mardi soir, en rentrant du boulot, je suis tombée sur un documentaire très sobre, bien foutu, rempli d'images d'archives (oui...forcément, des images d'archives, pas le dernier reportage de TF1 sur Maxence Plantier, le dernier fabriquant de santons en vraie bouse de yak séchée du Sud de la France...parfois j'écris de telles inepties que je me fais peur)

Alors finalement, je me suis dit que j'avais envie de bafouiller deux-trois phrases sur le sujet, étant donné que je me suis déjà pris la tête précédemment sur la vacuité de nos valeurs bourgeoises occidentales post-modernes et décadentes...
Eh mais reviens, c'est de l'humour!

Donc, hier soir, j'ai revu, en vrac:

Les marches de protestation contre la guerre du Vietnam, les Black Panthers, Cohn-Bendit, le Printemps de Prague (et la mort de Jan Palak, dont on ne parle jamais ou presque), Jimi Hendrix, Cohn-Bendit, les pavés (quand même un peu), la révolte mexicaine au moment des J.O, la mort de Luther King, Cohn-Bendit, la mort de Kennedy (Bob, pas John, tu suis?), l'offensive du Têt, les marches pour les Droits Civiques, De Gaulle, Cohn-Bendit (non, pitié...pas lui!), Janis Joplin et Alexander Dubcek.

Je dois dire que ça avait carrément une autre gueule que mes cours d'histoire, au lycée Machin, entre deux soufflages de boulettes et trois heures de colles avec madame Valentini (mais madame Valentini, elle était plutôt chouette, parce que ses cours dégénéraient souvent en débats sans fins sur le Mur de Berlin ou l'émergence des pays asiatiques dans l'économie mondiale).

Et puis ça va te paraître stupide, mais en comparaison, avec notre engouement (très passager, ne nous leurrons pas) pour le Tibet, nos manifs qui peinent à rassembler trois cent pékins parce que personne ne veut se geler le cul sur le bitume, les torchons à vaisselle qu'on s'enroule autour du cou et qui sont censés signifier "rebelle solidaire" (solidaire de qui? De quoi?) et tout le reste, ben j'ai trouvé qu'on était limite pathétiques, oui.
Des petits joueurs, quoi.

Le péril jeune

Crédit photo: Delfo / FlickR.com 

Attention, je ne dis pas que la génération d'homo sapiens de 1968 était meilleure que la nôtre, hein.

Je dis juste que deux millions de personnes, blanches et noires, main dans la main, sur les pelouses de Washington pour exiger les Droits Civiques, ça me remue en fin de compte bien plus les tripes que dix mille petits bourges (dont je faisais partie) qui braillent "Devaquet au piquet" sur le Boulevard Saint Michel (et qui se la pètent un max' parce que c'est THE boulevard Saint Michel, justement, celui des pavés...).

Bon, je te laisse, je dois partir au boulot.

....

Comment?
Une manif?
Quelle manif?
C'est quand?
Samedi.....Ah ouais....
Ben j'aurais adoré y aller...Mais le samedi c'est chaud, tu comprends...oui...Je dois absolument passer à la Fnuck pour acheter un cadeau à ma belle-soeur...
Qu'est-ce que tu dis?
J'ai pas de belle-soeur?
.....
Merde, t'as raison.


Le péril jeune

Crédit photo: Marek Z / FlickR.com


Retour à La Une de Logo Paperblog

LES COMMENTAIRES (1)

Par feeble
posté le 24 avril à 18:06
Signaler un abus

Un style impeccable, un propos sans concession loin des clichés qu'on se farcit à longueur de journée, je crois que même les pigeons se sont abstenus.

A propos de l’auteur


Corcky 6 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine