Y'a des jours, comme ça...
Un mec, qui était arrivé au Foyer dans le même état qu'une serpillère utilisée cent fois pour éponger la sueur de Sébastien Chabal après un match, un mec qui puait le Pastis de sept heures du
mat' à minuit, un mec qui a tatoué sa haine partout sur ses bras quand il était au Zonzon, un mec dont je t'ai déjà
parlé ici, en fait...
Figure-toi que ce mec a arrêté de boire depuis déjà un mois, et qu'il tient le coup.
Figure-toi qu'il a recommencé à se raser.
Figure-toi qu'il a recommencé à sourire.
Figure-toi qu'il s'est inscrit à l'ANPE et qu'il a trouvé un boulot.
Figure-toi que son fils, un môme de vingt ans qu'il n'a pas vu depuis sa naissance ou presque, lui a écrit une lettre.
Figure-toi, même, qu'ils vont se prendre un café bientôt, histoire de faire connaissance, histoire que notre bonhomme s'habitue à entendre ce mot tellement banal, "papa".
Et il flippe, le mec.
Il se demande s'il va être à la hauteur.
Il se demande s'il va se faire engueuler.
Il est pas sûr de tenir le coup sans chialer, et ça l'emmerde de pleurer devant "le gamin".
Du coup, il est excité comme un fan de Tokio Hotel avant un concert au Stade de France, il court partout, il s'est acheté des fringues aux puces de Montreuil ("Dites, ça me va? Non, parce que
c'est pas de la marque, hein...j'avais pas les sous...j'ai pris du bleu, et j'ai coordonné comme je pouvais...dites...ça me va?"), il se shoote au café en attendant le grand jour et il a le
palpitant qui est sur le point de jaillir de sa cage thoracique.
Figure-toi que moi aussi, je suis toute jouasse et que mon coeur s'envole comme un faucon.
Y'a des jours, comme ça.