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Race

Publié le 11 septembre 2013 par Naira
RACE Du 03/09/13 AU 19/10/13 au Théâtre Le Public (http://www.theatrelepublic.be/)

Texte de : David Mamet

Adaptation de : Pierre Laville

Mise en scène : Patrice Mincke

Avec : Alain Leempoel, Babetida Sadjo,Emile Abossolo M'Bo,Jean-Michel Vovk

Tarifs : de 1,25€ (Article 27) à 25€ (Adulte)

Durée du spectacle : 1h30 min

«Un cabinet d'avocats. Deux collaborateurs, leur stagiaire et un client potentiel. Au centre de l'histoire : un homme blanc et puissant suspecté d'avoir violé une femme noire. Confrontés à un crime racial, les personnages se débattent non pas avec l'idéologie de la discrimination mais avec ses implications concrètes et quotidiennes. Qui tire les ficelles, qui est victime... ? Et qui, aujourd'hui, ose encore utiliser ce mot: "race" ? Avec un goût prononcé pour le politiquement incorrect, David Mamet pose sans détours une question cruelle et centrale : comment parvenons-nous à tirer avantage des discriminations que nous subissons dans le vaste jeu du pouvoir qui nous lie les uns aux autres ? L'histoire ressemble étrangement à un air déjà connu; vous vous souvenez certainement de ce fait divers. Or, le texte a été écrit un an auparavant ! Vous avez dit étrange ? Succès triomphal à Broadway, la pièce fonctionne comme un thriller et sera menée tambour battant par un quatuor d'acteurs épatants ».

Dès les premières minutes, David Mamet nous incite à prendre parti dans cette affaire complexe : Charles Strickland - interprété avec une grande justesse par Jean-Michel Vovk - riche, blanc et jouissant d’une certaine notoriété, est accusé d’avoir violé une femme, noire et pauvre. Pas de témoin, pas de preuves. En l’absence d’éléments concrets, seuls nos aprioris et le filtre de nos préjugés peuvent nous permettre de nous forger une opinion. Et ce sera également le lot de Jack Lawson (Alain Leempoel), de son associé Henry Brown (Emile Abossolo M’Bo) et de leur assistante Suzan (Babetida Sadjo).

Réticents dans un premier temps à défendre l’affaire, ce sera une maladresse de Suzan qui contraindra les deux avocats à devenir les défenseurs attitrés de Charles. Mais qu’est-il possible de faire pour un homme que tout semble condamner, y compris ses propres avocats ? Comment envisager la justice et le droit de chacun à être défendu lorsque la conscience individuelle entre en conflit avec le devoir professionnel? Et d’ailleurs, qu’est la conscience individuelle, si ce n’est l’expression de nos valeurs passées à la moulinette de nos préjugés ?

David Mamet construit une intrigue où rebondissements et coups de théâtre rythment la pièce, déboussolent sans cesse le spectateur et le confrontent à de nouveaux questionnements. Rien n’est jamais acquis, tout est sans cesse remis en question de scène en scène, dans ce monde de faux-semblants où évoluent les personnages. On comprendra vite qu’il est bien vain de chercher une Vérité dans cet environnement où chacun a la sienne, et ce décor donne à Mamet l’opportunité de porter un regard sur les ressorts des systèmes de défense à l’américaine: « Aucune des parties ne veut la vérité. Chacune veut imposer son point de vue. Est-ce que la société « mérite » que la vérité soit prouvée ? Certainement. Est-ce qu’on y parvient ? Jamais. Pourquoi ? Parce que même les parties en litige ne connaissent pas la vérité. ». Observateur attentif et sans illusions de la société, David Mamet pousse les personnages dans leurs retranchements. Enfermés dans leurs préjugés, victimes de leur milieu socio-culturel, ils campent sur leurs positions jusqu'à ce que les certitudes se délitent.

Appuyée par une scénographie à juste titre très froide, qui laisse briller les tensions entre les personnages, la mise en scène, simple et précise, dans un espace restreint délimité par le bureau immaculé du cabinet d’avocats, semble parfaitement convenir aux comédiens. Allure assurée et dominante, ton affirmatif, Alain Leempoel campe de manière remarquablement naturelle un avocat sûr de son bon droit et de sa bonne conscience. Emile Abossolo M’Bo prend rapidement ses marques et nous propose de manière convaincante la Vérité de cet associé noir dans un monde de dominants blancs. Enfin, Babetida Sadjo, qui nous avait déjà convaincu dans le Bourgeois Gentilhomme (voir ici), livre une prestation époustouflante : entre docilité et révolte, fragilité et rage.

Rythmée comme un véritable thriller à l’américaine, Race propose un très bon moment de théâtre de qualité : suspens et réflexion seront au rendez-vous de votre soirée, je vous conseille vivement d’aller, vous aussi, trouver votre Vérité. Et puis, au Public, on est tellement bien qu'on y retourne toujours avec plaisir ;-)

Pour plus d’information : http://www.theatrelepublic.be/

Marion
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