Magazine Journal intime

L'effet boomerang

Publié le 14 mai 2013 par Papote

Je reconnais que depuis mon accident, j'ai énormément de mal avec l'image que je me renvoie (j'en vois qui ricanent en murmurant que, déjà, avant, je n'étais pas la reine de la confiance en moi... Bon, ok... Certes... Mais, là, encore plus !).
C'est très compliqué...
Il y a d'abord mon bras que j'ai toujours du mal à accepter. Je le ressens toujours comme un truc à moitié moribond et douloureux qui pend le long de mon corps. La cicatrice est toujours extrêmement sensible.
Il y a mon corps qui s'est modifié par l'arrêt complet d'activité physique. Un ou deux kilos en balance, les muscles qui se ramollissent, une épaule plus haute que l'autre, les joues qui s'arrondissent, les cernes qui s'agrandissent la faute aux nuits toujours hachées.
Du coup, j'ai du mal à avoir grâce à mes propres yeux et l'exemple le plus flagrant fut la semaine dernière où en essayant de trouver une robe pour une cérémonie, j'ai fini par ressortir les larmes aux yeux des cabines d'essayage.
Mme Mère était présente et ne savait que faire...
Dans le même temps, je m'étais fait pipi de rire dessus en lisant l'excellent billet d'Ioudgine sur la confiance en soi. Oui, il est infiniment plus drôle de se moquer de nos propres travers quand ils sont racontés par d'autres... surtout avec autant de talent !

Si je vous raconte tout ça, ce n'est pas pour me plaindre mais pour vous planter le décor de ce qui va suivre.

Dimanche matin, je demande à P'tite Louloute d'aller se brosser les cheveux et, là, elle me lance le regard " je vais égorger quelqu'un et ce sera toi si tu restes dans mon champ de vision encore 30 secondes".
Non, non, je n'avais pas élevé le ton mais elle s'était prétendument déjà brossé les cheveux.
Jusque là, je ne voyais vraiment pas où le bât blessait...
Nous montons dans la salle de bains et, là, elle fond en larmes en m'expliquant qu'elle est " la plus moche fille de la terre"...
Putain, 10 ans 1/2 et on attaque déjà !!!

Je me rappelle de mes propres doutes durant mon adolescence et de ce que je ressens précisément en ce moment, de ce que je ne peux détacher de l'image que me renvoie mon miroir, du fait qu'il est primordial d'entendre dans la bouche de l'autre que ce n'est pas vrai, d'entendre énumérer toutes les qualités dont les autres nous trouvent parées.
Mon ressenti est si vif, si présent, si douloureux que je suis à même de comprendre qu'il serait odieux pour elle que je puisse lui donner l'impression de prendre tout ça à la légère, qu'il ne va pas suffire de lui parler de l'importance de la beauté intérieure (même si, c'est vrai... Il y a des vérités qui doivent savoir patienter un peu !) et que rien ne vaut mieux qu'une démonstration pratique.

J'ai donc attaqué une revue en règle de tout ce que je trouve joli chez elle en étant le plus objective possible afin qu'elle puisse me croire.
- Elle déteste ses cheveux qui ne sont jamais disciplinés.
Oui, mais ils ont une si jolie couleur et, surtout, cela lui permet d'envisager toutes les coiffures car il peuvent se laisser friser ou se lisser. Il faut juste aller faire un tour chez le coiffeur pour restructurer sa coupe.
- Elle a ses tout premiers boutons d'acné (enfin, trois petits boutons entre chair et peau qui se voient à peine mais, pour elle, on ne voit qu'eux !).
Oui, mais elle a un si joli grain de peau et un teint si enviable bien mat hiver comme été.
- Elle a des yeux de cochon avec des sourcils de garçon.
Oui, mais c'est une telle chance d'avoir un regard de braise avec des sourcils bien arqués et si elle les trouve vraiment trop épais, il sera toujours temps d'en épiler une partie quand elle sera grande.
Quant à leur couleur, elle s'apercevra, l'âge venu, qu'elle lui permettra toutes les nuances et tous les types de maquillage (s'il vous plaît, que cela reste dans les limites du raisonnable malgré tout !) et que d'ailleurs, son parrain chéri et adoré préfère les yeux marrons à tous les autres...
- Elle a des lunettes et est myope.
Justement, on a rendez-vous chez l'ophtalmo cette semaine. On va lui demander s'il est possible d'envisager de commencer les lentilles de temps en temps et quand sa vue sera stabilisée, elle pourra se faire opérer comme tant de gens de notre entourage.
- Elle a un gros ventre et de grosses fesses.
Non, elle se tient mal et donc ils ressortent d'autant plus mais qu'elle se tienne droite et tout de suite, sa silhouette est normale, avec la chance d'avoir une très jolie chute de reins que nombre de filles tentent en vain d'obtenir en achetant des pantalons sensés remonter et mettre en valeur. En revanche, je ne lui ai pas dit (elle est trop jeune encore) mais, sous peu, elle comprendra la chance qu'elle a...

J'en ai profité pour lui parler de ses copines " si jolies" qui ont également tel ou tel défaut et que cela n'empêche pas de les trouver jolies ou pleines de charmes (j'espère juste qu'elle n'ira pas leur répéter les défauts que je leur ai trouvés !) pour lui prouver que beauté et perfection ne sont pas indissociables.
Je lui ai également promis que je lui montrerai, sur internet, des photos de stars et autres mannequins photoshopées ou juste préparées pour les shooting et tapis rouges et les mêmes au naturel afin qu'elle appréhende un peu la part de factice des magasines.

Et c'est moi qui lui ai tenu ce discours !!!
Moi qui baisse les yeux en me lavant les dents pour ne pas croiser mon reflet, moi qui m'oblige à dissocier la tenue à choisir de ce que les vêtements donneront sur moi pour continuer à m'habiller avec soin...
J'ai ressenti tellement fort l'ironie et le cynisme de cette situation... mais j'ai également ressenti que c'était là peut-être notre chance à toutes les deux qu'elle se dévoile à moi justement aujourd'hui, moi qui pleurais trois jours auparavant devant mon reflet que je n'arrivais pas à accepter, moi qui pleurais la veille au soir en racontant cet épisode et ce mal-être que j'ai du mal à contenir depuis quelques semaines.
Je savais parfaitement que mes paroles ne trouveraient aucun écho, aucune acceptation dans l'instant mais je savais qu'il y avait une grande chance que ma voix continue à résonner dans les méandres de son joli cerveau pour s'inviter et s'imposer parfois... Je savais aussi que j'étais prête à recommencer encore et encore cet inventaire devant une grande glace parce que, même si, ça ne change pas vraiment son regard sur elle, le fait d'entendre et de se faire ré-affirmer tout le bien que je pense de sa petite personne est important pour qu'elle ne se laisse pas trop entraîner dans sa perception... Je le sais tellement bien, tellement maintenant !

Et c'est justement à ce moment là qu'un petit garçon de 5 ans et 362 jours est venu m'offrir une fleur par lui fabriquée en patarev.
Quel joli nom pour une matière destinée à façonner de si jolis petits cadeaux !
Quel joli symbole que le grand sourire de cette fleur comme pour me dire que je venais de franchir un cap, de grandir encore un peu en tant que femme et en tant que maman !
Quel cadeau si touchant pour moi venant de lui !

Quelle chance j'ai que, dans ma vie, tout s'enchaîne si bien, même quand ça ne va pas très fort !
Quelle chance j'ai d'être si bien entourée pour essayer de mieux entourer ceux que j'aime !


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