Magazine Journal intime

Mes meilleurs copains (et j'emmerde Bridget Jones)

Publié le 01 mai 2008 par Corcky




Bon, ok, j'avoue, j'ai vu un jour Le Journal de Bridget Jones.

Bon, ok, j'avoue, je me suis bien marrée.

Le coup de la trentenaire célibataire, un peu enrobée, clopeuse, buveuse, limite boulimique et dépressive au possible, à l'époque, c'était relativement novateur.

Le problème, c'est que c'est devenu un putain de phénomène de mode, vu le carton au box-office, et qu'on nous a littéralement inondés de bons gros nanars qui développent deux heures de platitudes sur les trentenaites mâles qui ont peur de s'engager (mais que quand même ils adorent les gosses, gouzi-gouzi) et les trentenaires femelles qui attendent le prince charmant (et qui, en l'attendant, compensent leur solitude de trentenaire et leur manque de sexe avec du chocolat, ce qui est bien moins bon et qui, en plus, est mauvais pour leur foie).

On appelle ça un concept.

Un concept, tu peux mettre tout et n'importe quoi dedans, du moment que ça cause au plus grand nombre et que ça rapporte du fric (ou autre chose, ça peut servir à faire parler de soi, aussi, ou à se taper des jolies filles, ou bien à publier un bouquin de merde qui tourne autour de ton nombril et de tes expériences sexuelles, demande à Houellebecq, il t'expliquera).

Eh ben les trentenaires, c'est devenu le concept le plus branché de la décennie.

Du coup, ça se décline à toutes les sauces.

Rien qu'au cinoche, tu peux plus te taper un bon vieux navet italo-helvético-germanique sans te fader, pendant quinze minutes, des bandes annonces pourries pour des films tout aussi pourris qui exploitent le filon du trentenaire, et vas-y que je te propose les trentenaires névrosés qui vont chez leur psy, les trentenaires qui n'arrivent pas à grandir, les trentenaires déprimés, les trentenaires bobos qui se séparent devant un bar branchouille et se réconcilient au Festival du Film Altermondialiste, les trentenaires qui m'aiment prendront le train, la Septième Compagnie des trentenaires, les trentenaires si je mens, t'as vu ta gueule de trentenaire, j'en passe et des meilleures.

Eh ben, je ne suis pas une vache à lait, bordel, et toi non plus, si tu fais partie de cette génération que les publicitaires draguent à coup de compilations de merde et de références japoniaises pour trépanés du bulbe. Crions-le bien fort: Nous ne sommes pas que la somme de tous nos clichés! Halte aux stéréotypes qui voudraient que nous soyons tous, au choix, des célibataires larmoyants qui s'enfilent des litres de whisky et de glace Haagen Dasz pour noyer leur chagrin devant Casablanca, ou au contraire de parfaits petits couples, amateurs de technologie coûteuse et nostalgiques du Club Dorothée, engagés dans la lutte écolo et membres honoraires de je ne sais quelle ONG pour petits bourgeois en mal de déculpabilisation.

Parce qu'en parlant de nostalgie, moi je peux t'en servir une couche, et sans avoir besoin d'aller chercher du côté des chanteurs morts du Jacky Show.

Je t'ai parlé de mes vieux potes? Et de la maison de notre enfance, dans un trou perdu qui ne dépasse pas les cent habitants en été (ce chiffre diminuant de moitié l’hiver)?

Figure-toi que J’y ai passé la plupart de mes vacances entre mes douze et mes seize ans, à me promener en vélo dans les champs, à griller des saucisses sur un feu de camp le soir, à raconter des histoires de fantômes et à faire les pires conneries, de celles que seuls des mômes de cet âge peuvent inventer (en parlant de conneries, aujourd'hui, la trentenaire héroïne de cinéma serait en tête d'une manif contre le G8, quelque part dans le Tiers-Monde, elle se prendrait des coups de matraque, se retrouverait au poste et tomberait amoureuse d'un beau et ténébreux militant marxiste qui lui déclamerait du Baudelaire depuis sa cellule).

Nous étions toujours une petite bande, souvent les mêmes. Il y avait Ali, Nicolas, Martin et Laure, et Saïd, un petit rouquin de Kabylie qui sentait toujours la menthe. Souvent, le soir, on faisait  un sort à une tonne de spaghettis à la sauce tomate, une spécialité de Louis. La seule, en fait. J’ai l’impression d’avoir grandi en avalant des kilomètres de spaghettis et des litres de sauce tomate.

C’est Ali qui m’a collé mon premier coup de poing, en sixième, pour une histoire de triche pendant une interro de maths (si je chope cet enculé, j'en fais un porte-manteau pour amputés de la Grande Guerre).
C’est Laure qui m’a offert mon hamster, celui que j’ai appelé Cacahuète (il a fini par faire une embolie pulmonaire, t'aurais vu le drame, la mort d'Enzo dans le Grand Bleu à côté, c'est du comique-troupier).

Un jour, dans la forêt, Martin a ramassé un oiseau qui avait l’aile cassée. Je n’ai jamais su si c’était un merle, un étourneau ou un aigle royal.
On l’a mis dans une boîte à chaussures que nous avait donnée le père de Louis, avec du coton pour lui tenir chaud. On lui a donné de l’eau sucrée avec un compte-gouttes. Chacun de nous a pris des tours de garde pour lui tenir compagnie. La nuit, on se levait discrètement pour aller voir s’il respirait encore. Au bout de trois jours, il était toujours là. Comme il ne pouvait pas voler, on l’a ramené à Paris avec nous. J’ai insisté pour le garder chez moi, et il a rejoint mes tortues, mon hamster, mes cochons d’inde et ma grenouille. Le jour où il a battu des ailes sans effort, j’ai appelé tous les copains. On a porté la cage dans un square, solennellement. On a formé un cercle autour, j’ai ouvert la porte et l’oiseau s’est envolé.

J'ai revu Louis, y'a pas longtemps...C’est drôle, c’est toujours le même Louis, avec peut-être un peu moins de cheveux sur le crâne, mais c’est toujours celui avec lequel j’ai fait éclater des pétards en cours de musique (trois heures de colle), mis des punaises sur la chaise du prof de français (quatre heures de colle et un avertissement) et dévalisé la cave à vin de Madame Le Proviseur (trois jours d’exclusion et un avertissement, sans parler d’une cuite monumentale).

Alors je te le redis, ami lecteur: Le trentenaire n'est pas une poule aux oeufs d'or pour agences de communication et de marketing à la con, ni un poncif pour scénariste en panne d'idées. Le trentenaire a un coeur, bordel, et même parfois un cerveau. Et ça va mieux en le disant.
Sur ce, je te laisse, je vais me faire un épisode des Mystérieuses Cités d'Or en écoutant Emile et Images.


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