Acte dérisoire s’il en est, je n’ose écrire « acte de résistance ».
Je me suis rendu dans le Virgin Mégastore des Grands Boulevards, à Paris, et je leur ai acheté 3 CD : Dookie des Green Day, Dummy, de Portishead et Welcome to the Pleasure Dome, le premier album si réussi de Frankie Goes To Hollywood. Que du très très lourd.
Je répète : j’ai acheté des disques dans un magasin qui en vend. Ou plutôt, qui en vendait. Vous avez probablement vu les scènes d’émeute indécentes qui ont accompagné les colossales promotions de déstockage liées à la liquidation des Magasins Virgin.
Je me suis rendu là après la bataille : linéaires éventrés, salariés avec le moral de ceux qui vont prochainement faire la queue à Pôle Emploi, à peine un vigile pour vérifier si j’ai bien payé mes CD. Un lieu vide de toute substance, quasiment à l’abandon.
Quel étrange paradoxe ! La frénésie d’achat de toute cette génération qui télécharge à mort et qui a donc partiellement causé la ruine du modèle économique de Virgin reposant sur la mise à disposition disques rangés dans des bacs qu’il faut… acheter. « Ache… quoi ? » Le mot est du 18ème siècle au moins.
Alors, on peut considérer cette situation de différentes manières.
La première, c’est que l’accès à des biens culturels tels que les disques, DVD voire les livres est beaucoup trop cher et ce depuis longtemps, et on peut imaginer que toute la filière : auteurs, artistes, producteurs, maisons de disques… s’est confortablement enrichie sur notre dos. D’ailleurs, ils continuent, vous avez constaté l’inflation des prix des concerts ?
La deuxième, c’est que le téléchargement et la numérisation de toute œuvre vont tout brûler sur leur passage. C’est un fait, je ne m’oppose pas au progrès, je le commente.
Pour un homo sapiens comme moi qui fus habitué à payer au prix fort ses disques, on ne se défait pas comme cela de ses réflexes archaïques. C’est le même processus, à l’envers, pour quelqu’un qui n’a jamais arpenté les allées pleines de disques, touché les pochettes et souhaité posséder le bel objet. Je vous parlerai un jour de mes 500 45 tours et 33 tours. Ah…
Pour un »digital native », acheter un disque, ça veut dire quoi exactement ? La notion de droit d’auteur ou de créateur s’est diluée derrière des logarithmes savants, derrière des parois informatiques anonymes et individuelles, derrière des méga-octets où les mégastores n’ont plus lieu d’exister.