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Madame Marguerite

Publié le 08 septembre 2013 par Naira

Madame Marguerite Du 05/09/2013 au 26/10/2013 au Théâtre Le Public (http://www.theatrelepublic.be/)
Texte de : Roberto Athayde
Adaptation de : Jean-Loup Dabadie
Mise en scène : Virginie Hocq
Avec : Marie-Paule Kumps
Tarifs : de 1,25€ (Article 27) à 25 € (Adulte)
Durée du spectacle : 1h30 min
«Attention, la revoilà ! Prenez vos cahiers, mettez votre chaise sur ses quatre pieds et accrochez-vous. Madame Marguerite déboule à nouveau au théâtre pour nous préparer, élèves innocents que nous sommes, à affronter la dure, si dure, réalité de la vie. Elle tient sincèrement à nous offrir « la poésie du monde à aimer », comme un ange de bonne volonté. Mais démon l’instant d’après, elle assène avec fracas que « la vie est une connerie » ! Dans ses leçons cyniques, comiques ou tragiques de l’existence, l’enseignante effrontée en profite pour glisser quelques vérités bien acérées sur notre quotidien !»
Et oui, c’est la rentrée pour tout le monde, et chacun, au théâtre le Public, est prié dès l’entrée dans la salle des voutes de récupérer son cahier personnalisé et son stylo, pour aller s’asseoir au bout du couloir, dans la classe de Madame Marguerite qui veille déjà au grain. La cloche sonne, et la maîtresse partage avec nous son concept de l’éducation : « Quand je chante, vive l’enfaaaaaaceeeeuh, je chante, vive l’obéissaaaaanceeeeeeeuhh ». Le ton est donné… Tour à tour touchante, pleine d’empathie, autoritaire, fragile, cruelle, drôle, cynique, Madame Marguerite va revisiter la biologie, les mathématiques, l’histoire, et nous donner, à nous élèves d’un soir, une leçon de vie bien particulière.
« Engluée dans un carcan d’éducation que l’on sent si serré, si lourd sur ses épaules », Madame Marguerite est « dépassée par un monde qui a été trop vite pour elle, elle a raté le tournant de la libéralisation des mœurs ; on lui a interdit de penser par elle-même. On sent que son éducation l’a enfermée dans des croyances, religieuses notamment, où il n’y a pas de place pour la liberté de penser, d’agir, de disposer de son corps ». L’actrice Marie-Paule Kumps résume ici tout ce qui fait la subtilité de cette pièce : les propos réactionnaires de Madame Marguerite, son gout démesuré pour le pouvoir – Madame Marguerite s’inquiète de voir son titre de déesse vivante » soustrait par la présence inopportune d’un Dieu, Allah, Vishnu ou Bouddha dans la pièce -.et son totalitarisme nous questionnent en retour sur notre propre société : Où en sommes-nous des questions de sexualité, d’homophobie, d’obéissance (ou désobéissance ?) citoyenne ? Sommes-nous sortis de cet état d’acceptation passive d’une autorité auto-établie, d’abord l’école, puis dans la société, où « personne ne nous demande notre avis » ? La pièce, issue de l’ensemble des cinq Pièces Précoces que l’auteur brésilien Roberto Athayde écrivit à 21 ans en 1976 dans un Brésil soumis à une dictature militaire impitoyable fut dès sa création, montée dans de nombreux pays dont la France où c’est Annie Girardot qui incarna cette institutrice de Sixième Primaire (CM2 pour les français comme moi), dans un contexte post-soixante-huitard propice aux questionnements sociétaux et à la remise en cause de l’autorité, sur le registre de la comédie cynique. Quelques trente ans après, cela valait le coup d’aller voir quelle force pouvait encore avoir cette célèbre Madame Marguerite. La mise en scène créative plutôt réussie prend indéniablement de la distance par rapport à la critique facile au premier degré d’une enseignante en mal-être face aux carcans d’une administration autiste, mais peine à se défaire du parti-pris potache souvent adopté par les metteurs en scène. La performance d’actrice de Marie-Paule Kumps, brillantissime dans ce rôle à double tranchant, arrive toutefois, tant bien que mal, à faire passer ce qu’il y a souvent de vulgaire et de racoleur dans la pièce, ou du moins dans l’adaptation de Dabadie. Le souci du détail, tant dans le décor que dans les gestes, la démarche de Madame Marguerite (mention spéciale à la montée/descente de l’estrade, si véridique – oui je l’ai vécu-) permettent à l’actrice d’exprimer tout son talent et de livrer une prestation époustouflante dans un monologue de plus d’une heure trente. Texte parfois dérangeant, décapant, émouvant et joué avec brio et esprit, Madame Marguerite n’est pas exactement une maitresse comme on en rêverait, mais une maitresse comme on en a déjà tous un peu eu : de celles qui, par leur étroitesse d’esprit et leur côté réactionnaire, nous poussent à remettre en cause l’ordre établi, et à prendre un peu de recul sur notre société et sa hiérarchisation. Une piqûre de rappel est toujours bonne à prendre, et je vous recommande de vous soumettre à l’autorité de Madame Marguerite pour une soirée, qui sera de toute façon agréable et pleine de bonne humeur. Pour plus d’information : http://www.theatrelepublic.be/ Marion
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