Quand Syphaïwong m’a proposé de me joindre à son groupe pour une visite au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, j’avoue avoir été assez peu emballé. Non pas que je n’aime pas l’art moderne, même si je lui préfère le cochon, mais l’idée d’interrompre mon marathon LOTR / Kill Bill / Star Wars 4, 5, 6 juste après le Retour du Roi, lequel a tout de même vachement plus de classe que cette lopette de Mark Hamill qui passe les trois films à se demander ce qu’il fout là pour me rendre dans le 16ème arrondissement de la capitale.
The Tree of Monkeys, 1984, Courtesy Fondazione Orsi, © Keith Haring Foundation
Arrivé devant le MAM – avec le Musée d’Orsay rebaptisé MO, on se croirait presque à New York – j’ai découvert que nous allions voir l’exposition Keith Haring The Political Line, finalement une excellente raison de repousser le Retour du Jedi à mercredaille ou vendredaille.
Quand on doit exposer un artiste aussi populaire que Keith Haring – et de ce point de vue là, il a parfaitement réussi dans sa volonté de rendre l’art accessible à tous – il peut être tentant d’aligner les oeuvres sans chercher ni thématique transverse, ni fil conducteur : Haring est tellement bankable que les gens se presseraient de toutes manières aux portes du musée comme dans les files de cinéma pour voir le dernier blockbuster. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’attroupement des visiteurs photographiant smartphone à la main les oeuvres les plus connues, et délaissant certaines moins célèbres ou plus dérangeantes.
De ce point de vue, on peut être reconnaissant au MaM d’avoir fait les choses correctement, en choisissant l’engagement politique – ou plus exactement les multiples engagements politiques – de Haring à travers sa carrière. La thématique n’a, avec du recul, pas grand chose d’original, à ceci près que j’ignorais alors tout de l’activité profondément militante de l’artiste, n’y ayant vu jusqu’alors qu’une transition entre les 70′s et la pop acidulée des 80′s.
On découvre alors salle après salle une succession de dessins sur papier, affiches publicitaires détournées, collages, sculptures et bâches proches du monumental accompagnés de textes clairs et concis – merci aux commissaires Dieter Buchhart et Odile Burluraux de n’être pas tombé dans l’excès inverse – qui replacent les oeuvres dans le contexte de la vie de l’artiste – lutte contre le SIDA, découverte d’Hiroshima… – créant une relation presque intimiste entre Haring et le visiteur malgré la taille des lieux.
Le côté militant exposé, le regard sur thèmes récurrents dans l’oeuvre de Harring – chien, personnages surmontés d’une croix, bébé à 4 pattes – change radicalement, même si la datation évidente de certaines oeuvres – représentation clairement 70′s de l’ordinateur et de la télévision – donne aux dessins un côté kitch qui leur retire une partie de leur force et les transforment peut-être malgré elles en icônes du merchandising cool.
Quelques questions restent pourtant en suspens : à quelle époque de la vie de l’artiste les dessins à la craie ont-ils été extraits des panneaux publicitaires sur lesquels ont ont été faits, et comment conserver des travaux sur bâche sans que le plastique ne se rétracte ou que la peinture ne s’effrite ? Autant de questions dont j’espère découvrir la réponse dans le catalogue de l’exposition.
Et si vous êtes à Paris et que vous n’avez pas encore vu Keith Harring: The Political Line, courez au Musée d’Art Moderne, l’exposition se termine le 18 août. Quant à moi, je vous laisse, j’ai 3 films à regarder avant d’aller à la nocturne de l’expo Roy Lichtenstein au centre Pompidou.
Billet écrit par Frédéric de Villamil, auteur invité du jour.