Il y a des personnages de contes de fées qui deviennent beaucoup plus que ce que leur auteur a bien voulu en faire. Adaptation, interprétation, le personnage évolue avec les temps et avec les supports. Lorsque Charles Perrault a écrit ses très célèbres contes, il n’est pas certain qu’il se soit douté que son personnage du chat botté pouvait être interprété par la voix d’Antonio Banderas dans une publicité pour de la nourriture féline.
Cela fait maintenant bien trois siècles que le chat botté anime les lectures pour enfants et les fictions. Ce personnage quasiment absurde de chat qui pourrait porter des bottes et manier l’épée paraît incroyable. La fiction lui a permis de naître et c’est aussi parce qu’elle nous permet de croire et de rêver à des choses impossibles qu’elle est si utile à nos vie.
Illustration de Gustave Doré – 1883
Aujourd’hui, une recherche sur le chat botté nous amène très facilement à deux images. Il y a celle de la célèbre illustration de Gustave Doré (1832 – 1888) datant d’une édition de 1883 du conte, et la très récente interprétation exécutée dans le cadre du film des studios Dreamworks qu’on ne nomme plus… Shrek.
Pour revenir à l’image réalisée par Gustave Dorée (cliquez dessus pour voir en grand), on peut se demander en quoi elle devient si emblématique du personnage. Comme je le dis souvent, le référencement Internet est une histoire de popularité, et c’est pareil dans tous les domaines. Si une image parmi tant d’autres pour le même sujet devient plus célèbre qu’une autre, c’est qu’il a une raison.
Cette image peut abriter des éléments qui sont représentatif d’une situation ou d’une époque. En ce qui concerne les deux illustrations réalisées par Gustave Doré qui illustrent ce billet, je peux dire au doigt mouillé qu’elles me font l’effet d’une représentation de dieu de l’Antiquité grecque (ou romaine puisque ce sont les mêmes). Nous avons un personnage accompagné d’attribut sans lesquels il serait absolument méconnaissable. Imaginez donc ces images sans bottes, sans ceinturons, chapeau et cape. Nous n’aurions qu’un chat intelligent digne d’une foire itinérante.
Illustration de Gustave Doré
L’histoire du chat botté est fantastique. Bien sûr il y a des milliers de contes et de fables où sont présents des animaux doués d’intelligence. Ce qui est merveilleux chez le chat botté, c’est le fait qu’il soit non seulement intelligent mais qu’il ait toute la prestance d’un bretteur de talent. Ce n’est évident pas pour rien que le casting de Shrek ait choisi Antonio Banderas comme acteur, puisque ce dernier a tout de même joué Zorro au grand écran.
Le chat botté est une forme d’Aristochat, à l’exception qu’il ne fait pas de jazz pour préférer l’escrime. Conscient des hiérarchie de la société et faiseur de bonnes actions, c’est quasiment le parfait gentilhomme. M. Jourdain en serait jaloux !
Le chat botté – Estampe – 1847
Mais Le Maître Chat ou Le Chat Botté est avant tout une histoire qui se lit et qui se raconte.
Il est donc naturel que le personnage et ses aventures dans ses représentations visuelles aillent au-delà de la gravure d’illustration. Le support de l’image d’Épinal qu’on appelle aussi image pellerin – du nom de M. Jean-Charles Pellerin – est idéal. Certains disent que c’est l’ancêtre de la bande dessinée, ce qui serait ignorer les fresques de l’Egypte Ancienne ou encore des miniatures de Bible bien connues parmi bien d’autres exemples.
Pour leur défense, il est vrai qu’on voit bien une succession de vignettes dans lesquelles évoluent des personnages répétées d’une case à l’autre. Des commentaires sous chaque image se substituent aux bulles.
Les images d’Épinal permettent de diffuser des histoires, des champs ou des messages destinées à une certaine classe populaire. C’est le moyen idéal de faire passer un message, c’est la raison pour laquelle il n’est pas étonnant d’en trouver en temps de guerre. Ce qui s’en rapproche le plus aujourd’hui serait pour moi les images dans les emballages de pâtes de fruits, et celles des cartes de jeu de tarot que je ne cesse d’admirer au lieu de compter les atouts qui tombent…
Le chat botté – Estampe – 1846
Le chat botté – Couverture de livre – 1936
La Belle au bois dormant : Ludmilla Schollar (la chatte blanche) avec Errol Addison (?) (le chat botté)] – Photographie de Stage Photo Company, Londres – 1921
Autre solution pour raconter l’histoire du chat habile à l’épée est le théâtre. Le chat est reconnaissable encore une fois par ses attributs. Remarquons qu’en plus de sa tenue de bretteur, il dispose également de trophée qui permettent d’attester de son talent de chasseur. Chez Gustave Doré, le chat botté dispose d’une souris attaché à sa ceinture. C’est sans doute un casse-croute en cas de faim entre deux duels.
Une affiche dont l’auteur n’est autre que Jules Chéret (1836-1932) montre un chat qui soulève à patte levée un lapin blanc fraichement chassé.
Non ce n’est pas là le résultat d’un tour de magie durant lequel le chat botté aurait sorti de son tricorne à plume un beau lapin blanc, mais c’est bel et bien un trophée de chasse qu’on montre pour être certain que le public constate qu’on est un dur.
Au passage, un mot sur Jules Chéret tout de même ! Ce monsieur fut fils de typographe, peintre et lithographe. A priori tout est fait pour qu’il devienne artiste affichiste ! C’est la bonne époque, puisqu’à une très belle époque l’affiche publicitaire était un terrain artistique tout à fait adéquat pour se faire connaître. Un monsieur du nom de Henri de Toulouse-Lautrec (pour ne nommer que lui) avait bien compris cela ! Les affiches étaient alors signées et une publicité était appréciée tant pour sa qualité visuelle que pour le produit qu’il montrait.
Parmi les auteurs de publicités qu’on a volontier en guise de décoration dans son salon, les boutiques de souvenirs parisiennes sont truffées d’images réalisées par Alfons Mucha (1860-1939) le Justin Bieber de l’affiche.
Affiche de Pantomime – Spectacle équestre – 1880
Le chat botté – Affiche de Jules Chéret – 1878
Mais pourquoi s’arrêter aux images fixes ? Le chat botté a lui aussi le droit à des rêves de petits et grands écrans ! Une fiction télévisée de 1966 retrouvée au fond d’un tiroir de l’INA met en scène un descendant de l’illustre chat botté.
La consécration au cinéma est sans doute celle des années 2000 avec l’apparition du chat potté pour la traduction de Puss’n Boots. Ce félin qui emprunte la voix d’Antonio Banderas a alors le style d’un John Wayne et le talen de Mace Windu.
Image du film Le chat potté – 2011
Mais Puss’n Boots, c’est aussi le nom d’une marque de nourriture pour chats domestiques.
Publicité Puss’n Boots – Date non retrouvée à cause de mon incompétence
Publicité Puss’n Boots – Date non retrouvée à cause de mon incompétence
Conrad & Deans, Puss ‘n Boots display – Adolph B. Rice Studio – 1954
Malheureusement, le chat botté a bien évolué avec son temps et telle une Kim Kardashian il vend son image à la marque Friskies. Publicité télévisée, packaging spécial, tout est mis en oeuvre pour avoir autant de succès que le dernier Happy Mean M. Pokora.
Maintenant, j’attends encore le chat botté de l’espace voyageur dans le temps et sauveur de lolcats.