Tout ça "ne promettait pas beaucoup de bonheur" avait écrit Zola, alors que son "Assommoir" aurait pu parfaitement convenir à la situation d'un ouvrier du dérailleur, ferraillant avec sa machine par au moins 40° à l'ombre pour escalader les flancs du géant dans la fournaise... La dernière déclivité conséquente cochée sur mon programme de la semaine, après une remontée du modeste col de Vence où j'avais par hasard, croisé les gens de la Sky et pris leur train pour quelques mètres à m'imaginer appartenir au gotha du cyclisme mondial. Oui, bon, ça va !!! Je me prends pour qui je veux et même pour Chris Froome si ça me chante... Chris Froome, Carl Lewis, le dernier album de Daft Punk ou même les Beatles si ça me fait plaisir !...
Une visite des promontoires un peu bêcheurs de la côte d'Azur après ceux plus raboteux des Alpes occidentales, avant d'en terminer sur cet impitoyable mont Ventoux dont je connaissais déjà le joli programme de réjouissances pour l'avoir expérimenté une première fois sur le même versant depuis Bedoin en juillet 2009.
Une ascension de 1500m de dénivelé positif, improvisée dans le brasier provençal au pire moment de cette journée caniculaire de juillet. Un véritable assommoir, oui ! Une montée dans le cagnard d'une heure et près de quarante cinq minutes, pour égrainer les 21 km sur une sorte de chapelet infernal composé de bornes kilométriques mesurant plutôt le nombre de mouvements de brasse coulée depuis Saint-Estève, pour atteindre complètement "noyé" le virage du Chalet Reynard. le seul vrai replat (quelques mètres seulement...) avant d'entrer dans le vif du sujet, la nef de la cathédrale provençale du cyclisme. Cette rampe d'asphalte tracée dans la caillasse blanchie par le soleil et la tempête depuis des lustres. Un martyr de 8 km encore à près de 2000m d'altitude... Un supplice largement consentie, vous me direz... Car, allez ! Rien ni personne n''a jamais obligé quiconque à se jeter dans ce chaudron torride de la dépense inhumaine, pendant qu'un peu plus bas, l'ombre des platanes nous tendent les bras sur une terrasse de café où la limonade glacée coule à flot. Mais, comme on le sait en philosophie, il faut bien des personnages "conceptuels" pour garantir le show et servir de porte-parole à la folle et si peu compréhensible condition de l'homme sur terre.
J'en étais là de ma réflexion sur la douleur "expiatoire" ou "rédemptrice" (comme disent les bons chrétiens) confrontée à l'envie passionnée d'ouvrir quelques nouvelles portes secrètes d'une métaphysique triturée dans l'effort de 90 coups de pédales par minute sur une pente moyenne à 10% et sous un soleil de plomb. Une spéculation ontologique à partir d'un coup d'assommoir derrière les oreilles "librement consenti"—je vous le concède donc— pour explorer la couleur de nos limites intérieures et vérifier l'équilibre précaire de nos amours souterraines. D'une pensée à une autre, il me vint aussi à l'esprit ces paroles d'Exsonvaldes écrites pour un "aérotrain" : "Dans ce monde... Lentement, je prends de la hauteur... Lentement... Prendre la fuite et fendre l'air..." Bon, c'est pas tout ça, mais après il faut encore redescendre. Le même machin mais dans le sens inverse et à fond de train, parce qu'on ne va pas non plus y passer son été ! Et bonjour à Robert si tu le croises en rentrant.JL Gantner
© JL GANTNER 2013